L’appel « Se fédérer » est une énième tribune des milieux d’ultra-gauche, de la petite-bourgeoisie intellectuelle de gauche plus particulièrement, cherchant en ces temps de crise une troisième voie entre capitalisme et socialisme.
L’appel « Se fédérer » se présente comme une expression d’une tendance à se fédérer du côté des opposants au « système » : le principe fédératif serait par définition opposé au capitalisme, dans ses fondements mêmes. C’est une simple reprise des théories de Proudhon.
D’ailleurs, l’appel dit que le modèle serait la Commune de Paris de 1871, le regroupement fédéral au-delà de toute considération politique. C’est bien là une lecture anarchiste de la Commune ; on est ici dans une démarche de rejet complet de l’histoire du mouvement ouvrier, des traditions socialistes et communistes, etc.
Ce texte est sur ce plan une caricature complète et on ne sera pas étonné de voir parmi les signataires un collectif… « Gilets jaunes enseignement recherche ». Difficile de faire pire dans la caricature de l’enseignant cherchant à récupérer à son profit une révolte plébéienne. Cela en dit long sur les autres signataires.
« Se fédérer
Nous sommes nombreuses, nous sommes nombreux : nous sommes tant et tant à penser et éprouver que ce système a fait son temps. Mais nos voix sont dispersées, nos appels cloisonnés, nos pratiques émiettées. Au point que quelquefois nous doutons de nos forces, nous succombons à la détresse de l’impuissance. Certes, parfois cette diffraction a du bon, loin des centralisations et, évidemment, loin des alignements. Il n’empêche : nous avons besoin de nous fédérer. Sans doute plus que jamais au moment où une crise économique, sociale et politique commence de verser sa violence sans faux-semblant : gigantesque et brutale. Si « nous sommes en guerre », c’est bien en guerre sociale. D’ores et déjà les attaques s’abattent, implacables : le chantage à l’emploi, la mise en cause des libertés et des droits, les mensonges et la violence d’État, les intimidations, la répression policière, en particulier dans les quartiers populaires, la surveillance généralisée, la condescendance de classe, les discriminations racistes, les pires indignités faites aux pauvres, aux plus fragiles, aux exilé-es. Pour une partie croissante de la population, les conditions de logement, de santé, d’alimentation, parfois tout simplement de subsistance, sont catastrophiques. Il est plus que temps de retourner le stigmate contre tous les mauvais classements. Ce qui est « extrême », ce sont bien les inégalités vertigineuses, que la crise creuse encore davantage. Ce qui est « extrême », c’est cette violence. Dans ce système, nos vies vaudront toujours moins que leurs profits.
Nous n’avons plus peur des mots pour désigner la réalité de ce qui opprime nos sociétés. Pendant des décennies, « capitalisme » était devenu un mot tabou, renvoyé à une injonction sans alternative, aussi évident que l’air respiré – un air lui-même de plus en plus infecté. Nous mesurons désormais que le capitalocène est bien une ère, destructrice et mortifère, une ère d’atteintes mortelles faites à la Terre et au vivant. L’enjeu ne se loge pas seulement dans un néolibéralisme qu’il faudrait combattre tout en revenant à un capitalisme plus « acceptable », « vert », « social » ou « réformé ». Féroce, le capitalisme ne peut pas être maîtrisé, amendé ou bonifié. Tel un vampire ou un trou noir, il peut tout aspirer. Il n’a pas de morale ; il ne connaît que l’égoïsme et l’autorité ; il n’a pas d’autre principe que celui du profit. Cette logique dévoratrice est cynique et meurtrière, comme l’est tout productivisme effréné. Se fédérer, c’est répondre à cette logique par le collectif, en faire la démonstration par le nombre et assumer une opposition au capitalisme, sans imaginer un seul instant qu’on pourrait passer avec lui des compromis.
