Un militaire doit pouvoir se mouvoir de manière aisée et la streetwear profite de plus en plus de cette approche pour aboutir à des vêtements forcément très sombres car cherchant avant tout à se focaliser sur la silhouette.
La récupération, au sens le plus large possible, de la « silhouette » militaire accompagne bien entendu le principe toujours plus marquant comme quoi les habits doivent être adaptés à sa morphologie. Avec l’énorme choix disponible désormais, impossible d’être habillé comme un sac à patates, ou alors c’est un choix, un no-look qui peut avoir sa validité.
Il va de soi également qu’il faut procéder à des contournements et il y a ici une contradiction explosive. Car les pantalons de Stone Island ont du style, mais à 300 euros, ce n’est juste pas possible. Et pourtant… Dans les faits, rien qu’avec cette question de l’accès aux habits stylés il devrait déjà y avoir une rébellion de la jeunesse prônant le socialisme !
Stone Island reprend d’ailleurs, comme d’autres marques ayant compris le principe comme Fila bien sûr, le principe du backpack. Un sac à dos c’est trop gros, un backpack souple et moins gros comme il en existe chez les militaires, c’est par contre tout à fait convainquant.
Il est bien entendu inévitable ici de parler de GR-Uniforma, un projet parallèle du Russe Gosha Rubchinskiy, qui va avec un groupe de musique.
https://soundcloud.com/user-636996411/hardcore
Le travail réalisé avec Diesel est très réussi car il ne donne pas un ton trop « militaro », ce qui est tout de même le gros travers possible de cette approche (et qui donne les habits de type warcore).
Tout cela est entièrement inaccessible de par les prix. Pourtant on ne fera pas croire que cette belle veste d’Yves Saint-Laurent ne pourrait pas être produit en masse et vendu autre chose que 2000 euros…
L’approche d’Yves Saint-Laurent est en tout cas à rebours de l’approche puisant dans le « militaire » et il faut regarder vers la techwear pour avoir un esprit plus conforme à la démarche. L’idée est simple : l’habit fait le moine, non pas dans une logique esthétique, mais dans une démarche utilitariste (isolement thermique, résistance à l’eau, poches nombreuses, respiration).
C’est ici très subtil car d’un côté c’est totalement stupide et sans âme, et donc très conforme au capitalisme. En même temps, il y a une dimension de raccrochage au réel. On est dans le direct, comme dans les vêtements de type militaire.
La marque Acronym, ultra-élitiste et se voulant confidentielle, réalise des choses très poussées, ce qui est encore une fois une sacrée preuve de la nécessité de socialiser tout cela et de rendre cela accessible. C’est à la limite du cyberpunk, Demobaza ayant franchi entièrement le pas dans un style étrange, décadent comme le capitalisme mais en même temps ample et c’est un aspect que l’Orient a largement travaillé, mais qui manque encore largement en France ou dans les pays occidentaux en général.
Le travail d’Isaora est déjà plus conventionnel.
L’une des marques historiques est C.P. Company, qui en 1988 a produit la première veste dont le prolongement forme une cagoule. Là on a une approche italienne donc forcément quelque chose de très haut niveau, assez dans l’esprit streetwear des paninari milanais des années 1980 (et qu’on retrouve chez le claviériste des Pet Shop Boys).
Ce qui aboutit à deux critiques, l’une allant avec l’autre et disqualifiant l’ensemble de l’approche, tout en soulignant qu’il faut la dépasser et profiter de ses apports. Déjà, il y a un culte du ton monochrome, parfois le kaki mais dans la techwear le noir est littéralement monopoliste. Il y a une dimension très élitiste-réactionnaire dans cette limitation.
Ce qui amène à la seconde critique : les femmes sont ostensiblement exclus de l’approche. Il est clairement montré qu’il n’y a rien pour elle, la dimension patriarcale-urbaine, limite à la Mad Max mais en mode grand bourgeois des centre-villes. C’est clairement décadent.
On peut dire en fait qu’en ce qui concerne ce phénomène, quand cela tend au streetwear c’est l’expression d’une tendance positive, alors que l’exclusivisme en est la dimension négative.