Après la première affaire de l’occupation par des syndicalistes de la RATP et de la SNCF, le siège de la CFDT a été de nouveau pris pour cible. La démarche se veut ouvertement une provocation, avec une sorte d’opération commando masquée pour aller couper le courant.
La grève s’enlisant et échouant, il faut pour les syndicalistes de la CGT trouver un coupable. Plutôt que de se remettre en cause et de comprendre pourquoi il n’y a pas eu de mouvement populaire, il y a le raccourci populiste d’accuser la CFDT, dont les locaux du siège ont été l’objet d’une opération coupure de courant.
Il ne faut pas se leurrer : en plus de la dénonciation populiste, il y a ici une tambouille interne, au sens où il y a des batailles de factions, rendues encore plus agressives par l’ambiance de défaite inavouée.
La première action vendredi dernier était menée par un « marxiste révolutionnaire » (c’est-à-dire quelqu’un se revendiquant du courant trotskiste) et la seconde dénonce la « collaboration » de classe dans un communiqué signé par les différents syndicats de la CGT énergie d’Île-de-France (Paris, 91, 93, 94, 95, 77, 78, Ouest IDF, Bagneux).
On en revient pour cette seconde occupation à l’arrière-plan du conflit indirect entre le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez et celui des cheminots Laurent Brun, c’est-à-dire entre la ligne post-PCF et une ligne promouvant plutôt un retour au PCF des années 1980. Philippe Martinez avait bien entendu dénoncé la première occupation des locaux du siège de la CFDT… et les syndicats d’Île-de-France de la CGT énergie (FNME) provoquent un chaos complet en réalisant ouvertement la même chose, en pire.
Parallèlement, la CGT FNME cherche à relancer le mouvement. Elle a revendiqué des filtrages devant le centre nucléaire de Gravelines, le blocage des stockages gaziers de Storengy (Gournay, Manosque, Beynes, Etrez), celui des plateformes Serval d’Enedis-Grdf (Bordeaux, Caen, Champigneulles, Gennevilliers, Ploërmel), la réduction au minimum technique et l’absence de remplissage des citernes des terminaux méthaniers d’Elengy Fos et Montoire, une baisse de production en général dans le thermique, l’hydraulique et le nucléaire, le blocage de plusieurs sites Enedis-Grdf et EDF, etc.
Cet élargissement de la lutte est une bonne chose, mais on voit à l’occupation de la CFDT qu’il s’agit surtout de témoigner d’une capacité de nuisance. Considérant que le mouvement ne s’élargit pas, la CGT se défend surtout elle-même.
Rappelons ici tout de même qu’il y a une chose qui s’appelle la Caisse centrale d’activités sociales (CCAS), servant de comité d’entreprise à EDF (ainsi qu’à ENGIE) et gérée par la CGT. Son budget c’est 1 % hors taxe des ventes d’électricité et de gaz en France depuis 1946 – soit 500 millions d’euros par an. Des centaines de milliers de gens partent notamment en vacances de manière liée à la CCAS qui, comme on le sait, a servi pendant des décennies d’arrosoir financier au PCF et à la CGT.
Qui perd cela de vue et s’imagine que les dirigeants de la CGT sont sincères oublie l’énorme dimension bureaucratique et financière de cette structure aux ramifications multiples. Cela est vrai d’ailleurs de tous les syndicats : il faut toujours chercher à décrypter les confits d’intérêt, batailles de factions, etc.
La ligne dure de la CGT joue son va-tout pour assurer la survie de cette structure et ne pas se faire remplacer par la CFDT dans le nouveau dispositif de négociations que veut impulser Emmanuel Macron en remplacement de ce qui s’est fait pendant cinquante ans.