Depuis la base aérienne 701 de Salon-de-Provence, la ministre des Armées Florence Parly a officialisé la nouvelle appellation de l’armée de l’air en y ajoutant « l’espace ». Le discours guerrier est assumé pour faire du spatial un des grands enjeu de l’affrontement entre grandes puissances.
Le changement de nom de l’armée de l’air pour devenir l’armée de l’air et de l’espace n’a pas fait grand bruit. C’est pourtant un changement d’une importance fondamentale, marquant un tournant majeur. Bien qu’elle ne soit pas encore inscrite dans la loi, cette nouvelle appellation a été officialisée vendredi 24 juillet 2020 par Florence Parly devant les élèves officiers de l’École de l’air.
Les futurs officiers se verront dorénavant dispenser une formation poussée dans le domaine spatial, au même titre que pour l’aérien terrestre.
Dans une entretien au quotidien La Provence, la ministre des Armées a présenté son projet en assumant totalement la militarisation de espace, effaçant toute approche civile de la question spatiale :
« L’espace est d’abord vu comme un environnement dans lequel la science a vocation à progresser ; moins comme un milieu de confrontation éventuelle. Or c’est ce passage d’une vision d’un espace « bien commun », au service de la science, à un espace dans lequel les puissances continuent de se disputer la suprématie mondiale, qu’il nous faut désormais prendre en compte. »
Preuve de cela, c’est à Toulouse que sera localisé le futur siège grand commandement de l’espace de l’armée :
« nous avons décidé de le localiser à Toulouse car c’est le cœur battant du spatial français et c’est là que nos officiers de l’armée de l’air se forment au pilotage des satellites, auprès des opérateurs du CNES. »
Le CNES, c’est le Centre national d’études spatiales, qui est avec l’Agence spatiale européenne dont il est partie prenante, un l’équivalent de la NASA américaine. Sa visée est normalement scientifique, bien qu’il ait toujours été associé au militaire. Il dépend d’ailleurs à la fois du ministère de la Recherche et de celui des Armées, mais pas du tout de celui de l’écologie, alors que cette approche devrait être sa principale préoccupation à notre époque.
Officiellement, la question militaire est secondaire pour le CNES, ne représentant que 12 % de son budget en 2018. En pratique, cela est de moins en vrai et déjà en 2010 la France se dotait d’un commandement interarmées de l’espace collaborant directement avec le CNES. Les choses vont donc de plus en plus loin et la France va même plus loin que les État-Unis qui se sont dotés en décembre 2019 d’une « US Space Force » au sein de l’« US Air Force ».
Bien sûr, la France prétendra toujours avoir le bon rôle, ne faire que s’aligner sur les enjeux mondiaux, etc. Cette fois, le prétexte viendrait de la Russie et d’un acte hostile en 2017 contre un satellite français. Tout récemment, la Grande-Bretagne et les État-Unis dénonçaient également un tel acte à leur encontre. En tous cas, la France assume ouvertement de gonfler les muscles et de bomber le torse, dans une course en avant militariste. S’il faut aller à la guerre, la ministre des Armée s’y prépare allègrement, avec un discours qui fera froid dans le dos à tout pacifiste :
« Le but est de faire savoir aux autres puissances spatiales que nous avons des yeux, des connaissances propres. Nous disposerons bientôt de petits satellites patrouilleurs qui nous permettront de détecter, caractériser et attribuer à leurs auteurs, ce type de manœuvres inamicales. Nous avons également fait savoir très officiellement que nous nous réservions le droit de développer des moyens d’autodéfense pour nos satellites. Je souhaite que nous puissions, dans les meilleurs délais, équiper certains nos satellites de lasers de puissance, pour tenir à distance et le cas échéant, éblouir ceux qui tenteraient de s’approcher de trop près. »
Quoi que dise la ministre des Armées, dont le ministère a d’ailleurs changé de nom sous son mandat, car on parlait avant de ministère de la « Défense », son discours est agressif, militariste. Elle peut bien prétendre n’être « en aucun cas engagés dans une course aux armements », il y a pourtant là une escalade assumée.
Le budget alloué au renouvellement des satellites militaires et des radars spatiaux était de 3,6 milliards d’euros dans la loi de programmation militaire votée en 2018 : il devrait finalement être porté à 4,3 milliards d’euros. Le grand commandement de l’espace lancé en 2019 avec 200 personnes devrait en compter 500 d’ici 2025, qui seront installées dans un bâtiment de 5000 m².
L’armée française utilise de plus en plus l’espace pour ses opérations, à des fins de communication, d’observation, de positionnement de l’armement, etc. L’enjeu est majeure pour la France, qui s’assume toujours plus comme une puissance militaire, alors qu’elle devient toujours plus secondaire économiquement et politiquement dans le monde.
Le capitalisme mène à la concurrence entre des grandes puissances, qui mène directement à la guerre. Comme avant 1914, comme avant 1939, le monde se prépare à un affrontement généralisé, avec cette fois l’espace comme enjeu militaire majeur. C’est une actualité essentielle pour la Gauche, qui doit s’y opposer fermement, qui doit s’engager profondément dans le tissage d’une grande alliance des peuples du monde opposés à la guerre et à la destruction de la Terre par les grandes puissances du capitalisme.