Dans le cadre du Sommet pour l’intelligence artificielle, Marine Le Pen a publié une tribune dans Le Figaro ce samedi 8 février 2025. C’est clairement une manière de se légitimer aux yeux de la bourgeoisie française, dans sa capacité à prendre la tête de la relance du capitalisme.
Dans le fonds, elle dit exactement la même chose qu’Emmanuel Macron. Il ne faudrait pas rabaisser les « prétentions françaises » dans le cadre assumé de l’Europe. La France pourrait repartir de plus belle comme dans les années 1960-1970 :
« Ces rebondissements dans l’univers de la tech confirment en tout cas une réalité : la bataille technologique entre les États-Unis et la Chine sera l’un des grands affrontements stratégiques du XXIe siècle.
Lorsque les États-Unis et l’URSS s’affrontaient pour la conquête de l’espace, qu’avons-nous fait ? Avons-nous considéré que la partie était perdue d’avance ? Au contraire, nous avons répondu de la manière la plus ambitieuse et audacieuse qui soit, en développant le programme Ariane, qui a permis de garantir à la France et à l’Europe une indépendance stratégique dans l’accès à l’espace. C’est cette ambition et cette audace qu’il est aujourd’hui urgent de retrouver. »
C’est un discours totalement démagogique qui veut s’attacher le soutien du peuple en diffusant l’illusion d’un retour à la France des années gaullistes. Le tout dans une négation totale de la dimension écocidaire de l’IA comme technologie au service du capitalisme.
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La France peut compter sur le nucléaire, il faudrait accélérer l’ouverture de mines pour la fabrication de semi-conducteurs :
« Nous avons une énergie abondante et décarbonée grâce au nucléaire. Nous avons des ressources en silice pour produire nos propres semi-conducteurs. »
Mais au-delà des gages donnés au capitalisme, il faut bien voir que Marine Le Pen s’aligne en réalité sur l’idéologie libertarienne promue par les magnats de la tech aux États-Unis, eux-mêmes s’étant alignés sur Donald Trump (et inversement).
Dans le programme qu’elle déroule en quatre points pour que la France prenne une place importante dans le monde de demain, elle appelle à plus de décentralisation :
« Nous créerons des zones franches technologiques dédiées aux industries stratégiques de l’IA : fabrication de microprocesseurs, centres de données souverains, production d’équipements spécialisés. Ces zones offriront un environnement fiscal et administratif allégé, des incitations à l’investissement et des infrastructures adaptées pour attirer les industriels et les talents. C’est seulement ainsi que nous pourrons endiguer la fuite de nos ingénieurs et chercheurs vers les États-Unis ou l’Asie, développer nos propres solutions et faire de l’IA un moteur de notre souveraineté économique. »
Voilà repris le rêve fou promu par les grandes entreprises (américaines) de la tech : internet, les cryptomonnaies et l’IA ouvriraient la voie au capitalisme sans État, avec seulement des régions marchandes éclatées à travers le monde. C’est le rêve abouti de la mondialisation sans nations, sans histoire, seulement composés d’individus et de marchés qui s’auto-régulent.
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S’il fallait encore s’en convaincre, là il est entièrement limpide que Marine Le Pen s’aligne sur la superpuissance américaine et ses perspectives capitalistes. Elle reprend à son compte la perspective libérale d’Emmanuel Macron en l’approfondissant jusqu’à sa dimension libertarienne.
C’est ce qu’a promu Donald Trump lors de son discours devant la convention nationale du Parti Libertarien le 25 mai 2024 :
« Je rendrai le pouvoir aux États, aux gouvernements locaux et au peuple américain. »
La décentralisation à marche forcé pour contourner les instituions centrales, tel est le rêve des magnats américains de la tech, comme le disait déjà en 2009 Peter Thiel, soutien de Donald Trump dès 2016 et patron de PayPal et de l’entreprise Palantir spécialisée dans le « big data » :
« Si nous voulons plus de liberté, nous devons augmenter le nombre de pays. »
De fait Marine Le Pen veut relancer le capitalisme français en le soumettant à la dynamique américaine grâce à des sortes de « zones économiques exclusives » favorisant les investissements. C’est le modèle de Hong-Kong, Singapour, décliné à la France.
En proposant cela, elle ne cherche plus à masquer ses prétentions à ne rien changer au cours des choses. Elle est une porte-parole assumée du retour en arrière promu par les monopoles de la tech, dans une perspective anti-populaire et anti-démocratique.
La dimension centralisatrice de l’État, garant des principes de civilisation, sont bon à mettre à la poubelle. Tout ce qui compte, c’est l’accumulation du capital et des marchés décentralisés.
Le capitalisme en France cherche à se relancer coûte que coûte en assumant d’en revenir aux temps des féodalités, contre la civilisation, contre la nature, contre le peuple. C’est le grand retour en arrière ! Il faut s’y opposer en défendant exactement l’inverse : l’unification de l’Humanité, la défense de la civilisation !