Il y a cinq ans, la France démocratique connaissait un haut-le-cœur provoqué par une brutalité sans nom, sanglante, assassine. Elle a compris tout de suite les enjeux et, sans encenser Charlie pour autant pour sa démarche, a affirmé que les questions démocratiques doivent être répondues de manière démocratique. Elle a défendu l’honneur du pays en refusant la haine et le fanatisme, barrant la route aux mentalités d’extrême-Droite qui auraient pu avoir un boulevard pour reléguer la France dans l’étroitesse de l’esprit raciste.
L’esprit Charlie des origines est directement issu de l’esprit de mai 1968, dans son côté remise en cause de l’ordre établi et de l’idéologie de la France profonde. C’était la France gaulliste qui était dénoncée, pour ses matraques, ses mentalités bornées, son militarisme, sa beauferie, etc. Qui parle aujourd’hui d’État policier pour la France devrait étudier cette période !
Une nouvelle génération s’est appuyée sur cette culture très française du portrait, poussé jusqu’à la caricature. Cela a relancé Charlie, pour apporter une nouvel esprit critique dans une situation nouvelle, puisque le conservatisme lourd et pesant a au fur et à mesure cédé la place à un libéralisme dissolvant les liens sociaux, renforçant l’individualisme et l’indifférence.
Ce que dénonçait surtout Charlie hebdo, c’est en réalité surtout l’hypocrisie. Il y a une réelle continuité dans les dessins et l’esprit de Charlie sur ce plan là. Il y a une dénonciation, mais avec comme but d’enseigner, suivant le modèle « plaire et instruire » de Molière et La Fontaine. On trouve cela humoristique et en plus on découvre la vanité, le mensonge des puissants, des militaires, des religieux. Aucune institution n’échappait à Charlie.
Charlie Hebdo était bien entendu critiquable sur bien des points ; tout comme le Canard enchaîné, il y a des critiques souvent faciles et unilatérales, tout en se plaçant au-dessus de la mêlée. C’était finalement du divertissement plus qu’autre chose. Il y avait cependant un certain esprit critique et lorsque les islamistes ont frappé Charlie Hebdo, la France démocratique a compris l’enjeu. Mieux valait avoir tort éventuellement avec des démocrates que de se retrouver, d’une manière ou d’une autre, avec le fanatisme, la négation de la raison.
Qui utilise la raison peut parfois se tromper – qui ne l’utilise pas se trompe tout le temps.
La France aurait basculer dans l’extrême-Droite, elle ne l’a pas fait. Des millions de personnes ont été dans les rues pour défendre l’esprit critique, sans engagement concret, mais au moins en défense de la raison.
Cela fut un moment résolument positif de notre histoire !