Le matin du 19 novembre 2024 ont été prononcées les peines à l’encontre des violeurs de Mazan. Le 51 accusés ont été reconnus coupables, mais pas tous de viol. Mais surtout, à part Dominique Pelicot qui écope de la peine maximum, les 50 autres ont des peines prononcées bien en-dessous de celles requises par l’avocat général.
C’est là un mauvais signe donné par l’Etat, cela exprime une incapacité à frapper totalement le crime. La cause de ça, c’est le libéralisme qui relativise, qui individualise les situations, qui se focalise sur les particularités, et empêche l’application universelle de la loi comprise comme universelle.
Dominique Pelicot (détenu), 72 ans, retraité, a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté des deux tiers, pour viols aggravés sur son épouse et celle de Jean-Pierre M. C’est une peine conforme aux réquisitions et la seule d’ailleurs.
Voici la liste des autres criminels.
Jean-Pierre M. (détenu), 63 ans, retraité, condamné à 12 ans de réclusion criminelle (17 ans requis) pour viols aggravés sur son épouse.
Joseph C., 69 ans, retraité, condamné pour atteinte sexuelle (venu une fois) : trois ans de prison dont deux avec sursis (quatre ans requis)
Didier S., 68 ans, retraité (venu une fois) : cinq ans dont deux avec sursis (10 ans requis)
Patrick A., 60 ans, profession non précisée (venu une fois) : 6 ans (10 ans requis)
Jacques C., 73 ans, retraité (venu une fois) : 5 ans dont trois avec sursis (10 ans requis)
Hugues M., 39 ans, ex-carreleur, pour tentative de viol aggravé (venu une fois) : 5 ans dont deux avec sursis (10 ans requis)
Andy R., 37 ans, au chômage (venu une fois) : 6 ans (11 ans requis)
Jean-Marc L., 74 ans, retraité (venu une fois) : 6 ans (10 ans requis)
Saifeddine G., 37 ans, routier, pour tentative de viol aggravé (venu une fois) : trois ans dont deux avec sursis (10 ans requis)
Simone M., 43 ans, employé dans le BTP (venu une fois) : 9 ans (10 ans requis)
Philippe L., 62 ans, jardinier (venu une fois) : 5 ans dont deux avec sursis (10 ans requis)
Paul G., 31 ans, ouvrier (venu une fois) : 8 ans (10 ans requis)
Ludovick B., 39 ans, magasinier (venu une fois) : 7 ans (10 ans requis)
Mathieu D., 53 ans, ex-boulanger (venu une fois) : 7 ans (10 ans requis)
Quentin H., 34 ans, gardien de prison (venu une fois) : 7 ans (11 ans requis)
Patrice N., 55 ans, électricien (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Husamettin D., 43 ans, travailleur dans le BTP (venu une fois) : 9 ans (12 ans requis)
Cyrille D., 54 ans, employé dans le BTP (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Nizar H. (détenu), 41 ans, sans emploi (venu une fois) : 10 ans (13 ans requis)
Redouan E., 55 ans, infirmier libéral (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Boris M., 37 ans, agent d’exploitation dans une société de transport (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Cyril B., 47 ans, routier (venu une fois) : 9 ans (12 ans requis)
Thierry Pa., 54 ans, ex-maçon (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Omar D., 36 ans, agent d’entretien (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Jean T., 52 ans, couvreur (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Mahdi D., 36 ans, employé dans une société de transport (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Ahmed T., 54 ans, plombier (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Redouane A. (détenu), 40 ans, qui vivait de petits boulots (venu deux fois) : 9 ans (12 ans requis)
Lionel R., 44 ans, employé à l’espace culturel d’une grande surface (venu une fois) : 8 ans (12 ans requis)
Florian R., 32 ans, chauffeur livreur (venu une fois) : 7 ans (13 ans requis)
Grégory S., 31 ans, travailleur dans le BTP (venu une fois) : 8 ans (13 ans requis)
Abdelali D., 47 ans, cuisinier (venu deux fois) : 8 ans (13 ans requis)
Adrien L. (détenu), 34 ans, chef de chantier (venu une fois) : 6 ans (13 ans requis)
Cyprien C., 44 ans, sans profession (venu une fois) : 6 ans (13 ans requis)
Karim S., 40 ans, informaticien dans une banque, pour viols aggravés (venu une fois) et détention d’images pédopornographiques : 10 ans (14 ans requis)
Jean-Luc L. (détenu), 46 ans, ouvrier (venu deux fois) : 10 ans (14 ans requis)
Christian L. (détenu), 56 ans, pompier, pour viols aggravés (venu une fois) et détention d’images pédopornographiques : 9 ans, acquitté des faits de détention d’images pédopornographiques (14 ans requis)
Thierry Po. (détenu), 61 ans, artisan frigoriste, pour viols aggravés (venu une fois) et détention d’images pédopornographiques : 12 ans avec injonction de soins (14 ans requis)
Nicolas F., 43 ans, journaliste indépendant, pour viols en réunion sur Gisèle Pelicot (venu une fois) et détention d’images pédopornographiques : 8 ans (14 ans requis)
