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La lettre de démission d’un cadre du MJS et adhérent au Parti socialiste

Voici la lettre de démission d’un membre du bureau national du MJS (les Jeunes Socialistes) et adhérent au Parti socialiste, Doriann Maillet-Praud. Il explique avec des mots très durs pourquoi il quitte ces organisations, qui sont liées.

Voici la lettre de démission d’un membre du bureau national du MJS (les Jeunes Socialistes) et adhérent au Parti socialiste, Doriann Maillet-Praud. Il explique avec des mots très durs pourquoi il quitte ces organisations, qui sont liées. Bien qu’il se définisse finalement comme « centriste », on retrouvera largement dans sa critique les arguments de la Gauche historique. Il y a l’idée, au fond, que le PS est un immense gâchis, parce qu’il est rongé par l’opportunisme politique et la mollesse des convictions de beaucoup de ses membres, surtout quand ils deviennent élus.

Voici la lettre de Doriann Maillet-Praud :

« Une amie qui me connaît bien me disait il y a quelques temps « mais c’est normal que les gens ne te comprennent pas, en cinq ans tu en as fait plus que certains en tout une vie ». Sur le moment j’ai trouvé ça excessif. Et en y repensant… depuis cinq ans je suis fortement engagé. Très fortement. On peut même dire que j’ai tout donné, rognant sur mes études et ma vie privée, le tout dans une loyauté totale, autant envers mes valeurs qu’envers le parti qui, j’ai longtemps pensé, les représentait et les défendait.

L’engagement politique m’a apporté des rencontres formidables (Roxane Aksas Lundy), des amitiés durables (Baptiste Menard Guillaume Seris Damien Picot Margaux Rouchet) et des compétences incroyables. J’y ai plus appris que n’importe où ailleurs, humainement et professionnellement. Des moments de joie, de larmes et de stress. Des réalisations dont je suis fier. J’ai appris la vie en équipe, la pensée de groupe. J’y ai développé ma propre pensée en me confrontant au terrain, au contact direct des citoyens.

En ça j’ai été heureux d’être un militant socialiste.

Mais mon engagement n’a rien apporté politiquement, ni dans le concret ni dans le positionnement de mon parti ou des élus que j’ai soutenue, un parti qui aujourd’hui ne représente plus mes idées (ni quasiment aucune idée d’ailleurs). On ne peut pas être engagé aussi fortement aussi longtemps sans que cela ne porte rien.

Que mon parti préfère mettre sa confiance dans des personnes issus d’un même moule, des technocrates, plutôt que dans des profils militants et ayant essuyé les plâtres sur le terrain, connaissant la réalité du français moyen, ne peut que remettre en question mon engagement en son sein.

Il est loin le temps où le Parti socialiste formait ses militants sur le fond pour qu’ils deviennent ensuite de bons élus, sûrs de leurs valeurs. La dérive de ce dernier vient de là en grande partie, nous nous sommes coupés de la France du quotidien.

Il est loin le temps où le Parti socialiste faisait élire des enfants d’ouvriers ou de petits salariés. Parce qu’eux ne faisaient pas que parler du quotidien qu’il fallait améliorer. Ils l’avaient dans le ventre.

Nous sommes devenus une machine de reproduction sociale. Une de plus.

Le Parti socialiste est devenu un parti qui n’a plus aucune reconnaissance pour ses militants, encore moins ses jeunes.

Durand tous mes mandats partisans, notamment en tant qu’animateur national de la Fabrique du Changement, l’un des plus grand, si ce n’est le plus grand courant du MJS à l’heure actuelle, j’ai fait en sorte de garder debout la vieille maison socialiste.

En contribuant à la fondation de nouvelles fédérations jeunes socialistes et au maintien de certaines en grande difficulté, abandonnées. En faisant en sorte de former certains militants novices, abandonnés à eux-mêmes en l’absence de véritable structure partisane. Nos militants savent qu’ils ont pu compter sur moi matin et soir chaque jours de ces cinq dernières années. Je peux partir la tête haute car j’ai accompli plus que ma part de responsabilité, j’ai accompli ce qui était mon devoir envers mes camarades.

A mes camarades Jeunes Socialistes, je veux vous dire de continuer à vous battre pour vos idéaux, mais ne considérer jamais le parti ou un mandat comme une finalité. Ils ne sont que des moyens.

Membre du bureau national des Jeunes Socialistes et adhérent au Parti socialiste, j’ai décidé après mûre réflexion de démissionner de mes engagements politiques.

Je ne peux appartenir à un parti qui n’entrevoit sa politique que par le prisme du meilleur moyen de se faire élire ou par le biais des citadins de centre ville, ces personnes qui sont déjà parmi les plus favorisées du pays, plutôt que par celui d’un véritable projet de société fondé sur des valeurs républicaines et sociales, en lien direct avec la réalité du quotidien.

En réfléchissant sur les raisons de mon engagement ( la défense des territoires, la laïcité, les droits humains, la démocratie, l’amélioration des conditions de vie, en somme les valeurs de la République), j’estime que ce n’est plus au sein du Parti socialiste qu’est ma place.

Parce que l’on ne s’engage pas en politique pour une course folle vers le pouvoir mais pour défendre des valeurs, parce que lorsque l’on s’engage en politique il n’y a qu’à nos valeurs et nos idéaux que nous devons être fidèles.

Après toutes ces années j’en viens à la conclusion que si je souhaite toujours être engagé en politique, le monde politique français tel qu’il est à l’heure actuelle n’est pas fait pour moi. Ma vision de la politique repose sur le dialogue, la juste représentation des citoyens et la recherche de consensus fort. Le jeu politique français a comme règle de chercher à écraser l’ennemi. On ne cherche pas, ou trop peu, le meilleur pour le collectif, on cherche le meilleur pour un camp, en opposition systématique avec un autre.

Si mes idées et valeurs politiques sont bien de gauche ma méthode est résolument centriste. Je souhaite que tout le monde prenne sa responsabilité dans les décisions, que celles ci ne soient pas réduites à des prises de guerre mais à un accord prenant chacun en compte et qui est là pour durer plus que le temps d’un mandat. Ce n’est pas toujours faisable mais nous nous devons d’essayer. C’est ça la démocratie.

Parce que j’en vois trop rester par opportunité, je décide de partir par conviction. »