Le régime syrien est tombé le 8 décembre 2024, au bout de douze jours d’une offensive des « rebelles » partie du Nord du pays, qui formait le dernier bastion depuis la révolte de 2011.
Il s’est effondré sous le poids de ses contradictions. Le pays était en faillite, au point que le président syrien Bachar el-Assad essayait de quitter son « alliance » avec l’Iran et la Russie. Il essayait de trouver de riches bienfaiteurs dans les rangs de la Ligue arabe, où la Syrie avait retrouvé en 2023 sa place perdue en 2011.
Mais les pétrodollars de l’Arabie Saoudite ne sont pas arrivés à temps, ou plutôt l’espoir de les avoir a fait son effet, puisque l’armée syrienne n’a pas combattu et a laissé partout passer les rebelles. L’Iran n’a pas bougé en soutien, un soutien que Bachar el-Assad essayait d’éviter en même temps. La Russie a compris que c’était trop tard de toutes façons, et elle n’a rien fait à part accueillir Bachar el-Assad venu se réfugier à Moscou.
Mais qui a fait tomber le régime ? Les masses ? Absolument pas. On parle de quelques milliers de combattants, uniquement des hommes bien entendu, plutôt jeunes par ailleurs, et en quasi totalité des islamistes. Il existe un nombre très important de structures armées, mais la principale, c’est Hayat Tahrir al-Cham, l’Organisation de libération du Levant.
Son dirigeant, qui est désormais le chef de la Syrie, s’appelle Abou Mohammed al-Joulani et est un ancien membre à la fois de l’Etat islamique et d’Al Qaïda. Il a adopté un profil bas sur le plan des apparences, car il a compris que les islamistes ne pouvaient pas combattre tout le monde en même temps.
Mais son mouvement est directement lié à la mort de l’enseignant Samuel Paty. Le terroriste tchétchène Abdoullakh Anzorov qui l’a assasiné était en contact avec Hayat Tahrir al-Cham et il espérait pouvoir rejoindre ce mouvement.
Lorsqu’il a commis son crime, il a envoyé un message à un membre de ce mouvement, en fait un haut responsable de la propagande. « J’ai décapité le prof, là je vais faire le djihad en France », à quoi il lui est répondu : « Allah Akbar ! Que la paix, la miséricorde et la bénédiction d’Allah soit sur toi ».
Cela n’empêche pas bien sûr le président français Emmanuel Macron de saluer la chute du régime, comme tous les dirigeants européens, ou d’ailleurs grosso modo tout le monde en France. C’est un aveuglement complet.
Comment s’imaginer que ces islamistes vont apporter quoi que ce soit de bien? Ou alors on considère qu’au moins, ils resteront sages et soumis aux grandes puissances occidentales. Ce qui est clairement l’espoir des occidentaux, qui n’en ont rien à faire de la Syrie.
Car le drame continue, il ne s’arrête certainement pas avec la chute du régime. La guerre civile depuis 2011 a fait 500 000 morts, le régime nationaliste de Bachar el-Assad avait été criminel, utilisant des armes chimiques, la torture… mais la catastrophe continue.
Il y a une multitudes de regroupements islamistes, la principale force du pays est un mouvement islamiste avec un dirigeant au parcours exemplaire du djihadiste le plus acharné…
Une autre structure très puissante est l’Armée nationale syrienne, directement financée par la Turquie, et qui compte écraser les Kurdes, qui tiennent la région connue sous le nom de Rojava. Les tribus arabes ont déjà abandonné les Kurdes, mais la superpuissance impérialiste américaine a apporté son soutien pour empêcher l’écrasement du Rojava.
Tant mieux en un sens pour les Kurdes, mais en faire un modèle de « révolution » comme le font les anarchistes en France, comment est-ce possible? D’ailleurs le Rojava entretenait des accords d’alliance avec le régime de Bachar el-Assad.
Il faut également absolument mentionner ici le média « Lundi matin », qui avait ainsi soutenu totalement la « révolution syrienne » de 2011. On parle ici des intellectuels parisiens liés à « l’insurrection qui vient », et qui profitent d’une grande aura dans les milieux intellos-bobos-contestaires. Le soutien à la « révolution syrienne » continue, au point d’affirmer que les islamistes, somme toute, sont de sympathiques révolutionnaires qui s’ignorent.
Qualifier ces gens en Syrie de djihadistes, ce serait de la propagande occidentale. Même les Français partis faire le djihad là-bas seraient en fait de gentils internationalistes en lutte contre le régime de Bachar el-Assad…
Ce n’est même plus de la naïveté que de penser ça, c’est littéralement un soutien nihiliste à l’effondrement général de la Syrie et d’ailleurs de la planète entière. On est en pleine catastrophe et là on invente une « révolution syrienne » qui apporterait quelque chose de bien?
Dans ce panorama, qu’a-t-on d’ailleurs ? L’Etat israélien qui mange une partie de la frontière, occupe un terrain en hauteur pour être prêt à bombarder Damas… Et réalise plus de 250 missions aériennes pour détruire l’armée syrienne qui pourtant n’existe plus. Bases aériennes, flotte, bases militaires, dépôts d’armes, fabriques d’armement, tout y passe.
On n’est pas du tout à la fin d’une séquence, on est même au début. C’est la grande bataille pour le repartage du monde et chacun s’y met.
La suite, on la devine : la Turquie va vouloir mettre la Syrie dans son orbite, et également liquider le Rojava, mais la superpuissance américaine n’est pas d’accord sur ce dernier point. Les différentes structures armées islamistes vont se combattre entre elles, le djihadisme va se diffuser massivement, la minorité alaouie va se faire agresser. Les grandes puissances vont intervenir pour essayer de tirer les choses d’un côté ou de l’autre, etc.
Les femmes, en premier lieu, continueront d’être les victimes de la situation, et avec elles toutes les masses. Car on n’a pas affaire à une révolution sociale, à une révolution démocratique, à l’affirmation du peuple sous le drapeau rouge.
Seul le drapeau rouge est d’actualité, comme vecteur des valeurs démocratiques populaires, du collectivisme et de la civilisation. C’est socialisme ou retombée dans la barbarie.
Il faut bien l’avoir en tête, alors que la France elle-même est touchée sévérement par la crise commencée en 2020, et que les choses vont sérieusement commencer à bouger.