La comparaison de Johnny Hallyday avec la tour Eiffel qu’a faite Benoît Hamon est vraiment incompréhensible. Ou, plutôt, elle témoigne du fait que Benoît Hamon a sciemment fait de la démagogie.
Au détour d’une petite biographie que Libération lui consacre en 2007, on apprend que celui-ci a eu trois périodes niveau goûts musicaux :
Jeune, il n’est pas très lecture. Cela lui viendra plus tard: Primo Lévi, Gide, Gary, Cocteau, Gramsci. Il préfère la musique. Exhume trois strates datables au carbone 14. 1) Du hard rock (AC/DC, Trust). 2) De la new wave (Cure, Sisters of Mercy, encore les soeurs.) 3) Du rap. «J’écoute NTM, quand ma nana n’est pas là.»
Benoît Hamon, lorsqu’il avait gagné les primaires du Parti socialiste, avait accordé une interview au magazine Rolling Stone, présentant de manière plus poussée ses propres goûts musicaux. Le premier 45 tours qu’il a acheté était de Status Quo, puis il a écouté AC/DC, Motörhead, Saxon.
Après cette vague de son rock lourd et métallique, il est passé à la cold wave, avec Joy Division, The Cure (de la période très sombre de la fameuse trilogie) et les Sisters of mercy.
Ses goûts, ici, sont typiquement ceux des gens alternatifs au début des années 1980 : la minorité qui n’écoutait pas la musique commerciale dominante.
On se tourne alors vers le heavy metal, le punk, la cold wave, ou encore dez manière plus marginale vers le hip hop ou la musique electro-industriel.
On s’identifie à une certaine sensibilité exprimée de manière profonde, s’éloignant du caractère neutre, fade, répétitif d’une vie quotidienne dans une société morne et ennuyeuse.
C’est l’époque où, dans chaque lycée, il y avait quelques métalleux, quelques punks, quelques gothiques, tous ayant en commun de ne fréquenter que des gens pareillement tournés vers des musiques non commerciales.
Il y avait un besoin de distinction avec les normes dominantes. Benoît Hamon le revendiquait par ailleurs lui-même dans l’interview :
A ce propos, quand vous sortiez à Brest pour écouter de la bonne musique, c’était où votre QG ?
On allait tous au Mélo. Cette boite était le point de rendez-vous pour tous les amateurs de cold-wave. C’était le club rock incontournable de la ville. Au moins, là-bas on savait qu’on n’allait pas se retrouver encerclé par Michel Sardou ou François Valéry, la programmation musicale affichait clairement les couleurs.
« Encerclé » est un mot tout à fait bien choisi. Trouver un endroit où passait de la musique alternative, c’était briser l’encerclement de la ringardise, du consensus comme quoi dans la société tout est bien, tout va bien, etc.
Comment peut-il alors en arriver à Johnny Hallyday ? Dans la même interview, quand on lui la poste la question du rock français, il nomme les groupes Téléphone, Bijou, Starshooter, Noir désir. Il mentionne également Miossec.
Il ne parle pas de Johnny Hallyday. Si c’était une référence digne, en termes de référence, de comparaison avec la tour Eiffel, pourquoi ne pas le nommer ?
Dans une autre interview, il cite comme référence Trust, raconte qu’il appréciait (un peu) les Béruriers noirs et explique qu’il écoutait également les Stray cats, un groupe de rockabilly – psycho.
Il nomme également plusieurs groupes de New wave montrant qu’il s’y connaît au moins plutôt pas mal : Public Image Limited, Killing Joke, UltraVox, Depeche Mode, Talk Talk, Lords of the New Church.
Les gens qui écoutent ce genre de groupes ont deux caractéristiques : d’abord, le niveau musical est très poussé, ensuite c’est souvent une musique qui « rippe », qui a des sons perturbés, qui cherche à se démarquer musicalement des sons « traditionnels », pour souligner la rupture avec le consensus musical dominant et la société qui va avec.
Jamais ils n’écouteraient Johnny Hallyday ! Ce dernier recevait soit une indifférence complète, soit un mépris assumé. Johnny Hallyday, tout le monde savait qu’il se présentait comme un passeur de rêve et de sentiments, mais c’était juste symbolique, sans réelle profondeur, que c’était de la variété.
Joy Division ou les Smiths, par contre, voilà qui musicalement et sur le plan du vécu, représentait bien autre chose…
Benoît Hamon le sait très bien et a adopté la posture du démagogue en comparant Johnny Hallyday à la tour Eiffel. Il s’est plié au consensus.