Pour évaluer ce qui se passe à Gauche, il faut voir ce qui est des animaux… s’il en est même parlé.
La question animale est apparue dès le début des années 1990 comme une question brûlante dans les milieux qu’on va appeler d’avant-garde concernant l’observation de ce qui se passe dans le capitalisme. En 2021, ce n’est même plus une question brûlante, c’est une question centrale, souvent même la question principale, comme en témoigne la crise sanitaire avec un coronavirus directement issu d’un rapport destructeur avec les animaux et la Nature.
Pourtant, l’obstination de l’humanité à s’enferrer dans la consommation capitaliste empêche encore et toujours un regard démocratique sur la condition animale. Il ne s’agit pas seulement du fait que la Droite soit hostile à toute remise en cause du rapport aux animaux. Il y a également le fait que pour certains milieux intellectuels petits-bourgeois, la question animale est un moyen de se faire-valoir, voire même de se placer au service d’un capitalisme américain moderne avec des bobos expliquant qu’il aurait désormais un « visage humain ».
Il faut ajouter à cela les religions, puisque le halal et le casher sont présentés comme des démarches qui seraient « en phase » avec la condition animale. Ce n’est évidemment pas le cas. Et il faut encore ajouter ceux qui prétendent qu’ils n’ont rien contre un changement de la condition animale, tout en faisant strictement rien, se contentant d’utiliser cela pour agrémenter des tracts ou un programme, mais sans jamais appeler à changer la vie quotidienne, à modifier sa vision du monde.
Aussi faut-il dire, et toujours plus le dire, que la condition animale est un thème essentiel, qu’elle est incontournable. Que pour évaluer quelqu’un, un groupe, un média, une organisation, il faut regarder ce qui est dit sur les animaux. Ce qui veut dire, malheureusement, déjà voir s’il est parlé des animaux. C’est là un critère fondamental, qui permet de distinguer ce qui va dans le bon sens et ce qui refuse de transformer la réalité.
Prenons Julien Coupat, très médiatisé au moment de l’affaire Tarnac et son procès, avec l’ouvrage « L’insurrection qui vient » promettant de fomenter des troubles par la constitution de groupes de révoltés. Il suffisait de savoir qu’il s’est affiché mangeant un kebab dans un squat vegan pour comprendre la nature du personnage. Ce genre de positionnement humain, ancré dans le réel, dit absolument tout.
Certains justement refusent d’admettre que la condition animale dit tout. Le rapport aux animaux serait une question secondaire, dont la nature découlerait de bien d’autres choses. Un tel raisonnement est unilatéral. Les animaux ne vivent pas en marge de la réalité, ils sont dans la réalité au même titre que les êtres humains, les arbres, l’océan, les montagnes, etc. La question sociale est fondamentale, en effet. Mais elle n’est pas hors sol. Son terrain est la réalité elle-même, c’est-à-dire la planète. Il suffit de voir comment elle est transformée ou plutôt défigurée.
Nous-mêmes nous vivons cette transformation et elle est révoltante. Qui entend se révolter contre l’anéantissement de la vie sauvage après la révolution ne la fera jamais ! On ne peut pas décaler la réalité à demain !
L’un des drames dans tout cela, c’est qu’on peut être certain que les animaux seront un thème pour Marine Le Pen et l’extrême-Droite en général pour la présidentielle de 2022. C’est déjà le cas depuis dix ans, d’ailleurs. L’extrême-Droite a compris qu’elle pouvait tirer la révolte contre l’horreur en misanthropie, en haine de l’autre. Brigitte Bardot est malheureusement exemplaire d’un tel positionnement, même si au moins elle soutient une Fondation à son nom œuvrant à la cause animale.
Et là pratiquer le véritable antifascisme ce n’est pas dénoncer une « récupération » par l’extrême-Droite de la question animale. C’est faire mieux qu’elle, car après tout l’extrême-Droite cherche à s’accaparer une cause démocratique et populaire. Alors il faut porter cette cause démocratique et populaire.
De toutes façons, il n’y a pas le choix, extrême-Droite ou pas. La condition animale est chaque jour plus dramatique, tant en France que dans le monde. Seuls les bobos allant dans les restaurants des centres-villes s’imaginent le contraire, ou les associations pratiquant un business de l’émotion pour s’intégrer au panorama d’une société indifférente et moribonde, telle L214. Pendant ce temps-là, rien ne change, les drames s’accumulent, tel à Brielles en Bretagne où le 12 mai 2021 500 truies et porcelets périssent à la suite d’un incendie.
S’imaginer qu’on a des décennies pour changer les choses est faux en pratique et de toutes façons immoral au présent. Le monde pourrait être totalement différent, il pourrait consister autre chose qu’en la consommation effrénée, le travail aliénant et bien entendu une exploitation au quotidien pour l’écrasante majorité des gens. Cet autre chose, c’est le socialisme, c’est-à-dire la bienveillance.