Kylian Mbappé a commencé sa carrière sportive à l’AS Bondy Football et c’est un prétexte employé pour une « collab » entre lui et Nike. Les habits de la série « Bondy Dreams » – en anglais, pour souligner le côté rêve américain – sont ainsi en vert comme les couleurs de l’AS Bondy, et il y a même inscrit 93 comme le département ! La mairie, de gauche, est ravie. C’est toujours une joie de se vendre aux multinationales, après tout qu’est-ce que les pauvres peuvent trouver de mieux, n’est-ce pas ?
« Bondy est toujours dans mon cœur, c’est là que j’ai trouvé et que je suis tombé amoureux du football. Cet endroit m’a aidé à me façonner en tant que personne et en tant que joueur. J’ai beaucoup de raisons d’être reconnaissant et il est spécial que Bondy soit au centre de cette collection. A l’époque, j’avais mes héros et beaucoup d’entre eux avaient leur propre paire de Nike en édition spéciale, alors les rejoindre maintenant pour avoir la mienne est un rêve devenu réalité. »
Ces propos de Kylian Mbappé sont beaux comme du marketing. Cela tombe bien, cela en est. Il est essentiel pour un homme-sandwich de se présenter comme authentique, proche du peuple, sensible, etc. Cela fait vendre. Le charity-business est un excellent investissement.
Et qu’y a-t-il de mieux que d’utiliser 130 enfants de Bondy pour présenter des vêtements de Nike ? Encore mieux si c’est au Stade de France. C’est important il faut donner du rêve. Avoir l’air crédible, pour vendre ! Vendre des chaussures de football Nike Mercurial Superfly 7 Elite SE FG à 290 euros… un ballon de football Nike Airlock Street X Bondy à 40 euros (10 euros de plus que le ballon Adidas de la Champions League 2019 !)… mais aussi un tee-shirt, une banane, une casquette, un maillot « Nike F.C. ».
Il ne faut d’ailleurs pas oublier d’être racoleur en mode identitaire. Le consommateur aime être réduit à son identité. Alors sur le site de Nike à la page Bondy dreams, on a la photo de Kylian Mbappé et de douze jeunes, tous issus de l’immigration. Le racisme inversé en mode identitaire, en mode rêve américain, c’est bon pour les affaires !
Suffisant ? Ah, si, il y a quelque chose qu’on peut rajouter. C’est d’avoir une mairie « de gauche » avec soi. C’est très important pour avoir l’air crédible. Sylvine Thomassin, qui dirige la mairie de Bondy, a tenu des propos parfaits pour cette mise en perspective, dans Le Parisien.
Ses propos sont une magnifique mise en scène. Quelle actrice !
« Je suis une fille de gauche et pas forcément fana des grandes multinationales commerciales mais je ressens aussi énormément de fierté, bien sûr. Cela m’a permis de savoir que le nom des villes ne peut pas être déposé. Nike peut tout à fait s’approprier le nom de Bondy sans qu’un centime ne revienne à la ville.
Bon, ils ont fait un petit geste. Ils ont au moins repeint les vestiaires du stade Léo Lagrange et offert un mini-bus pour la section foot de l’AS Bondy. Cette nouvelle marque est très belle. Les couleurs et le graphisme reprennent ce que Nike avait fait en 2017 quand Kylian leur avait demandé d’offrir un city-stade à la ville. Tout est élégant ! Je ne sais à quel prix seront les chaussures. J’espère que les Bondynois pourront les acheter.
[On va encore parler de la ville de Bondy !]
C’est cela que j’en retire surtout. La fierté et le bonheur dans les yeux de nos enfants et nos jeunes. Cela dépasse le reste (…). On n’aura pas que des Kylian à Bondy mais il montre le chemin à beaucoup de jeunes. Ce sera un homme bien toute sa vie (…). Une fresque est prévue pour le lancement de sa marque au bâtiment de la rue Jules Guesde. »
Jules Guesde, l’un des premiers organisateurs du mouvement ouvrier socialiste ! Mais notons finalement que Sylvine Thomassin raconte n’importe quoi sur la protection des nom des collectivité territoriales. Dès qu’une entreprise veut déposer un nom contenant une référence à une collectivité, cette dernière est alertée au préalable et peut s’y opposer.
Elle pense peut-être que comme c’est Nike, c’est le Far West ? Il suffisait de faire obstruction en disant que cela présente les choses comme une association de fait entre Bondy et Nike, d’ailleurs la « collab » se présente comme Nike x Mbappé x Bondy ! Il aurait également pu être argumenté, même si c’est oiseux, que les produits ne sont pas fabriqués à Bondy.
Il aurait pu être dit que le choix de la couleur verte témoigne même de la mauvaise foi de Nike, qui cherche à se présenter comme relevant de Bondy, mais il n’y a pas de rapport avec le club de l’AS Bondy, etc.
Bref, il aurait été possible de se battre avec la multinationale. Sauf évidemment, quand on ne veut pas, car le sens de la vie serait de propager le « rêve américain » dans les couches populaires…