Depuis une petite phrase du ministère de la santé en novembre 2017, les magasins de vente de cannabidiol (CBD) ont explosé en France. Cela n’est pas un signe positif de l’époque. Derrière la profusion des magasins de vente de produits et de fleurs de CBD, molécule dérivée du cannabis, il y a la banalisation générale des drogues, la fuite en avant, la passivité intellectuelle…
Fin novembre 2017, le ministère de la santé affirmait que le CBD comme liquide de cigarette électronique était autorisé grâce à une « dérogation » à la législation. Il n’en fallait pas moins pour que les vendeurs de CBD s’engouffrent dans la brèche, sans que l’on sache si cette dérogation existe vraiment.
Résultat depuis 2018, les « shops » de CBD ont explosé partout en France et malgré de nombreuses perquisitions et gardes à vue, le commerce du chanvre « bien-être » continue de se développer. Cela a même permis au secteur de fonder un syndicat cette même année, le syndicat professionnel du chanvre (SPC), qui mène un travail d’assistance juridique auprès des entreprises incriminées et de lobbying auprès des parlementaires.
C’est que le secteur peut compter sur un flou juridique. Si les dispositions européennes autorisent la distribution des fleurs de chanvre à condition qu’elles contiennent moins de 0,2 % de tétrahydrocannabinol (THC), molécule psychotrope du cannabis, la législation française interdit strictement la vente des fleurs. Elle n’autorise l’utilisation des graines et des fibres qu’à la condition que la plante contiennent moins de 0,2 % de THC, et donc que les produits dérivés de la plante soit quant à eux sans aucune trace de cette substance psychotrope.
C’est dire qu’au point de vue strictement de la loi, la majorité des magasins de CBD en France sont en infraction, mais la disposition européenne leur garantie un espace de développement. D’ailleurs, c’est pour aligner la législation française sur celle européenne qu’une commission parlementaire d’information sur l’usage du cannabis est actuellement en cours au parlement.
Et vue le travail souterrain opéré par le lobby du CBD et les tribunes pro-légalisation du cannabis ces dernières années, il ne fait nul doute que les « shops » de CBD vont être autorisés par la loi dans peu de temps.
Mais alors, que cela change-t-il puisque les magasins existent déjà ? Cela fait tout bonnement sauter un verrou culturel et ce n’est pas rien. Pour l’instant, les dirigeants de magasins avancent à petit pas. Ils posent des jalons recevables par l’opinion publique. Le CBD, présenté comme une molécule de bien-être qui aiderait à se relaxer, à se détendre, passe beaucoup mieux que celui frontal de la légalisation totale du cannabis.
Mais à terme comment ne pas penser que le soit-disant inoffensif « CBD bien-être » n’entraîne pas la capitulation de l’opinion publique envers le cannabis ? Car derrière le « CBD bien-être », il y a tout de suite le cannabis thérapeutique, qui d’ailleurs forme une des principales revendications du syndicat du chanvre. Au Canada, au cannabis thérapeutique autorisé en 2016 a succédé dès 2018, la légalisation du cannabis récréatif.
Et comment peut-il en être autrement dans une société où les choses évoluent par la liberté du marché, sans aucun débat démocratique à la base ? A ce niveau, ce qui va se passer est simple. Les « shops » de CBD vont avoir un cadre légal et pouvoir diffuser encore plus librement des produits aux couleurs « fun », tournés vers les jeunes et stimulant l’imaginaire du fumeur de joint.
Comment ne pas penser à la mère de famille qui va passer devant un de ses « shops » et dont le fils va lui faire remarquer que le cannabis est légal en France ? Comment faire la différence entre le cannabis avec ou sans thc ? Les deux ont la même apparence, les deux ont la même odeur, les deux sont fumés de la même manière ! Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder quelques « produits » vendus dans des commerces actuels de CBD :
C’est de cette manière que, sur fond d’un laisser-aller généralisé, nous allons vivre dans les prochaines années la lente imposition du cannabis par la libéralisation commerciale, ce qui relève de tout sauf d’un débat démocratique et populaire. A moins que la brutalité de la crise économique soit l’électrochoc dans la classe ouvrière lui permettant de balayer les prétentions des semeurs d’illusions anti-luttes des classes…