Jean-Christophe Cambadélis est un cadre socialiste historique. Il propose une idéologie clef en main, de centre-gauche et affirme que c’est lui ou bien les libéraux et les nationalistes.
Jean-Christophe Cambadélis est connu pour être l’un des cadres socialistes les plus éprouvés, les plus politiques, alliant rigueur et opportunisme, clairvoyance et coups à trois bandes. C’est l’exemple même du cadre passé par l’extrême-gauche étudiante trotskiste, habitué aux mouvements des masses et aux coups fourrés, pour rejoindre le Parti socialiste et obtenir ainsi une stature étatique.
Pour cette raison, il a expliqué au Journal du Dimanche qu’il ne se sentait pas hors-jeu pour 2022, et c’est vrai. C’est un homme mesuré dans tous les domaines, il n’a pas perdu sa crédibilité comme François Hollande même s’il dit finalement la même chose, c’est un homme de réseaux.
Jean-Christophe Cambadélis a d’ailleurs fondé en septembre le réseau « Nouvelle Société » et le jeudi 19 novembre il a tenu une conférence de presse pour annoncer un projet de ce réseau, intitulé « La République impartiale – Mémorandum pour un républicanisme de gauche ».
Ce qu’on y trouve est une savante cuisine. Il y est dit la chose suivante : c’est nous ou bien le populisme, ou bien les libéraux. Nous sommes les seuls crédibles, ce sera nous ou un avatar français de Donald Trump, nous ou un Emmanuel Macron au libéralisme débridé.
Comme il faut rassembler, il faut être de centre-gauche : c’est la thèse des 51 % de François Hollande, pour qui la Gauche ne peut pas être majoritaire. Comme il faut être crédible, il faut se la jouer républicain dur : c’est la thèse de Manuel Valls. Comme il faut tout de même donner des gages à la Gauche, il faut parler de défendre les acquis et revendiquer l’opposition au nationalisme et à la guerre.
Comme il faut légitimer tout ce bric-à-brac, il y a la République comme concept traditionnel chez les socialistes depuis Jean Jaurès et on lit dans le mémorandum :
« La gauche, occupée à la question sociale et à l’extension des libertés individuelles a, petit à petit, délaissé la défense et l’approfondissement de la République. Elle n’a voulu voir que ses insuffisances, ses trahisons, ses limites.
Elle a pensé révolution, évolution, libération. Ce qui fut nécessaire. Mais elle a relégué la République au magasin des accessoires. Et aujourd’hui, voici la République remise en cause, attaquée de toutes parts. »
Répétons-le encore une fois : François Hollande ne peut qu’être d’accord, Manuel Valls aussi. On a du mal à penser qu’ils n’ont pas été consultés ou qu’ils ne sont pas, d’une manière ou d’une autre, de la partie. Au minimum ils convergent avec Jean-Christophe Cambadélis.
La ligne de celui-ci est très clairement radicale de gauche et évidemment on ne trouvera rien sur la classe ouvrière et le peuple, à part une dénonciation des communistes ici et des maoïstes là-bas. Pas de socialisme, pas de capitalisme, pas de bourgeoisie, pas de propriété, etc. Les concepts employés ont de ce fait un côté à la fois flou et poétique assumé : « égalité réelle », « liberté ordonné », « fraternité laïque ».
Quel est donc le message passé ici à la Gauche ? C’est, en quelque sorte : c’est nous ou le fascisme. C’est à peu près clair. Le message, c’est : vous ne parvenez rien, vous ne pouvez pas parvenir à quelque chose. Nous sommes les seuls crédibles dans le cadre d’institutions que vous n’aimez pas, mais que vous ne pouvez pas remplacer. De plus, les mouvements populaires partent dans le populisme et le nationalisme : vous devez donc défendre ces institutions pour survivre vous-mêmes.
C’est très fin, c’est très politique, c’est très Jean-Christophe Cambadélis. Mais c’est trotskiste aussi, c’est-à-dire unilatéral et calculateur, fabriqué en laboratoire. La vie est bien plus complexe que ces plans sur la comète et il est parlant que le mémorandum ne parle pas des animaux, ce qui en 2020 est aberrant. Au-delà même de son absence de « croyance » en les chances de la Gauche historique, cette absence en dit long sur un certain côté hors-sol.
Si on ajoute à cela la crise et le retour politique de la classe ouvrière, alors le projet de Jean-Christophe Cambadélis apparaît comme tout à fait réaliste… et en même temps un rêve parisien coupé des réalités. La France va au conflit, c’est inévitable et aucun pompier « républicain » ne peut empêcher les contradictions de s’exprimer. L’heure de François Hollande est passé : l’heure est à l’Histoire.