Le mode de fonctionnement actuel du complexe agro-alimentaire s’est imposé dans la seconde moitié du 20e siècle. Il repose sur la domination des industries de la transformation des produits agricoles. Pour maximiser les profits, le secteur a ainsi corrompu la recherche agronomique pour en faire un appendice de la technologie agricole. Schématiquement, la qualité nutritive des productions agricoles est sacrifiée à la quantité de la production (ayons en tête le fétichisme du quintal de blé), principalement par l’accélération des cycles de vie des espèces.
Parallèlement, l’évolution technique a porté sur la mécanisation, bien connue comme source d’endettement des exploitants agricoles, elle n’en est pas moins une manière de faire baisser les coûts de production, par la réduction relative flagrante du travail humain. Cette évolution a été permise par un volontarisme forcené des partis bourgeois en Europe, accompagnant de manière dialectique la pesée de l’industrie financière dans le secteur, au travers de la fiducie, autrement dit l’accaparement des terres.
Le phénomène mériterait une étude spécifique pour énoncer les détails de la dynamique, mais notons simplement que cette tendance à la destruction des entreprises agricoles est lourde. Le délabrement est tel que la France socialiste devra tout bonnement construire une nouvelle industrie agricole. Quant au secteur de l’industrie de la transformation des produits agricoles en produits alimentaires, il devra être mis au pas suivant un rythme de destructions et restructurations d’exigence révolutionnaire, car il est un repère de la frange la plus agressive de la haute bourgeoisie en France.
- Le socialisme et la diversité des productions agricoles
L’industrialisation socialiste doit reposer sur le développement de deux types de productions agricoles : d’une part les plantes et les fonges industrielles et d’autre part les plantes et les fonges alimentaires. Les filières agricoles socialistes ne se distinguent donc pas les unes des autres par leur rang dans le règne, au sens de la taxonomie de Linné, mais par la vocation de leurs produits.
La filière alimentaire regroupe les productions destinées directement à la nourriture. La filière industrielle est la source originelle de l’huile non alimentaire, des fibres, des plastiques végétaux, de pigments, de la pharmacie, de composants de l’industrie chimique, etc.
L’investissement de l’État dans la biologie et l’étude et la recherche agronomiques doit permettre de répertorier les espèces adaptées aux milieux considérés d’une part, et propices à la production recherchée d’autre part.
Ce travail scientifique intense et soutenu permettra une amélioration continue de la diversité génétique des cultures. C’est là une des principales ruptures révolutionnaires avec l’agro-alimentaire dans le capitalisme. L’ancien monde consiste en un rétrécissement de la diversité biologique, le socialisme comprend les développements de la Nature.
- Par l’industrialisation agricole socialiste, le démantèlement des outils de l’exploitation animale
Le mode de production socialiste n’a pas besoin de l’exploitation animale. Mieux, il permet à la civilisation de progresser en abolissant l’exploitation animale. Cela signifie que l’élevage et toutes les activités et pratiques agricoles liées seront éliminées.
Or, le mode de production capitaliste est dépendant de l’exploitation animale, de telle manière que des marchandises même très éloignées de la « viande » contiennent des produits ou sous-produits d’origine animale et que nombreux secteurs industriels fonctionnent au travers de ces produits. Par conséquent, le démantèlement doit être planifié. En priorité, planifier afin d’éviter toute violence envers les animaux. Mais aussi planifier pour s’assurer de tourner définitivement le dos à tous les processus intégrant les animaux.
Un texte solennel actera l’illégalité pure et simple des activités agricoles appuyées sur l’élevage. La planification tiendra donc dans l’octroi de dérogations afin d’accompagner les animaux vers les refuges. Du côté des institutions, la médecine vétérinaire qui est aujourd’hui complétement intégrée au complexe industriel agro-alimentaire, sera mise à l’index. De plus, un corps de police spéciale sera créé afin de veiller localement à l’abolition effective et de réprimer les infractions.
- Le modèle de la production industrielle socialiste agricole
La dynamique contradictoire de l’agriculture de l’époque du capitalisme triomphant se traduit d’un côté par une production toujours croissante de marchandises arrachées à la Terre et, de l’autre côté, par une dégradation de la qualité de la vie sur Terre.
L’économie rurale traditionnelle, résidu féodal, a été lessivée par la vague de modernisation qui s’est levée sur les acquis techniques accumulés dans la première moitié du 20e pour se répandre sur toutes les régions dans la seconde moitié du même 20e siècle. Au dernier quart du siècle, des jeunes en marge, des écolos, pour la plupart néo-ruraux, c’est-à-dire citadins vivants une quête existentielle à la campagne, ont mené des expériences disparates pour régénérer l’agriculture.
Les expériences de fermes autonomes et communautaires d’inspiration anarchisante sont des modèles de réaction. Elles pratiquent notamment l’exploitation animale et sont des centres du complotisme. Par ailleurs, elles se complaisent dans une attitude marginale prétendument alternative et pratiquement néo-pétainiste.
L’industrie agricole socialiste sera, elle, un aspect de la révolution. Par conséquent, elle sera résolument nouvelle, tout en apprenant des meilleures expériences du passé. Dès lors, l’industrie agricole socialiste sera composée d’un maillage d’exploitation pratiquant une agriculture à la fois biologique et intensive.
Cette exigence d’une production sans emploi de pesticide ou d’intrants de synthèse nécessitera un important travail humain. Le caractère intensif des cultures, c’est-à-dire la recherche d’une production toujours plus importante sur une surface toujours plus petite sera une bataille scientifique importante. L’intensification des recherches portant sur les échanges d’énergie et de matières entre les plantes permettra d’optimiser la rotation des plantations sur les parcelles et de perfectionner les techniques aujourd’hui utilisées de manière marginale : engrais vert, compost, urine humaine, etc.
Le travail socialiste participera à la vie du sol.
- L’abolition des paysages
Il est évident que l’industrialisation socialiste de l’agriculture implique la disparition de la propriété privée des terres agricoles. Les terres exploitées pour l’agriculture seront socialisées au niveau de la commune.
Selon une démarche planifiée, se seront ensuite ces terres qui définiront la commune. Par suite de démantèlements et de nouvelles implantations, la taille de la commune sera déterminée en fonction de ce que le biotope peut porter de vies humaines. Pionnière, la ferme communale se présentera, avec ses planches maraichères, ses vergers, ses serres et ses parcelles de plantes industrielles. A proximité viendront s’installer les autres industries, les communications et l’espace urbanisé.
L’industrie agricole socialiste abolira le paysage. Le paysage est le legs historique de l’Homme s’appropriant la Nature. Au fil des siècles, il a détruit les cours d’eau, les massifs et les reliefs pour imposer d’abord la volonté de produire contre la Nature, puis de produire se qui se vend dans les propriétés encloses, puis enfin de produire au mépris de tout pour le profit des trusts.
L’agriculture socialiste permettra, sur une période historique qu’il n’appartient pas à notre époque de définir, d’organiser le recul des humains sur les territoires. Le nombre et l’activité des humains occupant un espace seront déterminés par la capacité à intégrer le biotope. L’industrie agricole socialiste sera une activité de la nature qui se façonne elle-même en utilisant le travail des êtres humains.
A la fin de cette période, l’être humain sera intégré au continuum du vivant.