Cendric V. (détenu), 44 ans, manager dans un restaurant (venu deux fois) : 9 ans (14 ans requis)
Joan K. (détenu), 27 ans, militaire (venu deux fois) : 10 ans (15 ans requis)
Vincent C. (détenu), 43 ans, employé (venu deux fois) : 10 ans (15 ans requis)
Fabien S. (détenu), 39 ans, employé sur des chantiers d’insertion (venu une fois) : 11 ans (16 ans requis)
Hassan O., 30 ans, sous mandat d’arrêt et jugé in absentia pour viols en réunion aggravés sur Gisèle Pelicot (venu une fois) : 12 ans (15 ans requis)
Charly A. (détenu), 30 ans, intérimaire (venu six fois) : 13 ans (16 ans requis)
Cédric G. (détenu), 51 ans, technicien informatique, pour viols en réunion (venu une fois) et détention d’images pédopornographiques : 12 ans et interdiction définitive de toute activité en contact avec des mineurs (16 ans requis)
Jérôme V. (détenu), 46 ans, employé dans un magasin d’alimentation (venu six fois) : 13 ans (16 ans requis)
Dominique D. (détenu), 45 ans, chauffeur routier (venu six fois) : 13 ans (17 ans requis)
Mohamed R. (détenu), 70 ans, retraité (venu une fois) : 8 ans (17 ans requis)
Romain V. (détenu), 63 ans, retraité (venu six fois) : 15 ans (18 ans requis)
Rien de surprenant quand on voit comme la société bourgeoise ne juge pas les violeurs comme ils le devraient. De manière très pragmatique, froide, les viols ne créent pas de troubles à l’ordre public, « il n’y a pas mort d’homme », etc.
La société capitaliste n’a rien fait pour liquider les fondements patriarcaux de l’époque féodale, eux-mêmes issus de l’époque esclavagiste ; elle les a renouvelés, adaptés, modernisés, atténués et approfondis en même temps. Les instances bourgeoises accompagnent la mise à l’écart des femmes, elles veillent à perpétuer les oppressions qui fondent la société.
La société bourgeoise ne s’intéresse qu’à l’apparence de la situation des femmes et non à leur intériorité ou à régler leurs traumatismes et s’aligner sur la profondeur de leurs exigences. Elle n’a pas intérêt à mettre les femmes en avant, car elles ont nécessairement une portée civilisatrice et drainent de grandes questions démocratiques.
Si les femmes assumaient leur psyché traumatisée, elles prendraient toutes un fusil, un drapeau rouge, et elles seraient en première ligne de la révolution. Cela viendra.
En ce qui concerne ce procès historique, pour contourner le péril populaire, plusieurs faits sont à noter.
On a déjà un procès en cour criminelle départementale et non en cour d’assise. La cour d’assise comporte des jurés populaires pour rendre le verdict, comme cela est normal quand il s’agit de crimes. Le viol est bien un crime, qui est la plus grave infraction à la loi, mais qui la plupart du temps n’est jamais jugé par un jury populaire. Au lieu de ça, ce sont cinq magistrats professionnels dont on ne connaît évidemment ni l’identité, ni le sexe mais dont on devine le camp social, qui ont décidés des peines prononcées pour chacun des 51 violeurs.
Et puis, il y a déjà eu la tentative de réduire le procès au huis-clos contre la volonté de Gisèle Pélicot. Les viols se passent derrières des portes closes, leurs procès aussi, et ainsi cela ne fait pas de vagues.
Pour finir, même si cela est moins évident, on a les comportements des accusés et de certains de leurs avocats qui trahissent la détestation de se faire juger par « la foule ».
En effet ce procès était public, médiatisé et suivi par l’opinion publique. Les gens, surtout des femmes, ont été nombreux à faire le déplacement pour soutenir Gisèle Pelicot tout au long du procès. Au point que les accusés ont pu être « accueillis » par des injures et même des slogans scandés, et plus encore sur les réseaux sociaux.
L’expression du dégoût populaire leur a été insupportable, eux pour qui la société doit bien être séparée : entre le privé et le public, la rue et le tribunal, les institutions et la société civile, la politique et la justice.
On a ainsi eu Nadia El Bouroumi, avocate de la défense semblant d’abord vouloir faire sa notoriété TikTok sur ce gros procès pour ensuite se plaindre d’être sous le feu de la critique. Ou encore maître Christophe Bruschi balançant des insultes misogynes à l’adresse des féministes s’exprimant sur le parvis du palais de justice après le verdict.
Tout cela dénote d’une chose, il y avait une potentialité démocratique qui ne rentrait pas dans le cadre de la justice bourgeoise. Comme toutes les grandes questions de civilisation, si l’on veut avancer cela ne peut passer que par l’écrasement du vieux monde.
La vraie justice, celle pour le bien du plus grand nombre, pour le triomphe de la moralité et de la prise en compte des femmes, sera la justice populaire. En attendant, on ne peut que mettre en avant un slogan entendu après le verdict à Avignon : « arrêtons de demander justice, faisons justice ».
Que la furie des femmes se déchaîne enfin !