La réalité va rattraper les Français.
Si on regarde le comportement de la grande majorité des gens, nous connaissons en France, fin juin 2021, une situation qu’on peut résumer par le retour à la normale. Les choses reprennent leurs cours, comme si la pandémie avait disparu, comme si les aides économiques de l’Etat auraient consisté en un argent magique, comme si l’économie avait récupéré son niveau d’avant pandémie.
En même temps, tout le monde s’aperçoit bien que quelque chose ne va pas. Il y a quelque chose de vide dans l’atmosphère, comme un manque de substance. Il y a un manque de motivation ; si les soirées s’affirment, la consommation générale ne suit pas, il y a quelque chose qui cloche. L’abstention massive aux élections régionales relève de cette ambiance étrange.
Tout cela est, vu de l’intérieur, incompréhensible. Cependant, tout cela sera particulièrement clair vu d’ici quelques semaines, quelques mois, quelques années. Il y a ici deux options et deux options seulement.
Soit le capitalisme est parvenu à surmonter sa crise et tout est redevenu comme avant. C’est ce que pensent les syndicats, l’ultra-gauche, les partis politiques en général, qui considèrent qu’on redémarre là où on s’était arrêté.
Si cela est vrai, alors c’est simplement que le capitalisme a tout asséché, que les mentalités sont aliénées, que les gens acceptent de consommer, de « choisir » une identité (religieuse, de « genre », « raciale », etc.), bref que tous les individus ont été atomisés, que tous les tissus sociaux ont été déchirés.
Soit le capitalisme fait face à une sorte de cul-de-sac et les gens se comportent comme dans un cul-de-sac, en étant désorientés, en cherchant une voie tout de même, en faisant une halte et en regardant s’il y a un passage possible quelque part. Comme tout cela se fait au niveau individuel, de manière isolée et individualiste, cela aboutit à une indifférence complète pour les questions collectives.
Si cela est vrai, alors on fait face à une nouvelle mentalité, celle des gens brisés par la crise. C’est d’ailleurs quelque chose qu’il semble qu’on peut remarquer chez les adolescents. Le confinement, l’inquiétude sanitaire, l’atmosphère de crise… tout cela les a profondément marqués et les a d’autant plus amenés à se replier sur eux-mêmes, à être dans l’expectative.
Dans quelques semaines, dans quelques mois, dans quelques années… il sera facile de voir ce qu’il en est. Cela ne veut pas dire que cela rende les choses plus simples. Si le capitalisme a surmonté la crise, alors l’aliénation sera telle qu’il faudra trouver de nouvelles voies, dans une société atomisée. Si par contre c’est la mentalité de crise qui l’a emporté, parce que le capitalisme est enferré dans la crise, alors il faut saisir les contours de cette mentalité.
On peut même résumer les choses ainsi : soit tout est comme avant, en pire, soit tout a changé, mais on ne sait pas exactement comment, surtout que le processus est encore en cours. On peut même dire qu’il sera toujours en cours jusqu’à la fin, un peu comme devait être la mentalité à la fin de Rome ou à la fin de la monarchie absolue française. La crise s’étale, la mentalité de crise s’épanche, mais tout cela avec des traits nouveaux, qui restent à saisir.
En attendant, la situation est horriblement déprimante. On peut même dire que c’est l’enfer. Tout est d’une superficialité généralisée, d’une stupidité affligeante, c’est littéralement le mépris pour la culture et la guerre à l’intelligence qui sont aux commandes de la société française.
Les Français ont basculé dans la mesquinerie petite-bourgeoise, même les bourgeois se comportent comme des petits-bourgeois qui ont les moyens, même les prolétaires se comportent comme des petits-bourgeois qui ont encore moins de moyens. Et au milieu de cela on a une vague de lumpen aux comportements erratiques, avec certains pratiquant le cannibalisme social.
D’ici quelques semaines, quelques mois, tout cela apparaîtra clairement quant à sa substance. Mais en attendant, quel enfer!