Les carottes sont cuites ! Ceux qui pensaient que le capitalisme s’en sortirait toujours, ceux qui disaient qu’Emmanuel Macron n’est qu’un bavard… en ont pour leurs frais, soit la quasi totalité des Français, pour ne pas dire tous.
Cette fois, c’est bon en effet : l’intervention française en Ukraine est un processus engagé. C’est l’aboutissement du processus d’escalade commencé le 26 février 2024, et vu avec du recul, tout apparaît comme logique, indiscutable, inévitable.
Emmanuel Macron, qui a organisé une réunion catastrophe le 17 février 2025 à Paris, en organise une nouvelle le 19 février. Le thème est le même : l’engagement militaire en Ukraine.
Le lien entre les deux dates, c’est le 18 février 2025, jour où le secrétaire d’État américain Marco Rubio a rencontré à Riyad (Arabie saoudite) le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.
La porte-parole du département d’Etat américain Tammy Bruce a indiqué que tous deux s’étaient mis d’accord pour
« poser les bases d’une future coopération sur des enjeux géopolitiques d’intérêt commun et sur les opportunités économiques et d’investissement historiques qui émergeront d’une issue réussie au conflit en Ukraine ».
Reste aux principaux Etats d’Europe occidentale à choisir : soit ne rien faire, soit se lancer seuls dans la bataille. La crise étant ce qu’elle est, il n’y a pas le choix, c’est la marche des somnambules au conflit militaire.
Emmanuel Macron a ainsi paré à des journalistes de la presse régionale, le 18 février 2025. Qu’a-t-il dit ?
Que la Russie était un danger absolu. Dit-on cela si on veut la paix ? Bien entendu que non.
« La Russie constitue une menace existentielle pour les Européens. »
C’est bien là de la propagande de guerre. Que la Russie représente une menace pour ses voisins, cela peut relever d’une argumentation rationnelle, mais dire que la Russie menace 27 pays à la fois, cela n’a aucun sens, à part celui de bourrer les crânes.
Imagine-t-on l’armée russe parvenir à Berlin, Rome, Londres, Paris, Madrid ?
Il a également prévenu que :
« Ne pensez pas que l’impensable ne peut pas arriver, y compris le pire. »
C’est le principe de la narration, du storytelling : chaque jour, on apporte davantage d’éléments pour rendre inéluctable le processus de marche à la guerre.
S’ajoute à cela qu’Emmanuel Macron va convoquer les chefs des groupes parlementaires et des partis politiques représentés au parlement pour parler de l’Ukraine.
Rien de tout cela n’aurait lieu s’il ne s’agissait pas d’une question d’engagement militaire.
Emmanuel Macron ne dit naturellement pas ça comme ça, et lui-même ne le pense pas forcément. Mais tels sont les somnambules capitalistes : ils ne savent pas ce qu’ils font.
Même Le Parisien n’ose pas prendre au pied de la lettre les propos d’Emmanuel Macron lorsqu’il fait un compte-rendu de l’interview du 18 février 2025.
La France, notamment, pourrait-elle envoyer des troupes ? Le chef de l’État balaie, ou plutôt nuance, cette hypothèse. « La France ne s’apprête pas à envoyer des troupes au sol, belligérantes dans un conflit, sur le front ».
Il y a une palette de solutions pour participer à cette protection. D’abord, énumère le président, « réarmer, rééquiper les Ukrainiens.
Ensuite, envoyer des experts voire des troupes en termes limités, hors de toute zone de conflit, pour conforter les Ukrainiens et signer une solidarité. C’est ce à quoi nous réfléchissons avec les Britanniques. Et, troisième solution l’adhésion à l’Otan »…
Sauf que Poutine la rejette catégoriquement, et que Trump ne serait sans doute pas chaud…
Que dit d’autre Emmanuel Macron ? Que l’Union européenne doit massivement se réarmer, un processus qui durera entre cinq et dix ans.
Cela implique des dépenses massives. Emmanuel Macron voit les choses de la manière suivante : pour sauver l’Union européenne, il faut mettre de côté les limites de dérapage du budget dans le cas de dépenses militaires.
Il a formulé cela le 13 février 2025 lors d’une interview au quotidien britannique le Financial Times. Le lendemain, à Munich, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a appelé les membres de l’Union européenne à augmenter « considérablement » leurs dépenses de défense.
Et elle a proposé de déverrouiller les traités budgétaires européens afin de permettre ces dépenses.
Enfin, voici une dernière preuve. C’est un énorme mensonge, qui montre qu’Emmanuel Macron est tout à fait dans le calcul. Il prétend qu’il n’y a pas d’accord américano-russe, que Donald Trump mène une manoeuvre compliquée.
C’est absolument ridicule. Mais Emmanuel Macron est obligé de dire cela pour gagner du temps, pour faire croire que l’Union européenne n’est pas hors-jeu.
« Il recrée de l’ambiguïté stratégique pour le président Poutine. Là où son prédécesseur (Joe Biden) avait dit que jamais il n’enverrait de troupes sur le terrain, donnant ainsi trop de visibilité à Poutine, ce nouveau président emploie des mots très fermes, il y a donc de l’incertitude. Elle peut aider à faire pression. »
Concluons sur une dernière chose, qui concerne des propos tenus le 18 février 2025, une journée riche en événements donc, par le premier ministre français François Bayrou.
Lors du petit déjeuner hebdomadaire du Socle commun gouvernemental, il a affirmé que :
« Pour la première fois depuis 1945, la guerre peut arriver sur le sol européen, autour de nous ».
« On est dans un contexte des années 30 avec des icebergs qui arrivent face à nous et la réunion de Paris à l’Élysée n’a pas permis de les éloigner. »
Nous y voilà donc. Et c’est incroyable : même François Bayrou parle des années 1930, comme nous nous pourrions le faire. Là est la tragédie : la haute bourgeoisie a compris les enjeux, elle agit en conséquence.
Les larges masses sont elles totalement endormies, quant à la gauche de la gauche elle ne parle jamais de la marche de la guerre, ou bien de temps en temps, comme d’une sorte de menace éventuelle, lointaine, ou bien d’un arrière-plan inquiétant mais distant.
Les faits sont pourtant là. Et le compte à rebours a déjà commencé. La grande opération de militarisation va s’enclencher. L’intervention immédiate a été repoussée, pour mieux assumer la suivante. Le capitalisme se précipite dans la guerre de repartage du monde, immanquablement.
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