Le gouvernement a officialisé ce jeudi 7 mai la levée du confinement pour le 11 mai, avec quelques détails changeants pour les départements classés « rouge » par rapport à ceux classés « vert ». La circulation du virus n’a cependant pas cessé et personne ne peut être certain que la situation va s’améliorer sur le plan sanitaire. La France se lance dans un grand saut, périlleux, dans l’inconnu.
Une seconde vague de l’épidémie sur le territoire français est-elle à craindre ? C’est une possibilité tout à fait crédible. Ce qui est certain en tous cas, c’est que la circulation du virus ne s’est pas arrêtée avec le confinement. 728 nouvelles admissions à l’hôpital pour Covid-19 ont été enregistrées hier (100 de moins que la veille) et 99 personnes ont été placées en réanimation (30 de plus que la veille).
C’est beaucoup, et cela est en tous cas plus que les estimations du modèle prévisionnel ayant servi à déterminer des critères pour le 11 mai. Le Conseil scientifique s’était fondé pour cela sur un modèle de l’Institut Pasteur. Celui-ci prévoyait d’ici au 11 mai un nombre d’admissions quotidiennes en réanimation compris entre 10 et 50.
Il en est de même pour le nombre total de personnes en réanimation qui, bien qu’en baisse (- 186 hier), reste élevé avec 2 961 personnes, contre les 1 400 à 1 900 personnes prévues par le modèle pour le 11 mai, soit dans 4 jours). Si la baisse quotidienne était constante d’ici à lundi, cela donnerait 2217 lits de réanimation occupés, soit 300 de plus que la fourchette haute du modèle.
Autre chose à prendre en compte : ces chiffres reflètent une situation antérieure, avec des contaminations ayant eu lieu environ trois semaines avant les admissions en réanimation. Or, depuis la situation d’il y a trois semaines, quasiment en plein milieu du confinement, la situation a relativement changé. Le gouvernement a, à plusieurs reprises, évoqué un certain relâchement de la population quant au respect des règles de distanciation sociale et de « mesures barrières ».
Cela est aisément constaté par tout un chacun, avec notamment une circulation routière accrue, des visites dans les familles ou chez les amis, discrètes mais effectives, ainsi que de nombreuses activités économiques ayant déjà reprises cette semaine, particulièrement dans le BTP.
La France se lance dans un déconfinement en ayant finalement un aperçu que très partiel de la situation réelle, pour ne pas dire quasiment nul. Rien que le critère évoqué à l’origine par le gouvernement pour la lever du confinement le 11 mai, c’est-à-dire un nombre maximum de 3000 contaminations quotidiennes, est invérifiable (ou alors seulement a posteriori et par extrapolation).
Tout la stratégie du gouvernement est pourtant fondée sur cela, avec surtout le calcul du nombre de tests de dépistage hebdomadaire nécessaires (700 000 tests par semaine). La stratégie de dépistage sera d’ailleurs très compliquée à concrétiser, avec en plus de cela une opposition gouvernementale complètement hystérique sur la question du fichage sanitaire, que cela soit pour les brigades de terrains (censées remontées des chaînes de contamination) via les fichiers de l’assurance maladie, ou bien l’application de traçage de la population via les smartphones.
Même en supposant que l’estimation d’un maximum de 3000 contaminations quotidienne à partir du 11 mai soit la bonne, rien ne permet de croire que ces milliers de contaminations quotidiennes n’engendreront pas une nouvelle vague épidémique. Les masques, dont tout le monde n’est pas encore équipé d’ailleurs, les mesures dans les magasins, les transports, les écoles, la limitation (espérée) des contacts familiaux, amicaux etc. ne sauraient être aussi efficaces que le confinement de la population avec des rencontres normalement limitées aux seules courses alimentaires.
L’inquiétude est particulièrement grande pour l’Île-de-France, très dense, ainsi que le Nord et l’Est du pays. 72% des personnes hospitalisées se concentre d’ailleurs dans les régions Île-de-France, Grand-Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France.
Il a été rappelé hier par le ministre que le nombre de cas en Île-de-France ne faiblit que lentement, qu’il reste élevé, plus élevé que ce qui était espéré. Mais cela ne change rien à la date du 11 mai, et il est encore fait appel à la seule responsabilité individuelle :
« En Île-de-France, compte tenu de la tendance, nous pouvons déconfiner. Mais le fait qu’il reste du virus en circulation, que cette région soit très dense et peuplée, nous impose une discipline renforcée».
C’est d’ailleurs pourquoi une équipe de recherche de l’Inserm à l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique explique qu’il faudra parvenir à identifier et isoler correctement au moins un malade sur deux en Île-de-France… sinon la contagion repartira et le système hospitalier ne tiendra pas le choc.
Il y a même des modélisateurs de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris qui ont publié un article expliquant qu’une seconde vague est inévitable.
Dans le même temps, il y a une pression énorme de la part de tout un tas de secteurs, dont le discours est particulièrement porté par la Droite, pour assouplir les règles, ouvrir rapidement les bars, les cafés, les restaurants, les bases de loisir, etc. La Gauche, contaminée par le libéralisme, n’a rien de bien mieux à raconter dans bien des cas.
Et en attendant, la situation dans les Ephad n’a pas changé et le ministre se dit lui-même incapable de savoir quand il pourra y avoir un déconfinement. Cela rappelle l’opacité des chiffres quant aux personnes âgées mortes chez elles.
Ce qui se réalise, c’est une reprise du capitalisme particulièrement cynique, comptant pertes, comptant profits, et ayant choisi.