Mais nous ne sommes pas seulement, et pas d’abord, des « anti ». Si nous n’avons pas de projet clé en mains, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à théoriser, penser mais aussi pratiquer des alternatives crédibles et tangibles pour des vies humaines. Nous avons besoin de les mettre en commun. C’est là d’ailleurs ce qui unit ces expériences et ces espérances : les biens communs fondés non sur la possession mais sur l’usage, la justice sociale et l’égale dignité. Les communs sont des ressources et des biens, des actions collectives et des formes de vie. Ils permettent d’aspirer à une vie bonne, en changeant les critères de référence : non plus le marché mais le partage, non plus la concurrence mais la solidarité, non plus la compétition mais le commun. Ces propositions sont solides. Elles offrent de concevoir un monde différent, débarrassé de la course au profit, du temps rentable et des rapports marchands. Il est plus que jamais nécessaire et précieux de les partager, les discuter et les diffuser.
Nous savons encore que cela ne suffira pas : nous avons conscience que la puissance du capital ne laissera jamais s’organiser paisiblement une force collective qui lui est contraire. Nous connaissons la nécessité de l’affrontement. Il est d’autant plus impérieux de nous organiser, de tisser des liens et des solidarités tout aussi bien locales qu’internationales, et de faire de l’auto-organisation comme de l’autonomie de nos actions un principe actif, une patiente et tenace collecte de forces. Cela suppose de populariser toutes les formes de démocratie vraie : brigades de solidarité telles qu’elles se sont multipliées dans les quartiers populaires, assemblées, coopératives intégrales, comités d’action et de décision sur nos lieux de travail et de vie, zones à défendre, communes libres et communaux, communautés critiques, socialisation des moyens de production, des services et des biens… Aujourd’hui les personnels soignants appellent à un mouvement populaire. La perspective est aussi puissante qu’élémentaire : celles et ceux qui travaillent quotidiennement à soigner sont les mieux à même d’établir, avec les collectifs d’usagers et les malades, les besoins quant à la santé publique, sans les managers et experts autoproclamés. L’idée est généralisable. Nous avons légitimité et capacité à décider de nos vies – à décider de ce dont nous avons besoin : l’auto-organisation comme manière de prendre nos affaires en mains. Et la fédération comme contre-pouvoir.
Nous n’avons pas le fétichisme du passé. Mais nous nous souvenons de ce qu’étaient les Fédérés, celles et ceux qui ont voulu, vraiment, changer la vie, lui donner sens et force sous la Commune de Paris. Leurs mouvements, leurs cultures, leurs convictions étaient divers, républicains, marxistes, libertaires et parfois tout cela à la fois. Mais leur courage était le même – et leur « salut commun ». Comme elles et comme eux, nous avons des divergences. Mais comme elles et comme eux, face à l’urgence et à sa gravité, nous pouvons les dépasser, ne pas reconduire d’éternels clivages et faire commune. Une coopérative d’élaborations, d’initiatives et d’actions donnerait plus de puissance à nos pratiques mises en partage. Coordination informelle ou force structurée ? Ce sera à nous d’en décider. Face au discours dominant, aussi insidieux que tentaculaire, nous avons besoin de nous allier, sinon pour le faire taire, du moins pour le contrer. Besoin de nous fédérer pour mettre en pratique une alternative concrète et qui donne à espérer.
Dès que nous aurons rassemblé de premières forces, nous organiserons une rencontre dont nous déciderons évidemment ensemble les modalités.
