Le groupe britannique de Ska a réalisé une chanson emblématique en 1981.
Si dans les villes d’une certaine importance le capitalisme se développe puissamment en raison d’un marché « bobo », les villes moyennes de France se délabrent souvent, dans une atmosphère pesante. C’est un constat terrible marquant vraiment les esprits.
Il n’y a pourtant pas d’élan culturel ou plutôt contre-culturel qui en ressorte vraiment. C’est comme si la démarche nostalgique et nihiliste des gilets jaunes était la seule expression possible d’une « périphérie » forcément marginalisée. Cela reflète toute une passivité, toute une acception d’une sorte de destin forçant à la mise de côté de ceux qui ne sont pas dans les grands centres urbains et qui profitent, d’une manière ou d’une autre, d’une certaine vie culturelle.
C’est d’autant plus marquant si on regarde l’Angletere et l’Allemagne, deux pays où les villes moyennes parviennent à produire tout de même des cultures locales, voire de vraies contre-cultures. Si l’Allemagne n’a pas de réel centre urbain asphyxiant le reste du pays, l’Angleterre a Londres et malgré cela, les villes moyennes ont produit des choses marquantes, y compris lors d’un processus de déclin très avancé durant la fin des années 1970.
Il est vrai que cela s’est accompagné aussi d’une violence endémique localement, celle des skinheads, dans une perspective nihiliste. Mais ce n’était qu’un aspect de la question et justement, en 1981, le groupe de ska The Specials, de la ville de Coventry, parvint à refléter ce processus dans une chanson : Ghost Town, la ville fantôme.
La chanson eut un réel succès populaire, dans un contexte explosif: il y eut 35 émeutes urbaines en Angleterre cette année. Et en plus du succès, la chanson obtint une grande reconnaissance culturelle, devenant le symbole de l’effondrement de la vie culturelle des villes moyennes. Le groupe, relevant de la scène skinhead non raciste et engagée à gauche, dut d’ailleurs cesser son activité sous la pression du nihilisme ambiant et de la brutalité d’extrême-droite.
This town (town) is coming like a ghost town
All the clubs have been closed down
This place (town) is coming like a ghost town
Bands won’t play no more
Too much fighting on the dance floor
Cette ville (ville) devient comme une ville fantôme
Tous les clubs ont été fermés
Cet endroit (ville) devient comme une ville fantôme
Les groupes ne joueront plus
Trop de bagarres sur la piste de danse
Do you remember the good old days before the ghost town?
We danced and sang, and the music played in a de boomtown
This town (town) is coming like a ghost town
Why must the youth fight against themselves?
Vous souvenez-vous du bon vieux temps avant la ville fantôme ?
Nous avons dansé et chanté, et la musique était joué dans une ville en plein essor
Cette ville (ville) devient comme une ville fantôme
Pourquoi les jeunes doivent-ils lutter contre eux-mêmes ?
Government leaving the youth on the shelf
This place (town) is coming like a ghost town
No job to be found in this country
Can’t go on no more
The people getting angry
This town is coming like a ghost town
Le gouvernement laisse les jeunes de côté
et endroit (ville) devient comme une ville fantôme
Aucun emploi à trouver dans ce pays
Je ne peux plus continuer
Les gens deviennent en colère
Cette ville devient comme une ville fantôme
Voici également une expression moins positive de l’époque, expression justement d’une rage intériorisée, avec le classique skinhead « Coventry » de Business, de 1983. Si la démarche n’est pas raciste (une gageure dans la scène skinhead alors) et reste populaire, la chanson est comme l’ensemble des chansons de Business composée de lamentations : nous sommes incompris, la police nous en veut tout le temps, nous sommes toujours du mauvais côté quoi qu’il arrive, etc.
Il y a une réelle dignité des classes laborieuses, mais c’est enfermé sur soi-même.