La conférence internationale de Munich, traitant de la sécurité, a vu les États-Unis viser clairement la Chine en la présentant comme la grande menace pour la division du monde telle qu’elle existe actuellement. Le challenger est officiellement présenté et on marche toujours plus clairement vers la guerre.
Mike Pompeo est le responsable de la diplomatie américaine et il a donné le ton ces derniers mois. En octobre 2019, il avait accusé la Chine d’être « ouvertement hostile » aux États-Unis. En novembre, il a avait expliqué que la Chine portait une « nouvelle vision de l’autoritarisme ».
Courant janvier 2020, il avait demandé aux entreprises de la Silicon Valley de faire en sorte que « nos sociétés ne concluent pas des contrats qui renforcent l’armée de notre rival ou favorisent sa répression dans certaines parties de ce pays». A la fin du même mois, lors d’une rencontre avec Dominic Raab, le responsable des affaires étrangères du Royaume-Uni, il avait dit que « Le Parti communiste chinois représente la principale menace de notre époque ».
Lors de la 56e conférence de Munich sur la sécurité à la mi-février 2020, où étaient présents 150 chefs d’État et de gouvernement, il a affirmé que :
« La Chine empiète sur les zones économiques exclusives du Vietnam, des Philippines et de l’Indonésie. Et sur ce point, la Chine a eu un différend frontalier ou maritime avec presque tous les pays qui la bordent (…).
Et parlons une seconde de l’autre domaine, la cybersécurité. Huawei et d’autres entreprises technologiques chinoises soutenues par l’État sont des chevaux de Troie pour le renseignement chinois. »
Mark Esper, secrétaire à la Défense, a dit quant à lui qu’il fallait « se réveiller face aux défis présentés par la manipulation chinoise de l’ordre international au long cours, avec ses règles », et que la Chine était le principal souci pour le Pentagone.
Les Chinois n’étaient évidemment pas très contents et cela d’autant plus que la conférence de Munich avait comme thème « westlessness », terme signifiant grosso modo « déclin de l’occident ». Mike Pompeo, venu avec deux autres secrétaires d’État, s’est d’ailleurs empressé de dire que l’occident était en train de gagner.
Emmanuel Macron a déclaré en réponse que « l’ère des policiers mondiaux américains omniprésents est révolue », tout en soulignant en même temps que son ouverture appuyée récente à la Russie avait comme but de sortir celle-ci d’un rapprochement fort avec la Chine. Car de toutes façons, on ne sort pas de l’affrontement sino-américain, et Le Figaro titrait son article :
« À Munich, la rivalité entre les États-Unis et la Chine éclate au grand jour »
Les Chinois ne répondent rien, car ils ne veulent pas encore se présenter comme le challenger, même si leurs documents stratégiques disent évidemment tout autre chose. On est pour l’instant encore dans la mise en place, avec le jeu d’alliances qui se forme, mais qui peut connaître de grands changements. L’Allemagne notamment n’apprécie guère tout cela, car cela nuit à sa propre affirmation, qui exige une Europe renforcée, ce qui n’est guère possible si tout passe soit par les États-Unis, soit la Chine.
Le multilatéralisme n’est en fait que le renforcement des contradictions entre les puissances et ce n’est que reculer pour mieux sauter. Les États-Unis ne veulent pas de changements dans la division du monde, ou alors en leur sens – la Chine veut un nouveau partage. Les autres se placent prêts à en profiter, car ils ont tout autant besoin d’aller de l’avant pour tenir. Le capitalisme porte en lui la guerre, sans quoi il ne peut pas se maintenir.