Le premier jour de la grève de ce mois de décembre commence fort, mais pas du tout avec l’ampleur escomptée. De fait, on est dans la norme pour une grande mobilisation, tant pour les chiffres que pour la part des secteurs économiques impliqués.
Lors du mouvement contre la réforme des retraites en France en 2010, il y a eu quatorze journées de manifestations. La première fois, le 23 mars, la CGT a revendiqué 800 000 personnes présentes, puis notamment un million le 27 mai, 2,7 million le 7 septembre, 3 millions le 23 septembre et autant le 16 octobre, 3,5 millions le 19 octobre.
Pour le 5 décembre 2019, la CGT parle de 1,5 million de manifestants. On ne comprend donc pas vraiment pourquoi le communiqué de la CGT dit que :
« Ce haut niveau de mobilisation est historique, tant au regard du taux de mobilisation dans chaque grande ville que du niveau de grève dans les entreprises. Il démontre le refus d’une grande majorité des travailleurs, des retraités et des jeunes, de voir notre système de protection sociale sacrifié sur l’autel du libéralisme économique. »
Ce n’est tout simplement pas vrai. On a juste un peu plus de monde que pour les manifestation de mars et juin 2016 pour la loi travail. Il est vrai que le communiqué explique le pourquoi de tout cela, un peu plus loin :
« Si le président de la République refuse d’entendre les aspirations sociales, il démontrera de nouveau son dogmatisme et sa recherche de confrontation sociale. Il exposera le pays à un conflit social majeur et en portera l’unique responsabilité. »
Il y a surtout la grande trouille que tout cela se transforme en luttes de classes, ce qui amènerait la CGT à être débordée et surtout dépassée. Il s’agit donc de prétendre être arrivé déjà à quelque chose, pour conserver l’image de combatif et raisonnable, etc.
Après, il y a l’aspect principal : la grève. Là encore, la mobilisation n’a rien d’inédite. Pour l’éducation nationale, on a eu 51,15 % d’enseignants grévistes dans le primaire et 42,32 % dans le secondaire (collèges et lycées).
Du côté de la SNCF, 55,6% à la SNCF de grévistes, dont 85,7% chez les conducteurs et 73,3% chez les contrôleurs. Pour EDF, 43,9 %, chez Renault, 5 %.
Dans la fonction publique hospitalière, le chiffre est de 15,9 % de grévistes, pour la fonction publique territoriale de 10 %.
Bien entendu ces chiffres officiels sont minorés par les directions des entreprises concernées. Ce sont des chiffres importants, mais rien d’exceptionnels pour la France.
La seule chose vraiment nouvelle, ce sont sept des huit raffineries françaises en grève. Voilà qui est intéressant, tout comme ce dont on ne sait pas à moins d’y être impliqué. Car il y a eu de nombreux débrayages dans les usines. Pas forcément aussi important que chez Williams Saurin à Pouilly-sur-Serre en Picardie, Ysco à Argentan en Normandie, etc. Mais il y a eu du mouvement.
Or, c’est le blackout. Les syndicats n’en parlent pas à part localement et encore, à cela s’ajoute le problème bien entendu de ne pas placer les grévistes dans la situation inconfortables de devenir des cibles des ennemis (y compris intérieurs) du monde du travail.
C’est là que tout se joue. Si la classe ouvrière parvient à s’élancer, alors tout changera radicalement. Sans cela, on a un mouvement social tout ce qu’il y a de traditionnel dans notre pays et ce ne sont pas les quelques heurts avec la police menés par des franges anarchistes, surtout à Paris, qui modifient quoi que soit.