Le gouvernement autrichien, après avoir été formé d’une coalition Droite / extrême-Droite, s’appuie désormais depuis janvier 2020 sur l’alliance de la Droite et des écologistes. Cette tendance est générale en Europe et en passe de se réaliser en France. Faire confiance à EELV serait un suicide pour la Gauche.
Les Verts autrichiens sont un équivalent des Verts allemands : ils sont nés pareillement de toute une génération qui s’est politisée dans les années 1970, souvent chez les « maos ». La question écologiste, une problématique née très tôt dans les pays germaniques, a servi de détonateur pour la naissance d’une Gauche alternative brassant les anciens hippies, les anti-nucléaires, les opposants à la guerre et l’OTAN, les féministes, les autonomes et leurs squats berlinois, etc.
Par la suite, tant en Allemagne qu’en Autriche, les realos (réalistes) ont vaincu les fundis (fondamentalistes), c’est-à-dire que les tenants du pragmatisme ont triomphé de ceux exigeant un modèle alternatif de société comme dénominateur commun du mouvement. Daniel Cohn-Bendit, qu’on présente souvent en France comme très « alternatif », est en réalité l’un des principaux dirigeants historiques du courant realos.
Les Verts allemands et autrichiens sont alors devenu un parti comme les autres, le parti des bobos (bourgeois-bohème), avec donc une base diplômée, vivant en centre-ville et adeptes d’un libéralisme culturel forcené. Les grandes ONG écologistes ou humanitaires ont ici notamment servi de vivier de cadres pour les Verts, avec des allers-retours.
L’installation de la bourgeoisie de type « bobo » dans le paysage a mis un terme à toute prétention à être « alternatif ». Cela explique la formation en janvier 2020 d’un gouvernement autrichien formé par l’alliance de la Droite et des Verts, le congrès de ces derniers appuyant l’initiative à 93,18 %. Deux régions autrichiennes avaient de toutes façons, depuis plusieurs années déjà, un gouvernement avec une telle coalition.
En Allemagne, il y avait également eu des mairies de coalition Droite / Verts ; même si cela a toujours été une exception, cela reflète toute une tendance et c’est d’ailleurs cas d’une importante ville comme Cologne depuis 2016. Dans les années 1990, les représentants de la Droite et des Verts se rencontraient secrètement dans une pizzeria (donnant le nom de pizzeria-connexion), il n’en est aujourd’hui plus besoin.
Enfin, il y a eu également des alliances des Verts avec des partis conservateurs pour les gouvernements tchèques (2007-2009), en Irlande (2007-2011) et en Finlande (2007-2011). Ce furent des premiers coups de semonce, la participation des Verts autrichiens à un gouvernement de Droite ouvrant la boîte de Pandore.
Il est bien connu d’ailleurs que l’une des principales figures d’EELV, Yannick Jadot, est ouvertement favorable à un tel pragmatisme. François de Rugy et Jean-Vincent Placé avaient déjà ouvert la voie avant lui.
De toutes manières, la tendance est inévitable, car elle est dans la matrice d’EELV. En effet, les « Verts » à la française n’ont jamais été alternatifs comme les Allemands et les Autrichiens, ils ne sont pas issus de mai 1968. Ce sont des anti-progrès anti-technologie refusant l’opposition gauche-droite, proposant un retour en arrière, Antoine Waechter étant leur chef de file historique, un journal comme La Décroissance étant un bon exemple.
Les Verts en version alternatif ont bien existé, mais cela a été en France davantage des marxistes autogestionnaires de sensibilité écologiste. L’Alternative rouge et verte (1989-1998) fut leur structure historique. Cela donna les Alternatifs avec une alliance avec d’autres groupes, pour former finalement Ensemble ! dans le Front de gauche. Toute la culture alternative passa à la trappe dans ce processus.
Il faut souligner également que cette gauche représentée par l’AREV profite en grande partie du courant catholique de gauche, avec surtout la CFDT prônant le socialisme autogestionnaire à la fin des années 1960 (la CFDT était jusqu’en 1964 la « Confédération française des travailleurs chrétiens »).
C’est ce qu’on appelle la nouvelle gauche dans les pays anglo-saxons, et la seconde gauche en France.
On peut noter ici justement que Yannick Jadot avait participé à une association étudiante, La Déferlante, à l’université de Paris-Dauphine (sélective et fondamentalement tournée vers le « business »). Ses membres ont notamment rejoint la CFDT ainsi que des cabinets de conseil lui étant proches, des structures internationales comme la Banque Mondiale. Yannick Jadot, lui, a dirigé Greenpeace France de 2002 à 2008.
C’est une bon exemple, car cela montre que les « écologistes » tendent à devenir toujours la même chose, de par leur matrice, quel que soit leur pays. De par l’abandon de la base alternative et de par le refus du mouvement ouvrier, on a une soumission à des gens surdiplômés, vivant dans les centre-villes, profitant de structures associatives au financement massif, ainsi que d’institutions internationales ou même directement des institutions européennes.
On est ici dans une utopie sociale-libérale et par conséquent le rapprochement avec Emmanuel Macron est inévitable. L’affirmation d’un projet libéral-écologiste, appuyant l’Union Européenne, est pratiquement inéluctable comme « idée politique ». Faire confiance à EELV, c’est donc amener la Gauche à se faire tôt ou tard poignarder dans le dos.