Lutte Ouvrière fait un exposé sur la chasse, mais repousse le problème à après la révolution.
Dans son organe théorique Lutte de classe, du mois de novembre 2020, Lutte Ouvrière aborde une question très importante, celle de la chasse. L’article, très documenté, est intitulé « La chasse, son business, les chasseurs et leur défense de la nature ». Il fournit de nombreuses informations intéressantes sur la chasse depuis 1789 et donc il vaut le détour.
Il est par contre incompréhensible dans son positionnement. On a en effet ici un exemple de contorsion typique de la Gauche rejetant la vie quotidienne. Le ton est toujours le même : il y a de la vérité de part et d’autre, tout est mal fait, ce n’est qu’après la révolution que etc.
Cela n’a évidemment aucun sens, comme le révèle ce court extrait, qui est trompeur car le document de Lutte Ouvrière est le fruit d’un vrai travail, mais enfin il faut quand même une vision du monde. On lit ainsi :
« Concernant la chasse, la question n’est pas d’en être partisan ou adversaire, de même qu’il est stupide de se positionner, comme le font les porte-parole de l’écologie politique, en défenseurs de la nature en l’opposant aux activités humaines.
Comme l’écrivait Engels, « nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger ».
Et il ajoutait, en citant plusieurs exemples des conséquences désastreuses du mode de production capitaliste sur l’environnement : « Ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature, elle se venge sur nous de chacune d’elles. » (Dialectique de la nature, 1883). »
Intellectuellement, déjà, il est absurde pour des trotskistes de citer la « Dialectique de la nature », œuvre dont le concept élémentaire est à la base de l’approche du marxisme propre à l’URSS de Staline dans son interprétation de Lénine. Mais surtout la citation semble dire le contraire de ce que dit Lutte Ouvrière, car plutôt que de considérer que la chasse n’a pas d’impact sur la nature si forte, on peut très bien en déduire à l’inverse que la chasse est une prétention humaine qui va très mal terminer.
D’ailleurs, en cette période de pandémie, il est fort regrettable de ne pas aborder cette question des animaux sauvages pour chassés, sans parler des questions sautant aux yeux de l’humanité actuelle, mais apparemment pas de Lutte Ouvrière : la question de la valeur en soi de la vie sauvage, des forêts, etc.
De toutes manières, au-delà même de toutes ces questions, il y a celle de la dénonciation des beaufs, en bref de la vie quotidienne, et cela Lutte Ouvrière n’en veut pas. Pour elle, toute réponse est faussée car le capitalisme contamine tout. Il faudrait donc analyser les choses de manière neutre et se tourner vers la seule question, celle de la révolution.
Mais qu’est-ce que la révolution si ce n’est le fruit des contradictions d’une société ? Et comment peut-on être de Gauche sans considérer que le refus de la chasse est justement le produit d’une contradiction entre le passé et l’avenir ?
Lutte Ouvrière refuse d’être partisan, au nom d’une position « objective » qui n’existe pas, qui est une négation de l’existence de la société, des Français, de l’existence de ceux-ci dans leur rapport à la réalité, notamment naturelle. Exister, c’est forcément être partisan, parce que le moindre acte s’inscrit dans des rapports, positifs ou destructeurs. En refusant de prendre partie Lutte Ouvrière s’exonère d’une analyse des rapports dans la vie quotidienne… C’est une grossière erreur.