Aggiornamento histoire-géo, ACU (Association des communistes unitaires), Association De(s)générations, CAPJPO-Europalestine, Cerises la coopérative, Changer de Cap, Collectif Droit à la Belle Ville, Collect’IF paille, Émancipation collective, Fédération des syndicats SUD-Rail, Gilets jaunes enseignement recherche, Gilets jaunes de Plaine Commune, Jardins Communs, Jarez Solidarités, La Suite du monde, Le Paria, On prend les champs, PEPS (Pour une écologie populaire et sociale), Questions de classe(s), Réseau pour l’Autogestion, les Alternatives, l’Altermondialisme, l’Ecologie, le Féminisme, Union syndicale Solidaires, Union syndicale SUD Industrie, Unité Communiste de Lyon
Nicole Abravanel, Étienne Adam, Christophe Aguiton, Omar Aktouf, Dominique Alcalde, Jean-Claude Amara, Franck Antoine, Sonia Anton, Emmanuel Arvois, Jacky Assoun, Claude Bailblé, Bernard Baissat, Benjamin Ball, Philippe Banka, Ludivine Bantigny, Philippe Barre, Christophe Baticle, Franc Bardou, Stefan Bekier, Gilbert Belgrano, Olivier Belmontant, Cecilia Benevides, Rémi Bénos, Judith Bernard, Alain Bertho, Jacques Bidet, Stéphane Bikialo, Philippe Blanchet, Evelyne Bleu, Françoise Bloch, Christophe Boëte, Pascal Boissel, Françoise Boman, Thierry Borderie, Mathieu Borie, Benoit Borrits, Bernard Bosc, Stephen Bouquin, Aïcha Bourad, Leila Bourad, Driss Boussaoud, Jacques Boutault, Sarah Boyé, François Brun, Pascal Buresi, Noëlle Burgi-Golub, Laurent Bussière Saint-André, Marie-Claire Cailletaud, Claude Calame, Cécile Canut, Pépita Car, Jean-Pierre Castex, Jean-Noël Castorio, Aurélien Catin, Marc Cefallo, Christian Celdran, Dominique Cellier, Jean-Marc Cerino, Frédéric Certain, Maureen Chappuit, Bernard Charlot, Luc Chelly, Nara Cladera, Charlotte Cléro, Yves Cohen, Gérald Collas, Marie-Agnès Combesque, Jean-Louis Comolli, Léon Crémieux, Marcel Cunin, Laurence D., Alain Damasio, Hugues Débotte, Laurence De Cock, Eric Decamps, Stéphanie Dechezelles, Hervé Defalvard, Christian Delacroix, Frédéric Delarue, Jean-René Delépine, Jean-Étienne Delerue, Christine Delphy, Bruno Della Suda, Christian de Montlibert, Robert Descimon, Catherine Deston-Bottin, Rom Desh, Sophie Desrosiers, Michel Defalvard, Serge D’Ignazio, Paul Dirkx, Joss Dray, Marnix Dressen-Vagne, Jean-François Dubost, Frédéric Dufaux, Jean-Michel Dufays, Anne Dufresne, Stéphane Elmadjian, Jean-Paul Engélibert, Didier Epsztajn, Annie Ernaux, Kévin Espinas, Jean-Claude Eyraud, Laurent Eyraud-Chaume, Guillaume Faburel, Patrick Farbiaz, Dimitris Fasfalis, Jean Fauché, Daniel Faugeron, Pascale Fautrier, Mathieu Ferradou, Alexandre Ferran, Mathieu Fernandez, Renaud Fiévet, Yann Fiévet, Sylviane Finucci, Marianne Fischman, Fabrice Flipo, Jeremie Foa, Bernard Friot, Karën Fort, Fanny Gallot, Alain Gallucci, Edith Galy, Florent Gaudez, Franck Gaudichaud, Bertrand Geay, Julie Gervais, Jean-Pierre Gesbert, Denis Gheerbrant, Guy Giani, Pascale Gillot, Pierre-Eliel Girard, Julien Gonthier, Renée Gramaize, Christophe Granger, Lena