Le mardi 7 janvier 2025, le ministère danois des Affaires étrangères a annoncé la venue de Don Jr Trump au Groenland. C’est le fils de Donald Trump et cela suit les propos de celui-ci sur une éventuelle annexion de cette partie du monde, qui dépend du Danemark.
Le même jour, Donald Trump a été interrogé pour savoir s’il excluait l’intervention armée pour obtenir le Groenland, ainsi que le canal du Panama. Il a répondu :
« Je ne peux pas vous l’assurer sur aucun des deux. »
On est clairement dans la bataille pour le repartage du monde. Le capitalisme devient impérialisme, les visées impériales priment.
Voici, pour saisir l’arrière-plan de ces propos, un extrait de l’article « La présidence impériale de Donald Trump comme unification de la haute bourgeoisie dans la perspective de l’expansion impérialiste américaine » de la revue au format pdf Crise (numéro 29).
Le reste de l’article donne en détail le soutien général à Donald Trump des milieux de la tech et de la finance, avec une présentation de son « agenda 47 ».
Donald Trump, avec ses propos sur le Panama, le Canada et le Groenland, a
montré une fois de plus qu’au-delà de l’apparence grotesque qu’il donne, il y a
tout un agenda impérialiste qui est distillé.
Ses propos sur le Canada sont, d’ailleurs, le pendant du « mur » mexicain. Dans la
perspective visant à ré-impulser le capitalisme américain, le Mexique joue un rôle particulier, servant d’arrière-cour industrielle, en remplacement de la Chine.
Mais la fraction de la bourgeoisie la plus agressive voit cela d’un très mauvais œil,
car renforcer le Mexique c’est potentiellement jouer avec le feu de par l’importance toujours plus grande de la population latino-américaine dans la population américaine.Le Mexique étant également des États-Unis, une entité fédérale, il y a le risque
d’une expansion mexicaine dans quelques décennies si les choses tournent mal.
Aussi, Donald Trump est-il contre l’immigration, n’a cessé de faire du « mur » à
la frontière mexicaine le symbole de l’affirmation américaine, et fort logiquement
il y a l’idée d’intégrer le Canada, dont la population est culturellement largement
américanisée.Fin novembre 2024, le premier ministre canadien Justin Trudeau s’est rendu à Mar-a-Lago, en Floride, pour rencontrer Donald
Trump. Quatre jours auparavant, Donald Trump avait annoncé vouloir imposer 25 % de droits de douane à l’encontre du Mexique et du Canada.
Justin Trudeau a lors du repas affirmé que si Donald Trump fait appliquer ces droits de douane, cela aurait comme conséquence de « complètement » tuer l’économie canadienne.Le Canada est totalement dépendant de son rapport avec la superpuissance impérialiste américaine, en effet, fournissant d’un côté 75% de ses propres exportations (dont quatre millions de barils de pétrole par jour), et de l’autre achetant même plus aux États-Unis que la Chine, le Japon, la France et le Royaume-Uni réunis.
Donald Trump a alors simplement répondu qu’il fallait que « le Canada devienne le 51e
Etat américain », et qu’être premier ministre au Canada était pour Justin Trudeau « une très bonne fonction, mais qu’il pourrait toujours être gouverneur du 51e État ».
Ces propos ont été tenus alors qu’à table il y avait du côté canadien le ministre de
la Sécurité publique Dominic LeBlanc et la cheffe de cabinet du premier ministre
Katie Telford, et du côté américain le gouverneur et futur secrétaire à l’Intérieur
Doug Burgum, le futur secrétaire au Commerce Howard Lutnick, le futur
conseiller à la Sécurité nationale Mike Waltz.
Le 25 décembre, sur les réseaux sociaux, Donald Trump a repris ce thème, disant
que « De nombreux Canadiens veulent que le Canada devienne le 51e État ».
Donald Trump parle également de Justin Trudeau comme d’un « gouverneur » et a
dit des Canadiens : « Ils économiseraient massivement sur les impôts et la
protection militaire. Je pense que c’est une excellente idée. 51e État !!! ».Et encore : « Si le Canada devenait notre 51e État, leurs impôts seraient réduits de
plus de 60%, leurs entreprises doubleraient immédiatement de taille et ils seraient
protégés militairement comme aucun autre pays au monde. »
C’est de la provocation, mais cela exprime une réelle perspective expansionniste.
La superpuissance impérialiste américaine, pour tenir face à la Chine, a besoin de
renforcer son propre poids démographique et géographique. L’absorption du Canada est une réelle perspective impérialiste, pas un fantasme.
Donald Trump a également parlé du Panama et du Groenland, et là on est dans
une logique « géostratégique ».
Le Panama n’existe pas en tant que tel, c’est un pays fictif inventé par les États-Unis afin de prendre le contrôle du territoire du futur canal du Panama, aux dépens de la Colombie. Le canal a été construit dans la foulée et ouvert en 1914, restant sous contrôle américain direct jusqu’en 1999.
