Le roman d’Orwell est iconique pour la petite-bourgeoisie.
Depuis trente ans, le roman 1984 de George Orwell est devenu une référence incontournable. Comme il vient de tomber qui plus est dans le domaine public, les rééditions se multiplient. Rappelons son contenu : des dictatures communistes contrôlent trois parties du monde et manipulent une population fanatisée, se faisant la guerre en changeant les alliances et en réécrivant l’histoire selon les besoins du jour.
C’est un ouvrage fanatiquement anti-communiste, écrit en pleine guerre froide, en 1948, et servant clairement alors la cause américaine et britannique. D’ailleurs George Orwell a travaillé pour les services secrets britanniques dans la mise en place d’un réseau de propagande anti-communiste, en aidant à la sélection des membres au moyen d’une liste.
Comme George Orwell se voulait originellement révolutionnaire, ayant participé à la guerre d’Espagne (mais dans le camp trotskiste), il a d’autant plus été mis en avant comme quelqu’un s’étant remis en cause et il a même désormais sa statue devant les bâtiments de la BBC à Londres, alors qu’on le célèbre du quotidien Le Monde à l’Éducation nationale, de la Droite aux anarchistes.
Il y a un tel matraquage qu’en fait il est pratiquement impossible de ne pas connaître cette œuvre ou de ne pas en avoir entendu parler. C’est un grand marqueur idéologique anti-collectivisme.
Et le mouvement anti-pass sanitaire est dans la droite ligne de cette posture maladive récusant tout ce qui est collectif comme relevant du « totalitaire ». Ce qui compterait, ce sont les individus, avec leurs désirs, leurs « libertés », il ne doit pas y avoir d’instance supérieure, de morale, de valeurs suprêmes.
Il faudrait vivre correctement, décemment, à son échelle ; il n’y a pas lieu de vouloir chercher une utopie.
On reconnaît le discours de Pierre-Joseph Proudhon au XIXe siècle et les chansons de Jean-Jacques Goldman dans les années 1980, et on dirait que la France n’a pas changé : elle reste un pays de petits propriétaires, de gens repliés sur leur propre vie ayant une approche désinvolte quant à ce qui ne les touche pas directement, avec un relativisme complet qualifié de « réalisme ».
C’est l’ignoble France du rêve pavillonnaire, qui est si puissante que même le mouvement punk s’y est cassé les dents dans les années 1980, basculant dans le nihilisme au lieu de la politique (contrairement à littéralement tout le reste des pays occidentaux).
On peut regarder toutes les valeurs du mouvement anti-pass sanitaire : on y retrouve ce qui est mis en avant dans 1984, véritable œuvre exprimant toute la paranoïa du petit-bourgeois coincé entre le bourgeois possédant et le prolétaire sans moyens.
On nous surveille, on veut tout nous prendre de manière masquée, il y a des complots contre nous… le petit-bourgeois, une forme permise uniquement par un capitalisme particulièrement élancé, craint de se déclasser tout en cherchant à être aussi propriétaire que le bourgeois… Alors il délire, il déraille.
Et le roman 1984 est ainsi emblématique à tous les niveaux. Parce qu’il est le symbole d’une vision du monde paranoïaque où ce qui compte c’est la petite propriété, où l’ennemi c’est le collectivisme sous toutes ses formes. On doit littéralement parler de haine anti-collective, anti-collectivisme. En période de crise sanitaire, où les exigences collectives sont d’autant plus grandes, c’est particulièrement vrai.
Cette convergence a une base sociale : la petite-bourgeoisie, sous toutes ses formes. Raison de plus d’affirmer de manière la plus claire, la plus nette, la supériorité du collectivisme et sa nécessité historique.