Le discours du 13 avril 2020 d’Emmanuel Macron au sujet de la crise sanitaire a été entièrement franco-français. Déni des faits, absence d’esprit autocritique, volontarisme forceur, spiritualisme vaniteux, chauvinisme outrancier… Rien n’aura été épargné alors que la France capitaliste va dans le mur.
Le 16 mars, Emmanuel Macron expliquait qu’on était en guerre ; le 13 avril, il a expliqué qu’on avait gagné. Le système aurait tenu, dit un président passant sous silence toutes les personnes âgées mortes seules chez elles ou dans les EHPAD. Il faut dire que le mensonge était inévitable de sa part, vu que tous ses fondamentaux sont par terre. L’Europe ? Elle est aux abonnés absents. L’individualisme relativiste ? Il ne saurait être à l’ordre du jour. Le libéralisme moderniste vaguement social ? Il est en-deça des exigences d’organisation nécessitant un État fort.
Emmanuel Macron a donc eu recours au mythe mobilisateur pour chercher une sortie par le haut. Le 11 mai rouvriront, « progressivement », les écoles et les crèches, les administrations et les entreprises. Quant aux personnes âgées ou malades, elles devront continuer seules le confinement, la société ne ralentira rien pour elles. On reconnaît ici le cynisme de la démarche, mais aussi son idéalisme. Pourquoi le 11 mai ? Pourquoi pas le 7 ou le 20 ? Personne n’en sait rien, mais à partir du 11 il y aura des masques pour tout le monde, des tests de dépistage pour beaucoup de monde. Bref, le 11 mai, il y aura tout… tout ce qu’il n’y a pas eu.
Pour convaincre, Emmanuel Macron a parlé pendant 27 minutes. Là où Angela Merkel se contente de quelques minutes, Emmanuel Macron a cherché à développer tout un lyrisme existentialiste : « nous aurons des jours meilleurs et nous retrouverons les Jours Heureux », nous promet-il. Le peuple français se régénérerait même face à l’adversité : « On disait que nous étions un peuple épuisé, routinier, bien loin de l’élan des fondations »… « On disait que nous étions un peuple indiscipliné »…
Sauf que, oui, effectivement, les Français sont totalement routiniers. Qu’ils pensent que tout va changer après la crise ou pas, ils considèrent tous qu’il va être possible de s’en sortir au moyen d’un rationalisme mesuré, d’une philosophie cartésienne bien française. Et tous pensent que la crise va se terminer à court terme, voire même, sans le dire, que le confinement finira bien par s’effacer avant le 11 mai. Et Emmanuel Macron les a confortés en cela.
Il a pourtant dit que les lieux culturels et sportifs ne rouvriront pas avant mi-juillet… Ce qui est totalement incohérent avec la logique du déconfinement. Mais la France capitalistes est coincée : elle veut redémarrer le plus vite possible, quitte à basculer dans l’irrationnel. Et les Français veulent que tout recommence comme avant, le plus vite possible. Ils ne veulent surtout pas voir !
Voir que c’est fini, qu’un mode de vie est par terre, que c’est la fin d’une civilisation ou, plutôt son dépassement. Qu’on est en pleine crise, que c’est le début de la crise, qu’elle va se généraliser à tous les domaines. Rien que le conflit sino-américain devrait faire froid dans le dos.
Le 13 avril, Emmanuel Macron a menti et les Français se sont mentis à eux-mêmes. Ils sont ébranlés, doutent fortement, mais espèrent encore. Ils ne veulent pas encore être réalistes. C’est pourtant trop tard. La France capitaliste ne fait pas que vaciller : elle bascule.