La bourgeoisie prétend aimer le burlesque ; en réalité, elle aime le grotesque. Michel Catty alias Michou en a été une figure avec son cabaret depuis les années 1960, voyant passer dans le 18e arrondissement de Paris des gens venant s’encanailler devant des spectacles de travestis. L’arrière-plan, bien plus chic, est que c’était un lieu de passage strass et paillettes des plus hauts hommes politiques, des stars du show business, de grands bourgeois psycho-rigides en quête d’émotions.
C’est ici la France de Jean-Pierre Pernaut et de Johnny Halliday, de Jean-Paul Belmondo qui vient connaître le festif de grand bourgeois sablant le champagne de qualité, Michou revendiquant d’en boire deux bouteilles par jour (car « L’eau, c’est fait pour se laver les fesses »).
Le magazine ultra-conservateur Causeurs y est bien entendu aller de son couplet nostalgique :
« Paris a le blues cet après-midi. Michou, c’était le douzième homme de notre sélection nationale, l’ami des Présidents et des stars du chobizenesse (…). Cette vedette représentait quelque chose de léger, d’impalpable, un rêve ancien brouillé par la télévision de Guy Lux, les lumières de la nuit, une sorte de Paris fantasmé des années 60/70, thébaïde des libertés et du divertissement. »
Car la haute bourgeoisie s’ennuie et c’est pourquoi elle a toujours eu ses clubs échangistes, ses boîtes sado-masos, ses réseaux de prostitution chics ou trash, voire pédérastes ou pédophiles. Michou n’était que la version la plus accessible, la plus légère, la plus superficielle, la moins engageante. C’était une caricature et cela suffisait pour faire semblant pour des gens cherchant à faire semblant d’exister.
Le cabaret de Michou fut, concrètement, la véritable avant-garde historique de la scène LGBT à la française, avec sa remise en cause de tout bon goût, de toute culture, de toutes normes. Ce qui a amené la maire de Paris, Anne Hidalgo, à parler de Michou sur Twitter comme ayant été « une immense figure de la tolérance et de la nuit parisienne ».
Car on est pas du tout ici dans une question d’homosexualité ou pas. On est ici dans une mise en scène, dans une négation de toute hétérosexualité ou homosexualité, dans un rejet de toute identité, pour se mettre au service d’un esprit faussement joyeux, d’un goût de la fête entièrement surfait, d’une logique de consommation superficielle.
C’est une mise au service d’une haute bourgeoisie, par ennui, par désœuvrement, pas vide existentiel, s’occupe avec du bruit. La scène LGBT, avec ses revendications ultra-libérales dans les mœurs (et en économie aussi d’ailleurs), n’est qu’une expression moderne d’une fausse fête mise au service du bruit pour occuper les esprits. Il n’y a aucun profondeur, que du vide.
Que l’on compare d’ailleurs le style LGBT avec les romans de Jean Genet, avec les paroles des Communards, avec la démarche rupturiste queer. Quoiqu’on puisse en penser, il n’y a strictement aucun rapport avec la scène LGBT et son pseudo hédonisme identitaire individualiste !
Michou n’a fait qu’anticiper ce qui existe aujourd’hui de manière régulière : la fuite identitaire dans un pseudo abri. Pour les uns, c’est la religion, cette aberration du passé, pour les autres c’est la couleur de peau, la nationalité ou un peuple même fictif, d’autres ne raisonnent qu’en termes de sexualité, etc. De manière plus particulière, Michou a anticipé la niaiserie de l’idéologie LGBT désormais arboré fièrement par absolument tous les principaux pays capitalistes du monde et toutes les grandes entreprises, depuis la CIA jusqu’à Google, de Louis Vuitton à Mercedes.