Yves Boisset est un réalisateur français ayant principalement œuvré pour le cinéma dans les années 1970 et 1980 avant de se tourner vers la télévision.
La plupart de ses films sont ouvertement engagé à gauche, bien ancré dans les thèmes de l’époque : la violence de la police avec Un condé (1970), L’Attentat (1972) qui s’inspire de l’assassinat de Mehdi Ben Barka, la guerre d’Algérie dans R.A.S. (1973) ou encore le racisme qui traverse beaucoup de ses films et qui est le thème central de Dupont Lajoie (1975).
Il lui a parfois été reproché de manquer de finesse dans son propos politique, souvent ouvertement explicité par des dialogues ou des séquences, qui peuvent parfois donner l’impression d’être jeté à la figure du spectateur, et pouvant le faire sortir du film par un aspect un peu trop forcé.
Sur ce point ci Folle à tuer est surement un de ses films les plus subtiles.
Adaptation d’un roman de Jean-Patrick Manchette, Marlène Joubert y incarne une jeune femme qui sort d’un établissement psychiatrique pour être embauché en tant que gouvernante du neveu d’un riche industriel, et qui vont se retrouver tout les deux traqués par des tueurs.
La folie est un thème important du film, comme il l’était au sein de la gauche dans les années 1970 avec des mouvements “anti-psy”. Sans aller jusque là, Yves Boisset met superbement en scène cette société dans laquelle survivre sans devenir fou, sans se faire broyer ou corrompre par le système, est extrêmement difficile.
Ainsi le personnage de Marlène Joubert, Julie, est assez passionnant, puisqu’elle va être considéré tout le film comme une personne folle, déséquilibré tout au long du film alors qu’elle nous apparait bien à nous, spectateur, comme le seul personnage sain d’esprit, en fuite dans un monde totalement fou.
L’autre personnage principal du film est Thomas, le jeune garçon dont elle doit s’occuper incarné par Thomas Waintrop et qui va suivre une évolution personnelle et dans sa relation avec Julie, débutant en enfant totalement délaissé au milieu d’une profusion de jouets et d’images télévisuelles.
Il est d’ailleurs à noter la justesse de jeu pour un si jeune acteur dans un rôle compliqué.
Et si c’est deux personnages parviennent un temps à fuir tout un système qui leur courre après pour les détruire, c’est ensemble, en s’entraidant et en évoluant ensemble.
La production du film est franco-italienne et cela se ressent. Par la présence au casting de Tomás Milián, acteur cubain qui a joué dans de nombreux films de genre italien, principalement des westerns et des poliziotteschi (des polars typiques des “années de plomb”). Mais aussi par son approche de la mise en scène et la violence de la première moitié du film qui rappelle justement ces polars italiens.
Yves Boisset a également filmé un autre type de fuite dans son film Le prix du danger.
Le nom du film vient de l’émission de télévision qui organise la traque d’un homme qui doit échapper à cinq tueurs lancés à ses trousses. S’il survit et qu’il arrive à rejoindre un lieu secret, il remporte un million de dollars.
Ce scénario, adapté d’une nouvelle du même nom écrite par Robert Sheckley et publié en 1958 rappelle, celui plus connu, de Stephen King, Running Man, paru en 1982 et adapté en film en 1987.
D’autres films ont déjà porté un regard critique sur la télévision, on peut penser à Un homme dans la foule (1957) de Elia Kazan, à Network (1978) de Sidney Lumet ou encore à La mort en direct (1980) de Bertrand Tavernier, dans lesquels Yves Boisset va puiser.
Et il aura lui-même de l’influence sur d’autres films. Le présentateur de l’émission, incarné par Michel Piccoli, peut ainsi faire penser au présentateur de Hunger Games. On retrouve le même style grossier, quasi grotesque jusque dans la coiffure, et le ton profondément cynique se prétendant du côté du candidat qui court à sa perte.
Mais les dérives du système télévisuel n’est pas le seul thème du film.
Il est aussi question de la corruption des esprits, avec le personnage principal interprété par Gérard Lanvin qui est prêt à tout pour s’extraire de sa condition de prolétaire, pour se lancer dans cette quête de réussite individuel à tout prix.
Et il y a la question de la violence, d’une certaine fascination morbide pour la mort, qui ne peut que nous renvoyer à l’époque des jeux du cirque de l’Antiquité.
Dans ce film, Yves Boisset pose un propos très frontal, quasiment provocateur.
Un dialogue allant même jusqu’à parler de la société du spectacle, Yves Boisset étant influencé par le gauchisme situationniste (dont était aussi proche Jean Patrick Manchettte, auteur du roman Folle à tuer).
Ce sont ainsi deux films intéressants à plus d’un titre, avec de vrais qualités cinématographiques, un propos plus ou moins subtile, de la part d’un important réalisateur français du film de genre engagé de l’époque.