Le 25 décembre 2024, sur les réseaux sociaux, Donald Trump a dénoncé un
contrôle chinois qui existerait sur ce canal désormais : «Joyeux Noël à tous, y compris aux merveilleux soldats chinois qui exploitent avec amour, mais illégalement, le canal de Panama ».Il a également parlé des Panaméens comme étant des arnaqueurs « bien au-delà de leurs rêves les plus fous ».
Il avait déjà exprimé la même chose le 21 décembre 2024. Parlant du canal, il a dit
que « c’était seulement au Panama de le gérer, pas à la Chine ou à qui que ce soit
d’autre ».Il a affirmé que « notre marine et notre commerce sont traités de
manière particulièrement injuste » et que « les droits (de passage) que font payer
le Panama sont ridicules ».Par conséquent, « cette “arnaque” totale de notre pays cessera immédiatement ».
Donald Trump a revendiqué l’hégémonie américaine : « nous ne le laisserions ni
le laisserons JAMAIS tomber entre de mauvaises mains ». Et si le Panama n’était
pas en mesure d’obéir aux injonctions de maintenir « le fonctionnement sûr,
efficace et fiable », alors « nous exigerons alors que le canal de Panama nous soit
restitué, en totalité, et sans discuter ».On a ici une perspective très agressive, correspondant à la volonté d’affronter la
superpuissance impérialiste chinoise qui commence justement à s’implanter en
Amérique latine. La Chine est très présente au Pérou, mais également au Panama,
où d’ailleurs deux des cinq ports sont contrôlées par des entreprises chinoises.Par ailleurs, les échanges entre la Chine et l’Amérique latine sont passés de 12
milliards de dollars en 2000 à 415 milliards en 2020.Donald Trump, dont l’objectif est de briser la Chine, sait que la question latino-américaine est un premier pas nécessaire, d’autant plus que la « doctrine Monroe » présuppose que tout le continent américain relève de l’hégémonie complète des États-Unis.
C’est, qui plus est, une réaffirmation de l’hégémonie américaine, à laquelle tout le
monde doit se soumettre, volontairement et complètement. Il est évident qu’on est là dans une perspective impérialiste et de tels propos remettant en cause la souveraineté du Panama aurait dû provoquer un scandale mondial. Ce n’est évidemment pas le cas.
Enfin, on a le Groenland. Donald Trump en a parlé sur les réseaux le 25 décembre 2024
également. « Les habitants du Groenland dont les États-Unis ont besoin pour leur sécurité nationale, veulent que les États-Unis soient présents, et nous le serons ! » a-t-il dit.
Il avait déjà, le 22 décembre 2024, formulé la chose, de la manière suivante : « Pour des
raisons de sécurité nationale et de liberté dans le monde, les États-Unis estiment que la propriété et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue ».
Là encore, on est dans l’impérialisme. Les États-Unis avaient déjà tenté en 1867
de s’approprier ce territoire de plus de deux millions de km² (pour 56 000 habitants aujourd’hui), proposant un achat au Danemark, au même moment où l’Alaska était achetée à la Russie. Il y eut une tentative similaire juste après la seconde guerre mondiale.
Ce qui est en jeu, ce sont deux choses. Il y a d’une part l’appropriation d’un immense territoire qui va devenir toujours plus accessible avec le réchauffement climatique.Il y a d’autre part l’axe dit GIUK pour Groenland, Iceland, United Kingdom,
c’est-à-dire un axe maritime du Groenland à l’Islande et de l’Islande au Royaume-Uni.
Cet axe joue un rôle essentiel pour le maintien d’une ligne de contact (SLOC – Sea Lines Of Communication) entre la
superpuissance impérialiste américaine et le Royaume-Uni, tout en bloquant efficacement l’Océan Atlantique à tous les autres pays européens à part la France, l’Espagne et le Portugal. Comme on le voit, tout ceci est tout à fait calculé.Donald Trump n’a pas abordé par hasard ce thème ; lorsqu’il remet en cause la souveraineté du Panama, du Canada et du Groenland, ses intentions sont claires. On est ici dans l’affirmation impérialiste agressive. »
En ce qui concerne le Canada, Donald Trump a réussi son coup puisque le premier ministre Justin Trudeau, qu’il a entretemps encore appelé « gouverneur », a démissionné. Il était en place depuis 9 ans et déjà sur la sellette, il est vrai, néanmoins l’impact des propos de Donald Trump a été immense.
Enfin, il faut noter un autre propos de Donald Trump, pareillement le 6 janvier 2025.
« Nous allons changer le nom du golfe du Mexique en golfe de l’Amérique, ce qui sonne bien et couvre beaucoup de territoire. Le golfe de l’Amérique, quel joli nom. »
C’est là bien sûr vouloir l’humiliation du Mexique, pays qu’il a au passage dénoncé, en disant qu’il « doit cesser de laisser des millions de gens se déverser dans notre pays ».
Donald Trump n’est pas encore président que déjà le bellicisme impérialiste est installé. Et la France d’Emmanuel Macron est, dans ce cadre, un protectorat de la superpuissance américaine.
La ligne à adopter, quand on est de Gauche, ne peut pas être autre chose que le refus des superpuissances, le refus de la guerre de repartage du monde, le refus des visées impérialistes – notamment les visées françaises en Russie !