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Nouvel ordre

Une terrible peste intellectuelle

En France, 2,5 millions de personnes sont allées au cinéma voir le film Deadpool et Wolverine, sorti le 24 juillet 2024. Cela exprime un niveau de régression et de stupidité effarant. Ce qui est marquant toutefois, c’est le mélange totalement improbable des genres, puisque le personnage de Deadpool se veut « amusant » alors que celui de Wolverine se veut profondément sombre.

C’est exemplaire de comment le capitalisme est obligé de tout mélanger pour maintenir l’intérêt, au prix du crétinisme. Aux Jeux olympiques, on a vu la même chose avec la présence du breakdance comme discipline.

Tout est assimilé, récupéré, mélangé à tout et n’importe quoi, refait et refait et refait. Tout ce qui relève du passé est également passé à la moulinette de l’infantilisme et de la débilité. Les films Furiosa, une saga Mad max et Alien : Romulus sont des caricatures de caricatures des films d’origine, au point d’être impossible à regarder pour qui a un cerveau. Et pourtant, ça marche commercialement !

C’est que le capitalisme qui récupère tout fait face à des consommateurs délavés. Et cela dans tous les domaines, jusqu’à l’absurde. Prenons un exemple avec la grande nouvelle scientifique de l’été. Une étude de la revue Nature prétend que la pierre dite d’autel de Stonehenge viendrait d’Écosse, à 750 kilomètres de là.

La raison est la similitude à 95 % des roches. Sauf que les 5 % restants pèsent de tout leur poids, ce qui aurait dû sauter aux yeux. La pierre en question fait en effet six tonnes, pour des mesures de 4,9 mètres, sur 1 mètre et 0,5 mètre. Stonehenge ayant entre 3 et 5000 ans, seul un scientifique qui a basculé dans le formalisme peut se dire que puisque les statistiques le disent, alors peu importe comment les êtres humains peuvent avoir transporté ça !

D’où la solution miracle : la mondialisation capitaliste existait déjà à l’époque. Eh oui, on lit par exemple dans un article, mais c’est la thèse générale dans tous ceux qui en parlent :

« Selon les chercheurs, le fait qu’un bloc de cinq mètres sur un mètre ait pu traverser la majeure partie du Royaume-Uni indique que la société dans les îles britanniques à l’époque néolithique était très organisée et connectée. »

Donc, nos ancêtres de Stonehenge adorant le soleil, sans savoir ni lire ni écrire, ne laissant aucune trace en termes de culture et de traditions de leurs activités (on est à l’âge de pierre!), aurait été très « organisés » et « connectés », avec une civilisation avancée de la taille d’un pays, sans qu’on l’ait jamais su. C’est digne de la série de la théorie des  » anciens astronautes ».

C’est tellement fou que les chercheurs ont dû inventer la conception d’un transport par bateau pour essayer de rendre un peu crédible la thèse.

Et c’est partout ainsi : le capitalisme est un serpent qui se mord la queue. L’exemple de cet été avec Le Monde doit à ce titre servir d’exemple pour d’éventuelles discussions. C’est tellement énorme que cela dit tout.

Il s’agit de cinq articles au sujet de la ville hittite de Kanesh, qui valent leur pesant d’or. On parle ici de 22 000 textes datant de 1920 avant notre ère à 1850 avant notre ère, soit une période relativement courte.

Une tablette des recettes dépenses du convoi d’un marchand assyrien retrouvée à Kanesh

Voici les présentations des articles, qui à elles seules sont délirantes de par leur conception : le capitalisme mondialisé, inclusif, avec ses migrants, aurait déjà existé il y a des milliers d’années !

Le trésor turc antique de la « colline de cendres »

« Les lettres de Kanesh » (1/5). A la fin du XIXᵉ siècle, des paysans anatoliens découvrent sous leurs champs des tablettes d’argile imprimées d’écritures cunéiformes vieilles de 4 000 ans. Ces milliers de textes sortis de terre forment la plus ancienne et volumineuse archive de documents privés de l’humanité.

Quinze siècles avant Athènes, un semblant de démocratie en Assyrie

« Les lettres de Kanesh » (2/5). Les quelque 22 000 tablettes d’argile découvertes dans les ruines de la cité anatolienne de Kanesh, il y a quatre mille ans, donnent un aperçu fascinant de l’organisation d’une grande ville de l’âge du bronze, qui n’est pas sans rappeler la démocratie athénienne.

A l’âge du bronze, des fondamentaux de l’économie de marché déjà présents dans la société assyrienne

« Les lettres de Kanesh » (3/5). Les textes trouvés dans les ruines de Kanesh montrent qu’une certaine idée du marché existait déjà au XXᵉ siècle avant notre ère, dans le Croissant fertile : le marché et sa régulation par les autorités, le capital, le taux d’intérêt, la monnaie, l’entreprise et même la fraude fiscale…

Il y a 4 000 ans, la grande liberté des femmes assyriennes

« Les lettres de Kanesh » (4/5). Des tablettes retrouvées à Kültepe ressort une société bien plus égalitaire que ce que laissent penser les clichés associés à des sociétés antiques forcément rétrogrades.

Le mélange des cultures, ciment du « vivre-ensemble », à l’âge du bronze

« Lettres de Kanesh » (5/5). Les milliers de tablettes découvertes dans les ruines de la cité anatolienne de Kanesh permettent d’entrevoir les formes que pouvait revêtir le « vivre-ensemble », à l’âge du bronze, il y a quatre mille ans.

On est là dans la propagande capitaliste la plus brutale. Qu’on ne parle pas de « science » au-dessus de la bataille des idées, une telle chose n’existe pas, toute interprétation des phénomènes obéit à une conception du monde. Pour que la science soit réellement la science, il faut une vision correcte du monde.

Or, le capitalisme est décadent, il tente de maintenir sa propre survie dans le futur en disant qu’il était là dans le passé, qu’il a toujours été là. Voilà comment une période d’esclavagisme se voit transformé en capitalisme libéral mondialisé.

Le Monde explique donc qu’en Mésopotamie, il y a pu y avoir des cités-Etats gouvernées par une  » assemblée », oubliant l’esclavage de la grande majorité, comme d’ailleurs pour Athènes. La démocratie est pour les classes dominantes seulement : voilà le point de vue des historiens bourgeois, qui ne se placent jamais du point de vue du peuple.

Le subjectivisme règne en maître afin d’asseoir les points de vue bourgeois. Les tablettes d’argile d’il y a 4 000 ans ne mentionnent pas les habits des femmes ? C’est qu’il n’y avait pas d’habits obligatoires pour les femmes. Certaines femmes quittent leur mari dans quelques tablettes ? Toutes les femmes pouvaient le faire à l’époque comme elles le voulaient. Les lettres ne parlent pas de tensions inter-communautaires ? C’est qu’il n’y en avait pas, etc.

Il ne s’agit pas ici d’anecdotes, mais d’une terrible peste intellectuelle, qui contamine toutes les couches intellectuelles bourgeoises. Le subjectivisme prédomine, l’incapacité à disposer d’une rigueur intellectuelle est la norme. Cela correspond au rejet du matérialisme, de la lutte de classes, du principe de transformation qu’est la dialectique de la vie.

Rien ne peut sortir de productif de la société bourgeoise, seulement beaucoup de bruit et de choses pittoresques jusqu’à l’absurde qui profitent de la richesse matérielle actuelle. Le prolétariat doit lever la bannière de la culture et de l’intelligence contre le nivellement par le bas imposé par la bourgeoisie !