Les organisations puisant leur identité dans le mouvement ouvrier font traditionnellement une déclaration à l’occasion du premier mai. Celui-ci fut très particulier, entre autre en raison de l’absence de manifestations possibles, toutefois la combativité dans une situation de crise n’en ressort que plus fortement.
Les déclarations du premier mai 2020 sont d’autant plus intéressantes que l’accent est mis sur des aspects très différents, suivant les mises en perspective des uns et des autres. Toutes adoptent le principe du « plus que jamais », cependant les options sont différentes.
Le Parti socialiste, soucieux de montrer qu’il se rattache à une certaine tradition, a mis en ligne trois questions-réponses sur le premier mai à Danielle Tartakowsky, historienne spécialiste des mouvements sociaux. Il y a eu également, de manière totalement inaperçue en fait, un communiqué commun avec notamment La France Insoumise, Génération-s, le PCOF, Ensemble !… exigeant que les libertés ne soient pas remis en cause et que le projet de réforme des retraites soit abandonné. Il est souligné que :
« Le temps est venu d’un monde plus juste, plus solidaire, plus égalitaire, dans laquelle l’être humain vivra en harmonie avec la nature. »
Cette sorte de réformisme-utopisme n’est pas du tout partagé par le Parti Communiste International, de tradition « bordiguiste », qui considère lui au contraire dans sa déclaration du premier mai que « le confinement sanitaire, qui dans le monde entier bloque contemporainement la consommation de tous les biens non véritablement nécessaires à la vie, amplifie la surproduction préexistante de marchandises et provoque le quasi arrêt des cycles infernaux de l’accumulation du capital ».
En clair, le capitalisme est rentré dans le mur, ce que disent aussi les maoïstes du PCF(mlm), pour qui c’est surtout une situation nouvelle parce que la « contradiction entre villes et campagnes » exprime une situation devenue explosive avec une « crise générale du capitalisme » produisant une nécessaire bataille contre « le 24 heures sur 24 du capitalisme » pour se mettre au service de la Biosphère.
Autre organisation se revendiquant de Mao Zedong, L’OCML-VP appelle à refuser le repli « nationaliste et chauvin » qui reviendrait à se mettre au service de la bourgeoisie. C’est l’internationalisme qui est déterminant. Dans une même approche d’encouragement à ne pas suivre les dominants, le ROC-ML a fait un court texte où il est expliqué que « la situation révèle en fait toute la décrépitude, toute la turpitude et le caractère criminel du système capitaliste ».
Le Parti Communiste Révolutionnaire de France se focalise une dénonciation du gouvernement mais aussi, au-delà, du régime, et met en valeur « les peuples de Cuba et de la RPDC (Corée du Nord), engagés dans l’édification de la société nouvelle et dans la lutte contre le Covid-19 tout en affrontant les sanctions et blocus imposés par les États-Unis, avec la complicité de leurs alliés de l’UE et de l’OTAN ». Le Pôle de Renaissance Communiste en France, qui vient pareillement de la gauche du PCF des années 1990 mais qui a conservé un pied dedans, a quant à lui réalisé un meeting numérique sur YouTube.
L’Union Communiste Libertaire a fait de même, mais sur peertube. Le NPA appelle à la mobilisation pour après le 11 mai, espérant reprendre directement à juste avant la pandémie. Lutte Ouvrière s’est contenté d’un texte très court n’abordant aucunement l’actualité ni la pandémie, rappelant juste d’où vient le premier mai.
Comme on le voit, on a deux tendances : ceux pour qui la lutte commencée avant la crise sanitaire va reprendre, et ceux pour qui on est passé ou on va passer à autre chose. Il y a en fait une grande fracture à Gauche, mais qui ne se verra que dans quelques temps.