Il y a des tournants dans les prises de conscience, dans les changements de conception. La Droite a compris, ces 5-6 décembre 2020, qu’il fallait se préparer à des choses très dures.
S’il est une chose très mauvaise, c’est la grande peur des possédants, des puissants. S’ils ont peur pour quelque chose de concret, cela est naturellement une bonne chose ou c’est du moins inévitable. En tout cas, il n’y a pas de surprise. Il n’en va pas de même pour une peur leur permettant d’anticiper très largement, trop largement les faits. Pour parler de manière moins cryptique : si les possédants se disent que la lutte des classes commence, avant qu’elle ait commencé, ils ont un temps d’avance. Ce qui n’est évidemment pas une bonne chose.
Or, la manifestation contre le projet de loi dite de sécurité globale du 5 décembre 2020 a provoqué chez eux un choc. Normalement, ce genre d’événements est très secondaire. Il y a une manifestation, il y a de la casse, rien de bien nouveau en France. C’était d’ailleurs la seconde manifestation, avec moitié moins de monde que la première fois (soit un peu plus de 50 000 personnes dans toute la France, dont 5 000 à Paris, avec de la casse à Paris, Toulouse, Nantes, Lyon, Dijon).
Le contexte n’est toutefois pas du tout le même. Les possédants savent que c’est la crise et on a l’impression d’ailleurs qu’ils sont les seuls à le savoir. Par conséquent, ils sont bien plus tendus que ceux pour qui rien n’a changé par rapport à il y a un an, deux ans, cinq ans. Le décalage est complet entre des manifestants protestant comme d’habitude, des anarchistes cassant comme d’habitude, et des possédants ressentant les choses tout à fait différemment désormais.
Là, les possédants, les dominants se sont dit : il y a des gens prêts à l’affrontement, la preuve 67 membres des forces de l’ordre sont blessés. Et ils se disent, donc : nous allons à la guerre civile. Pierre de Villiers, dans une interview publiée ce week-end par le Parisien, utilise ces mots-là. Et ces mots, ils sont important, car si les manifestants sont finalement des protestataires et si même quand ils cassent, ils ne veulent pas la guerre civile, les possédants ont quant à eux très peur que la lutte des classes reprenne. Ils vont donc se dire qu’il faut qu’ils se défendent, qu’il faut passer même à la contre-attaque. Ils vont assumer la guerre civile… même si elle n’est pas encore là.
Cela fait d’ailleurs des mois que la Droite se lâche de plus en plus, qu’elle est plus hargneuse, plus agressive, plus ouvertement favorable à l’élimination de la Gauche en général. Le passage à une inquiétude généralisée, assumée, était inévitable avec la crise. Et la manifestation du 5 décembre 2020, un classique manifestation symbolique ne rimant à rien au niveau de la société, a servi de détonateur pour passer un cap dans ce processus.
Le problème est très simple à comprendre. Le gouvernement fait comme si la crise est sous contrôle. C’est son rôle. Le problème, c’est qu’il est cru. Les manifestants du 5 décembre 2020 le croient. Ils se comportent donc comme ils le font d’habitude, ils ne voient pas la crise. Ils ne comprennent rien au contexte et d’ailleurs la lutte des classes leur étant étrangère, ils ne s’imaginent même pas qu’il faut prendre en compte ce que font les possédants, les dominants.
Or, que vont faire ces derniers? Eh bien déjà arroser l’extrême-Droite, en particulier les groupes activistes et provocateurs. Ensuite, préparer le terrain pour la Droite « populaire » et « sociale » en accélérant la construction des réseaux pour lancer une offensive pour rétablir l’ordre. Et que va-t-il se passer également? Eh bien il y aura forcément des gens, à l’ultra-gauche, pour prendre au sérieux les discours mythomanes des syndicalistes et anarchistes sur le grand soir. Il faut donc s’attendre à un renouveau du bombisme anarchiste.
C’est le scénario catastrophe, où la Droite prend d’assaut le pays en s’appuyant sur des syndicalistes et des anarchistes n’ayant par définition ni envergure, ni profondeur. C’est naturellement un scénario idéal pour les possédants et les dominants.