Le Premier ministre Michel Barnier était attendu le premier octobre 2024 pour un discours de politique générale à l’Assemblée nationale, un moment clef politiquement devant fixer le cap pour le pays. Pourtant, il n’a rien dit, rien assumé, rien annoncé, car il ne le peut pas.
Cependant, personne ne semble le remarquer. À lire les commentaires, on voit qu’il y a ceux qui le critiquent, ceux qui le honnissent, ceux qui sont sceptiques, ceux qui l’applaudissent, ceux qui louent sa sagesse. Mais personne ne souligne le vide abyssal de sa prise de parole.
C’est pourtant flagrant. En France, le gouvernement est censé mettre au point des lois qu’il fait voter par le Parlement, pour ensuite les faire exécuter par les administrations. Il y a également des décrets, mais bien sûr dans un cadre législatif précis.
On a rien de tout cela dans son discours. Seulement est-il fait semblant, en bombant le torse, ici sur le déficit budgétaire, là sur l’immigration, puis sur les retraites, l’assurance chômage, la mise à contribution des « plus fortunés », le logement, le suicide assisté, le scrutin à la proportionnelle, la Nouvelle-Calédonie.
La seule chose concrète qui a été dite, c’est la revalorisation du salaire minimum de 2 % dès le 1er novembre (alors que cela était attendu pour le 1er janvier), qui se fait par décret (sans vote des parlementaires, donc).
Pour le reste, ce n’est que du vague, des affirmations gratuites, des grandes lignes tracées dans le vent. C’est tout à fait typique d’une situation de crise, marquée par l’immobilisme, l’impossibilité de gouverner à moins de tout renverser. Et comme le gouvernement n’a aucune majorité au Parlement, il ne renversera rien du tout et la France va continuer de s’enfoncer dans la crise de régime.
En fait, la France est tellement enferrée dans la crise que personne n’est capable de quoi que ce soit, ni n’ose faire le premier pas qui ferait ensuite tout vaciller.
Une chose typique : Michel Barnier ne peut pas dire qu’il est « conscient de la gravité et de l’importance de ce moment » à propos du budget 2025, et en même temps n’avoir toujours rien fait, alors que la loi de programmation budgétaire aurait dû être présentée justement ce mardi 1er octobre…
Tel un élève n’ayant pas appris sa leçon, s’imagine-t-il s’en sortir en repoussant l’échéance à après la récréation ? Mais la magie n’opérera pas en quelques instants ! Pourtant, tout le monde prétend croire en l’élève Barnier, car personne n’assume la lourde sentence qui s’annonce.
La France est à l’agonie, mais elle continue de faire semblant, jusqu’au moment de l’impact, qui est imminent.
Il n’y a qu’à voir les marché financiers, où là les choses sont tout à fait concrètes. Fin septembre 2024, un basculement majeur s’est produit : la France est passée derrière l’Espagne en ce qui concerne les obligations d’État sur 10 ans. Le taux auquel un État comme la France emprunte de l’argent pour 10 ans est très révélateur de sa situation. C’est le type d’emprunt le plus courant, qui reflètent directement la confiance qui est placé en un pays, et donc en sa puissance.
Cela ne dit pas tout, mais en tous cas en grande partie, en tendance de manière très lourde, il est significatif de constater que la France « pèse » dorénavant moins que l’Espagne. La grande faiblesse de la France, outre sa moindre capacité productive, est bien sûr la lourdeur de son endettement qui abîme directement la confiance des créanciers.
On ne rappellera jamais assez comment, il y a à peine quelques années, d’aucuns (notamment des gens s’imaginant de gauche) prétendaient que tout ça n’est que du vent et que la France est une puissance intouchable, empruntant de l’argent à taux zéro, etc. Et bien, le vendredi 27 septembre 2024, la France empruntait à 10 ans contre un taux de 2,97 %, pratiquement 3 % ! Soit plus que l’Espagne, à 2,95 %.
La charge de la dette, qui évolue directement en fonction de ces taux, atteint maintenant le niveau du budget consacré à l’éducation (plus de 50 milliards d’euros par an), alors que la dette elle-même ne fait que s’envoler (plus de 3 000 milliards d’euros).
Ce n’est, bien entendu, que le début. Michel Barnier peut bien rappeler dans son discours qu’en 2024, le déficit public devrait (il va !) dépasser 6% de la richesse nationale et que c’est intenable. Il peut bien s’engager à ramener ce déficit à 5% en 2025, puis à atteindre 3% pour 2029… En pratique il n’y a rien, il ne fait rien et ne fera rien.
Aussi, le nouveau psychodrame national, avec un pays semblant découvrir en 2024 que l’immigration est une catastrophe chaotique, est exactement du même acabit. Il y a cette fois l’élève Bruno Retailleau, qui est au premier rang et vient brasser de l’air avec des grosses phrases pour marquer l’audience, mais qui en pratique ne fera rien, car il ne le pourra pas, ni ne le voudra, car il est avant tout un libéral et que l’immigration depuis le tiers-monde pour servir le capitalisme occidental fait partie de son idéologie.
Tel est le panorama d’une France à l’agonie. L’heure n’est pas aux petites combinaisons politiques de gauche pour la sauvegarde de quelques miettes acquises en vérité au bénéfice de la société de consommation. Tout cela n’est plus, la fête est finie. L’enjeu est bien plus grand, bien plus beau : c’est changer le monde qu’il faut !
Toutefois, le prix à payer sera cher, car il y a beaucoup trop de retard dans les consciences, beaucoup trop de faiblesses culturelles et politiques, pour ne pas dire idéologiques. Les masses françaises ne sont probablement pas dupes du gouvernement de Michel Barnier et de son discours de politiques générales, et regardent tout cela de très loin.
Mais elles ont tort, elle ferait bien de s’y intéresser, car bientôt ce sont elles qui devront faire l’Histoire. Pour le meilleur, ou pour le pire… et en raison de la fainéantise historique, il faudra le pire pour arriver au meilleur.