La plateforme de vidéos à la demande (VOD) « zone300 » a lancé une campagne de publicité dans les grandes villes, pour ce qui se veut un « Netflix de la chasse ». Il y a là une contradiction intenable pour la chasse, qui d’un côté cherche à se moderniser pour ne pas disparaître, alors que de l’autre elle n’existe que comme « tradition », c’est-à-dire en fait comme un vestige du passé.
Composée d’une douzaine de personnes professionnelles de l’audiovisuel, « zone300 » vise à souder la communauté des chasseurs et des pêcheurs autour de « l’ éthique et de l’esthétique de nos trois passions » (la « chasse sous-marine », étant la troisième « passion »…)
On y retrouve ainsi toutes les semaines des vidéos tournées par des professionnels des « trois chasses », et l’on peut même y envoyer ses propres vidéos amateurs et recevoir un montage gratuit à montrer à son entourage.
C’est tout le monde de la chasse, des entreprises d’équipementiers au simple chasseur en passant par les revues spécialisées, qui sont tournés vers un but : s’unir pour défendre non pas un simple « loisir », mais un style de vie fondé sur l’ « instinct » et la « prédation » animale. Ce n’est pas pour rien qu’on retrouve même des « tutos » pour apprendre à cuisiner « ses prises » de chasse.
Le problème, c’est que tout cela est franchement dépassé. La France est bel et bien sortie du 20e siècle et les campagnes se sont largement modernisées depuis les années 1990. Cela fait bien longtemps que les chasseurs n’étaient pas appréciés, y compris dans les campagnes. Mais en 2020, ils sont ouvertement décriés. Leurs pires pratiques sont même dénoncées sur la place publique, comme les immondes élevages d’oiseaux pour la chasse, le nourrissage des sangliers, l’horrible chasse à la glu, que le gouvernement vient de suspendre sous la pression, la très féodale et aristocratique chasse à courre, etc.
Il y a là quelque chose de nouveau qui fait que la chasse n’est plus seulement « pas approuvée », mais ouvertement critiquée, avec de nombreuses personnes voulant l’interdire, ou en tous cas la faire reculer le plus possible.
Face à cela, le monde de la chasse réagit, en prétendant être dans l’air du temps. C’est le sens de la campagne publicitaire de « zone300 », qui s’affiche jusque dans le métro parisien. À l’affiche, il y a Johanna Clermont, cette grande bourgeoise étalant sa richesse et son mode de vie sur les réseaux sociaux, promouvant systématiquement la chasse et posant devant des « trophées » d’animaux assassinés.
Étudiante en droit à Perpignan, elle a été recrutée il y a quelques années par l’entreprise de chasse Browning Europe pour être son ambassadrice. Suivie par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux, protagoniste d’une série disponible sur « zone300 », Johanna Clermont est ici l’outil de communication des « beaufs » de la chasse.
Le problème, c’est que ces mêmes « beaufs » la rejettent. Ces derniers se veulent attachés à la vie « authentique », au style « à l’ancienne », figés dans un monde dont les traditions sont révolues. Mais ce « monde », cette vision du monde plutôt, n’est plus possible en France. La popularité du sketch des Inconnus diffusé en 1991 annonçait déjà la mort culturelle des chasseurs.
Il n’y a donc plus que deux options pour les chasseurs.
Soit arrêter d’être « beauf » justement, et rejoindre le camp démocratique. Cela signifie poser le fusil et découvrir la nature des campagnes autrement, en se mettant réellement à son service. Avec un appareil photo pour un rapport non assassin avec les animaux par exemple (et naturellement sans les déranger), et finalement mieux les connaître, les apprécier, et apprendre à habiter la campagne avec eux.
Soit assumer la beauferie, ce qui à notre époque revient à se mettre à la botte d’une partie de la grande bourgeoisie, qui avec un style post-aristocratique se donne une raison d’être grâce à la chasse. La chasse n’est plus dans ce cas qu’une fascination pour la mort, la domination et la destruction.
« zone300 » représente précisément cette classe sociale et cette vision de la chasse. Tout comme Willy Schraen d’ailleurs, le président de la Fédération nationale des chasseurs, qui déclarait ce lundi 24 août sur le plateau de BFMTV :
« la quête de l’animal, effectivement le fait de le tuer, le fait de le manger, dans un cadre raisonnable et bien clair et bien structuré, oui il y a une notion de plaisir »
« Zone300 », c’est le reflet de l’isolement de la chasse, de son repli sur elle-mêmes face à une opinion publique réclamant sa mise au pas. En prétendant être moderne, la chasse assume maintenant ce qu’elle est vraiment : non pas une « tradition » au sens strict, mais une véritable barbarie.