L’Allemagne et son satellite autrichien s’opposent à toute initiative contre la Russie.
Les vols d’avions de reconnaissance ne cessent pas autour de la Crimée et du Donbass, ainsi que les centaines de tirs d’artillerie entre les troupes ukrainiennes et celles des séparatistes du Donbass. Les initiatives continuent, comme tel ministre ukrainien disant qu’il faut que les missiles soient orientés pour « viser » les centrales nucléaires russes ou tel ou tel pays expulsant des diplomates russes (comme le 27 avril avec l’Ukraine avec le consul russe d’Odessa, la Roumanie avec un diplomate russe, etc.).
Mais l’aspect le plus important, au-delà de ce qui forme un sordide arrière-plan, c’est l’irruption de l’Allemagne dans la partie, comme grande puissance. Elle a cherché à reculer ce moment, avec la crise désormais elle n’a plus le choix. Et son affirmation a joué un grand rôle dans l’affaiblissement momentané de la crise armée se profilant en Ukraine.
L’Allemagne considère en effet que pour devenir une grande puissance, elle ne peut pas se passer ni de la France, ni de la Russie. Cela lui accorde plus de surface militaire et diplomatique, davantage de matières premières. Il s’agit de faire le poids, à terme, face à la superpuissance américaine et à son challenger chinois. L’Allemagne se verrait bien comme la Macédoine après qu’Athènes et Sparte se soient épuisés.
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, et le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, s’opposent ainsi à toute initiative venant de la part de l’Union européenne ou de l’OTAN à l’encontre de la Russie. C’est une confrontation ouverte avec les exigences américaines. Et c’est de ce fait une affirmation de grande puissance.
C’est un choix stratégique mené au plus haut niveau. Pour donner un exemple, l’ancien chancelier social-démocrate Gerhard Schröder (en poste de 1998 à 2005) a travaillé pour Gazprom et Rosneft, les deux grandes entreprises russes dans le gaz et le pétrole. Et l’Allemagne assume de se confronter aux États-Unis qui veulent empêcher la mise en place du Nord Stream 2, qui va doubler l’arrivée de gaz russe en Allemagne.
Le Nord Stream 2 est terminé à 95% mais les Américains veulent empêcher sa mise en place. Antony Blinken, secrétaire d’État américain, expliquait le 23 mars 2021 au sommet de l’OTAN que :
« Ce projet est en contradiction avec l’objectif de sécurité énergétique de l’Europe. Il risque d’affaiblir l’Ukraine et va contre les intérêts de la Pologne et d’autres alliés. »
Pour l’Allemagne, il en est hors de question. Et cela en fait une grande puissance dans le jeu sinistre de la bataille pour le repartage du monde. C’est la fin de l’Allemagne dépendante des États-Unis depuis 1945, c’est en quelque sorte un acte d’indépendance, pour les plus grands traits de son orientation. C’est plus qu’inquiétant, car cela rajoute un compétiteur dans l’affrontement général.
Et la France d’Emmanuel Macron suit en grande partie l’Allemagne, toute en suivant également les États-Unis, ce qui est intenable. Cela va provoquer une instabilité politique très forte en France, avec une bataille entre les pro-américains, les tenants du cavalier seul, les pro-allemands, les pro-russes. Cela sera sans nul doute la question centrale à l’arrière-plan de la présidentielle de 2022.