Quatre orques appartenant au Marineland d’Antibes seraient en partance pour un autre parc d’attraction en Chine, où l’on craint légitimement pour leur sort du fait des conditions de détention. Le transfert pourrait avoir lieu ce mois-ci depuis un avion cargo au départ de Nice, un « voyage » lui-même d’une grande folie et totalement inacceptable.
L’association One Voice a initié une pétition soutenue par de nombreuses associations dont Anymal, Sea Shepherd France ou encore C’est assez! : « Sauvons nos orques! Pour elles, un sanctuaire, pas la Chine! »
On remarque au passage qu’il est incroyable que des parcs tels le Marineland d’Antibes existent encore en France et que des gens y emmènent leurs enfants… On est en 2020 : les adultes d’aujourd’hui n’auraient donc pas été émus par le film Sauvez Willy, qui date de 1993 ?
En attendant, il faut s’intéresser au sort des orques détenues en France et réclamer le meilleur pour elles. C’est l’objet d’une lettre mise en avant par One Voice et adressée au Président Emmanuel Macron par la docteur en biologie Ingrid Visser. Elle connaît très bien son sujet et explique pourquoi les parcs chinois se tournent vers l’achat d’orques déjà captifs du fait de la situation en Russie où des orques et bélugas capturés pour la Chine ont été relâchés en mer par les autorités grâce à l’opinion public.
Voici cette lettre :
« Objet: les orques au Marineland Antibes, en partance pour la Chine
Monsieur le Président de la République,
J’ai appris récemment que Parques Reunidos (entreprise espagnole possédant plus de 60 parcs d’attractions à travers le monde, dont le Marineland d’Antibes) tente actuellement de transférer ses orques (Orcinus orca) de France vers un établissement chinois. À ce stade, on ne connaît pas exactement la nature de l’établissement en question, mais étant donné que Parques Reunidos possède aussi des parcs en Chine, il est probable qu’il s’agit d’un transfert interne à l’entreprise.
J’ai visité le Marineland d’Antibes et constaté le mauvais état de santé des orques, en particulier d’Inouk, le mâle adulte. Sur la base de mes observations, j’ai déposé un rapport auprès de l’ONG One Voice, association de défense des animaux basée en France. J’ai également visité un certain nombre d’installations en Chine détenant des cétacés captifs (baleines, dauphins et marsouins) et j’ai trouvé que leurs conditions de vie y étaient encore pires qu’au Marineland d’Antibes. Je joins par exemple à cette lettre une série de photographies illustrant quelques-uns des problèmes constatés. L’une montre un certain nombre de poissons morts agglutinés au sommet de la grille au fond du bassin des orques, ce qui indique une mauvaise hygiène, une mauvaise alimentation ou des comportements anormaux de la part des orques (ou une combinaison de tous ces facteurs). La régurgitation, qui peut expliquer la présence des poissons morts, a été documentée par SeaWorld comme un signe de stress chez les cétacés maintenus en captivité. Dans la même installation chinoise, j’ai répertorié des orques aux yeux rendus rouges par la piètre qualité de l’eau, et d’autres pourvues de cicatrices dues aux défauts de conception des bassins. J’ai remarqué des ecchymoses sur le menton de certaines orques, qu’elles se sont faites à force de se cogner la tête contre le béton.
Il convient également de noter qu’il n’existe aucune loi sur le bien-être animal en Chine offrant ne serait-ce qu’un minimum de protection aux cétacés qui y sont détenus en captivité. Pour le moment, et bien que les conditions de vie des orques au Marineland d’Antibes ne soient pas bonnes, celles-ci bénéficient au moins de la surveillance des ONG et d’un certain niveau de protection grâce aux lois françaises et européennes.
Une fois qu’ils seront en Chine, les animaux peuvent (et vont certainement) être élevés afin d’être vendus aux divers établissements du pays. À l’heure actuelle, plus de 70 installations ont été construites pour la détention des cétacés, afin de les exposer au public et de leur faire faire des tours de cirque. Vous avez sans doute eu vent de ce qu’il s’est passé récemment en Russie, où 10 orques et 90 bélugas, qui avaient été capturés dans la mer d’Okhotsk à destination du marché chinois, ont été libérés à la demande du public et sur décision du président Poutine. J’étais l’une des rares scientifiques à avoir accès à cette installation et j’ai pu constater à quel point les conditions de détention étaient mauvaises pour les orques réservées par les établissements chinois. Avec mes collègues, nous avons rendu compte de la situation sur place et recommandé que les animaux soient relâchés dans l’océan. C’est chose faite depuis quelques semaines à peine, mais à présent que cette source d’approvisionnement est tarie, les Chinois se tournent activement vers les établissements détenant des orques en captivité.
Il est clair que le déplacement de tout cétacé de la France vers la Chine échappera à tout droit de regard et mettra également toute entreprise possédant ces animaux à l’abri de la surveillance des ONG et du gouvernement. Je vous recommande de lire les rapports de la China Cetacean Alliance [1] sur ces situations et les conditions épouvantables auxquelles les cétacés sont confrontés.
Je vous demande respectueusement, en tant que scientifique et biologiste spécialiste des cétacés, mais aussi en tant que témoin ayant dûment constaté les conditions de vie déplorables imposées aux animaux dans les aquariums chinois, d’interdire l’exportation de chacune des orques détenues en France afin de garantir qu’elles puissent continuer à bénéficier des protections qui leur sont accordées en vertu des lois françaises et européennes. Naturellement, je serais heureuse de discuter de la situation avec vous si vous avez des questions.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération,
1- http://chinacetaceanalliance.org/ pour les détails caractéristiques du parc et http://chinacetaceanalliance.org/wp-content/uploads/2019/06/19-CCA-Report-English-FINAL.pdf pour un rapport de synthèse. »