Stanislas Kraland est un journaliste français dont le premier livre a été publié récemment (mai 2018) : « L’expérience alimentaire ». Il a exposé ses motivations et son parcours dans des articles et des vidéos du Huffington Post.
Le parcours se résume facilement. L’auteur avait une certaine sensibilité envers les animaux et est devenu végétarien puis il a cherché à passer le cap du véganisme – sans jamais y arriver puisqu’il dit dans ses vidéos qu’il n’a jamais arrêté les produits laitiers. Cette transition lui aurait causé de nombreux problèmes sur le plan physique et sur le plan psychologique. Il s’est donc remis à manger de la viande.
Stanislas Kraland se veut démocratique. Il souhaite engager le débat sur le véganisme et les risques qui y seraient liés, selon lui. Son but : que personne ne blâme personne, et qu’une discussion calme se construise. Les vegans ne devraient pas critiquer son retour en arrière car l’auteur n’a rien contre les vegans.
Les problèmes soulevés sont-ils de vrais problèmes ?
L’auteur évoque des problèmes physiques comme des « fringales de sucre », « chute de masse musculaire », des troubles au niveau de certaines articulations, tendinites, « crise de sciatique extrêmement aiguë », « sursautements de membres » en position allongée, une hypersensibilité auditive (son oreille « ne supportait plus le bruit d’une cuillère qui tombait par terre »). Il pensait que devenir vegan aurait forcément un impact positif sur sa santé, il n’a donc pas cherché à établir un lien immédiatement.
Voici pour la présentation des problèmes physiques. Intéressons, aux plus gros problèmes rencontrés : ceux psychologiques. Essayer de devenir vegan aurait plongé l’auteur dans un état dépressif. Pour preuve : il est allé voir en psychiatre qui lui a prescrit des anti-dépresseurs.
On apprend donc qu’il a commencé à se dire « je n’aime pas cette planète », « je n’aime pas ce monde », « je n’aime pas cette société », « je n’aime pas mon travail », « je n’aime pas ma famille ». La raison de tous ces maux ? Le changement d’alimentation, encore une fois.
Les premiers problèmes décrits ont encore un minimum de poids avant qu’on en arrive à l’étape de la dépressions. Comment accorder de la crédibilité au témoignage d’une personne vivant dans un monde merveilleux de bisounours et qui, en réalisant que l’humanité se comporte d’une manière barbare envers la planète (déforestations, réchauffement climatique, pollution, blanchiment de coraux, etc.) et les animaux (abattoirs, tests sur les animaux, chasse à courre, etc.), tombe de haut et commence à déprimer ?
Le problème ici est que tout cela est du ressenti et que cette personne a abandonné des principes qu’elle avait voulu défendre (très très modérément puisqu’elle n’a jamais été vegan). Impossible de faire la part entre l’exagération, le somatisation, et la vérité. Ajoutons à cela d’éventuels mensonges par omission et nous nous retrouvons dans un débat sans fin.
Cependant, une chose transparaît clairement : cette personne cherche à tout pris à justifier son revirement. On apprend même que sa dépression serait due à une carence en tryptophane, un acide aminé qui serait moins disponible dans les végétaux. Il est tout de même étonnant de voir le nombre de personnes vegan depuis dix ou quinze ans, ou plus, qui n’ont pas ce genre de trouble… On nous répondra que chacun est très différent, que certaines personnes peuvent être vegan et d’autres non, etc. Encore une discussion sans fin.
Ego et psychodrame contre morale et démocratie
S’il est impossible d’affirmer quoi que ce soit avec une certitude inébranlable concernant les symptômes décrits, il est revanche très simple de juger la démarche de la personne.
Cette personne dit qu’être vegan a été une des expériences les plus difficile de sa vie dans une vidéo, tout en reconnaissant… qu’elle a continué à consommer des produits laitiers. Elle n’a donc jamais été vegan.
Cette personne se veut démocratique et veut aider les gens à prendre conscience des risques à devenir vegan. Elle veut que chacun fasse des choix de manière éclairée et amener tout le monde à reconnaître que tout le monde ne peut pas devenir vegan – en raison des risques encourus.
Pourtant dans aucune de ses deux vidéos, il n’est fait mention de visites médicales, de prises de sang, de tentatives sérieuses pour comprendre d’où provenaient ses problèmes. Nous n’avons le droit qu’a des ressentis. Si tout ce que l’auteur décrit est vraiment lié à une alimentation végétalienne et qu’il était vraiment sincère, il aurait évoqué ses consultations, il aurait demandé si de l’aide pour savoir si d’autres personnes avaient les mêmes problèmes, et si oui, comment les surmonter.
Si cette personne avait un minimum de sincérité, elle ne profiterait pas des problèmes liés, encore une fois selon l’auteur, à une alimentation « quasi-végétalienne » pour vendre son livre.
Nous avons donc une personne qui a été vegan-mais-pas-vraiment-au-final, qui veut informer mais ne donne aucune information utile et qui profite de toute cette histoire pour mettre en avant son égo. On retrouve malheureusement la démarche insupportable de chez certains journalistes, doublé d’un niveau de conscience politique ras-les-pâquerettes, et d’un esprit carriériste étranger à toute l’histoire de la social-démocratie et du mouvement ouvrier.
Devenir vraiment vegan
Le véganisme est devenue une mode ces dernières années, tout particulièrement dans les centre des grandes villes comme Paris. De plus en plus de personnes le deviennent, mais qui dit mode dit égo et superficialité. Et cela se vérifie avec des personnes comme Stanislas Kraland.
Il n’est pas le premier à arrêter et faire une vidéo publique pour expliquer ses raisons. La santé est un argument massue dont bon nombres d’ex-vegan ont abusé pour justifier leur capitulation.
Pourtant, le véganisme porte quelque chose de fort et il est évident qu’une société socialiste ne peut que devenir vegan. L’humaniste Thomas Moore dans son Utopie, avait relégué l’abattage à l’extérieur de sa cité. Ce travail était même réservé aux esclaves, jugé disgracieux pour ces citoyens. Et quelques siècles plus tard, le végétarisme était un thème mis en avant au sein du mouvement ouvrier. Il est évident que tout notre rapport à la Nature et aux animaux doit changer.
Le véganisme va dans le sens de l’histoire, mais des personnes comme Stanislas Kraland préfèrent se cramponner au faible prestige que leur offre notre époque. Ces personnes veulent avoir l’air bien, elles pensent faire bien… jusqu’à ce qu’elles craquent, lorsqu’elles en ont marre de sacrifier quelques petits moments de confort. A ce moment-là arrive l’excuse de la santé: « ce n’est pas de ma faute, c’est mon corps ».
Arrêter est une chose, arrêter après avoir critiqué l’exploitation animale pendant des animaux en est autre. Et le faire, en plus, en se mettant en avant est immonde.
Stanislas Kraland est devenu un argument supplémentaires des anti-vegan. Il est devenu un allier objectif des boucheries, des éleveurs, et de toutes les personnes qui tuent et exploitent des animaux : « vous voyez, l’humanité ne pas devenir vegan ». Il n’est que l’expression d’une tendance de fond, d’une vague qui refuse d’aller de l’avant et se tourner vers la planète et les animaux.