C’est là un signe qui ne trompe pas : même Dominique de Villepin parle maintenant d’une guerre d’ici quelques années, d’une guerre contre la Russie.
Il faut bien comprendre que c’est un changement de ligne total.
On parle ici d’une figure du gaullisme, qui représente la partie de la bourgeoisie française qui se méfie le plus de la superpuissance américaine.
Dominique de Villepin est à ce titre très « respecté » pour avoir, en tant que ministre des Affaires étrangères, refusé la guerre contre l’Irak en 2002. Son discours aux Nations-Unies en 2003 lui a donné une aura « anti-hégémonie ».

Dans la même perspective, depuis « l’opération spéciale » de la Russie contre l’Ukraine lancée en 2022, Dominique de Villepin ne cesse de rappeler les fondamentaux du gaullisme : il ne faut pas se subordonner aveuglément aux Américains, il faut savoir servir d’intermédiaire, il faut savoir utiliser le tiers-monde en jouant sur l’image de la France.
Par conséquent, il n’a eu de cesse de répéter qu’il « faut prendre en compte le sentiment russe », qu’il faut être diplomate et mettre la France au centre du jeu (« Ne commettons pas l’erreur de faire du départ de Vladimir Poutine un préalable »).
Le tiers-monde est la clef et la France doit savoir se placer entre les superpuissances pour tirer son épingle du jeu, comme expliqué ici en février 2023 au journal Les Échos.
« Nous devons prendre la mesure de ces enjeux mondiaux.
Gardons à l’esprit qu’une guerre peut en cacher une autre.
Je veux dire par là que derrière cette guerre, il y a une logique de confrontation qui est à l’œuvre entre la Chine et les États-Unis. Les deux conflits s’emboîtent.
Vladimir Poutine, comme on l’a vu dans son discours à la nation mardi dernier, est très soucieux de situer son combat dans la perspective d’un conflit entre l’Occident et le reste du monde : là se trouve le piège pour nous.
Nous pourrions gagner la bataille de l’Ukraine, mais perdre la bataille mondiale face à un Sud global dit «neutre» qui montre certaines solidarités vis-à-vis de la Russie. »
Tout cela est abandonné ou, du moins, refaçonné pour satisfaire l’exigence fondamentale de l’ensemble de la bourgeoisie française désormais : il faut se tourner vers la guerre contre la Russie.

Dominique de Villepin maintient donc sa rhétorique critique par rapport aux États-Unis, mais pour expliquer que… cela va être aux Européens de faire la guerre.
Parlant sur France 2 le premier décembre 2025 au sujet de la nouvelle tentative américaine de mettre en place un accord de paix russo-ukrainien, Dominique de Villepin parle de « comédie » (ce qui n’est pas faux) et dénonce classiquement les Américains comme égoïstes.
« On a compris que les Américains voulaient tordre le bras de l’Ukraine.
Encore faut-il arriver à une paix juste, qui respecte les règles internationales et qui ne récompense pas l’agression russe.
Une paix qui ne soit pas en forme de deal pour faire des affaires. »
Puis, il se replace dans l’alignement officiel, reprenant l’antienne de la guerre présentée comme inévitable. En effet :
« Vladimir Poutine a une stratégie jusqu’au boutiste, il ne cédera rien. »
Les Américains cherchent donc un « gel » de la situation, qui se fera aux dépens des Européens, et surtout de :
« l’avenir de l’Europe, dans ce qui pourrait être une très mauvaise paix conduisant à une nouvelle guerre d’ici quelques années. »
Dominique de Villepin, qui s’est toujours voulu diplomate, rationaliste, un savant marionnettiste des affaires, accepte donc la thèse de la « guerre d’ici quelques années ». Et il le fait, comme par hasard, au lendemain d’une nouvelle visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Paris.

Dominique de Villepin s’aligne, comme d’autres l’ont fait avant lui, notamment Jordan Bardella. C’est que pour être président en France, à l’occasion de la présidentielle de 2027, il faudra être en phase avec la stratégie mise en place par Emmanuel Macron, et validée par l’Union européenne.
Le capitalisme français veut se sortir de la crise commencée en 2020 en faisant tomber la Russie, et c’est également la ligne des capitalismes allemand et britannique.
Même si 2027 est encore loin, cet avenir est déjà présent, dans la mesure où une guerre, pour se déclencher, doit avoir modifié toute la situation économique, politique, militaire, idéologique et culturelle d’un pays au préalable.
Dominique de Villepin ne parle plus de paix, mais de guerre, et la pression en ce sens grandit chaque jour davantage.
La marche à la guerre est plus qu’assumée, elle commence à engloutir tous les avis, toutes les opinions.
C’est inévitable historiquement – tout comme il est inévitable que les partisans de la Gauche historique se fondent sur le peuple pour se confronter à la guerre de repartage du monde.
Ou bien la révolution empêche la guerre, ou bien la guerre provoque la révolution !