Grigoriadou, Elie Haddad, Jean-Marie Harribey, Benoît Hazard, Odile Hélier, Leila Hicheri, Thomas Hippler, Maryvonne Holzem, Thierry Huve, Mathias Isimat-Mirin, Magali Jacquemin, Nicole Jacques-Lefèvre, Bruno Jacquin, Sylvain Jay, Samy Johsua, Anne Jollet, Claudine Katz, Jacques Kebadian, Marjorie Keters, Pierre Khalfa, Mohamed Khenniche, Jean-Luc Kop, Isabelle Krzywkowski, Anne Kubler, Marc Lacreuse, L’1consoloable, Francis Landron, Patrick Lao, Mathilde Larrère, Sylvie Larue, Ginette Lavigne, Stéphane Lavignotte, Pascal Le Brun, Michelle Lecolle, Sylvie Le Cocq, Hervé Le Crosnier, Dominique Lefèvre, Corinne Le Fustec, Bernard Lemann, Christophe Lemasson, Romain Le Meur, Alain Lenud, Yann Leredde, Benoît Leroux, Michel Letté, Pascal Liberatore, Wenceslas Lizé, Olivier Long, Camille Louis, Michael Lowy, Fanny Madeline, Christian Mahieux, Chowra Makaremi, Pascal Maillard, Jean Malifaud, Jean-Claude Mamet, Françoise Maquin, Rémi Marie, Philippe Marlière, Killian Martin, Gilles Martinet, Gustave Massiah, Christian Maurel, Laurence Maurel, Julie Maurice, Éliane Meillier, Véronique Melchior, Irène Menahem, Rémi Merindol, Denis Merklen, Henri Mermé, Isabelle Mestre, Valérie Mettais, Stéphane Michot, Noufissa Mikou, Sylvain Milanesi, Jacques Millet, Sylvie Monchatre, Ana Doldan Montiel, Bénédicte Monville De Secco, José-Luis Moraguès, Corinne Morel-Darleux, Marc Moreigne, Mikael Motelica-Heino, Séverin Muller, Alain Munier, Philippe Nabonnand, Claire Nancy, Corinne Nativel, Joël Nayet, Toni Negri, Olivier Neveux, Jean Noviel, Pierre Odin, Bertrand Ogilvie, Denis Orcel, Cléo Pace, Luca Paltrinieri, Dominique Paturel, Frédéric Paschal, Dolores Pazos, Willy Pelletier, Irène Pereira, Évelyne Perrin, Anita Perez, Elsa Peyronne, Nicole Phelouzat, Olivier Piazza, Stéphane Pichelin, Alexandre Pierrepont, Francky Poiriez, Raphael Porteilla, Emmanuelle Posse, Antoine Poulain, Paul Poulain, Claude Pourcher, Stéfanie Prezioso, Pierre Prim, Claudio Pulgar-Pinaud, Isabelle Quaglia, Yves Quintal, Makan Rafatjou,Marie Rama-Menahem, Nelly Rintaud, Daniel Rome, Patrick Rossignol, Marc Roudet, Benoît Rougelot, Théo Roumier, Pierre Rousset, Gilles Sabatier, Isabelle Saint-Saëns, Maria Eleonora Sanna, Gaëlle Santin, Pierre Sauve, Hélène Schneider, Michel Seigneuret, Pinar Selek, Marie Sellier, Alexandre Siguier, Patrick Silberstein, Alessandro Stella, Benjamin, Tauziac, François Ternynck, Jacques Testart, Edwige Thaille, Fanny Thomas, Sylvie Thomas, Lucky Tiphaine, Vincent Touchaleaume, Véronique Tribouilloy, Julien Troccaz, François Tronche, Marc Tzwangue, Sixtine van Outryve, Patrick Vassallo, Sarah Vaucelle, Françoise Vergès, Francis Verne, Frédéric Verhaegen, Julien Vigouroux, PierrVila, Bastien Villeflayoux, Pascal Vitte, Elise Voguet, Nicolas Voisin, Christiane Vollaire, Sophie Wauquier, Louis Weber, Roger Winterhalter, Béa Whitaker, Sylvie Wolf, Catherine Wolff, Carole Yerochewski, Isabelle Yhuel, Pierre Zarka, Olivia Zemor, Jeanne Zoundjihekpon, Élisabeth Zucker »