La voiture est un fléau typique du siècle précédent.
Durant le 20e siècle la voiture, et son corollaire beauf qu’est la moto, ont été synonymes de modernité. C’était surtout la modernité du capitalisme, qui pouvait ainsi mieux s’étaler sur le territoire et atomiser les esprits, notamment en envoyant la classe ouvrière loin des centres urbains.
Le 21e siècle sera forcément celui d’une nouvelle modernité, socialiste, en écrasant pour de bon ce vieux modèle qu’est la circulation motorisée individuelle et toutes ses nuisances. Mais il faudra pour cela bien plus, et surtout une grande révolution des mentalités avec les classes populaires prenant cette question à bras-le-corps pour transformer radicalement les villes et les campagnes.
Ainsi, les mesures actuelles sont insuffisantes et pas vraiment appliquées. Elles sont symboliques et souvent incohérentes. Pour preuve, depuis le 30 août 2021, la mairie de Paris limite la circulation motorisée à une vitesse de 30km/h. Cela a beaucoup d’écho, car les Français adorent râler et adorent donner la parole à ceux qui râlent, surtout quand il s’agit de critiquer « Paris ».
Voilà donc un cinéma bien français, avec un bobo « écolo » adjoint à la mairie qui s’imagine avoir une heure de gloire et des automobilistes qui s’imaginent opprimés, presque meurtris.
Pourtant, la réalité parisienne ne va pas changer et la circulation des voitures et deux roues motorisés continuera ses nuisances. Celles-ci sont nombreuses : bruits, pollutions, accidents, occupation de l’espace, difficultés pour les autres circulations, incivilités…
C’est paradoxal parce qu’en pratique, 60 % des rues sont déjà limitées à 30 km/h, beaucoup de grands axes (Champs-Élysées, grands boulevards) restent à 50 km/h… À Paris, l’étude sur les déplacements en 2019 a estimé autour de 12 km/h leur vitesse moyenne.
Mais le ralentissement voulu dans un esprit bobo est le pendant de l’accélération et des incivilités d’une société remplis d’individualistes en décadence.
Il y a également une spécificité parisienne. Car la limitation de la vitesse est en tous cas une tendance en cours dans de nombreuses grandes villes françaises, avec deux objectifs affichés : limiter la pollution et améliorer la sécurité routière. C’est le cas pour 200 villes telles Montpellier, Nantes, Grenoble ou encore Toulouse. Cela n’est pas une mauvaise chose évidemment, et il peut sembler qu’il y ait des effets concrètement positifs.
Ainsi, à Grenoble, après trois ans de mise en place, une étude du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) a déterminé une baisse des accidents sur les piétons de 24 %, avec aussi une diminution de leur gravité et du nombre d’hospitalisations.
Sauf qu’à Paris, l’objectif est surtout une lecture grand bourgeoise visant à la piétonnisation du centre-ville et de zones toujours plus grandes: c’est l’expression du Paris comme Disneyland se mettant en place depuis plus de dix ans.
Il y a également un problème de fond en général. Car la question est surtout culturelle, il ne s’agit pas tant de mettre en place des règles que d’avoir les moyens (policiers, légaux, sociaux-culturels), de les faire respecter.
Si l’on prend le cas de Nantes où la circulation est limitée à 30km/h dans la plupart des rues depuis maintenant un an, il est flagrant que cela n’est en réalité pas respecté et qu’il n’y a rien de mis en place pour le faire respecter. La porte-parole du collectif Ras le scoot Nantes explique ainsi :
«Dans les faits, on en est très très loin [des 30 km/h]. Les exceptions sont trop nombreuses. Et dans le centre, les zones piétonnes ne sont pas respectées par les deux-roues par manque de verbalisations».
En effet, depuis début 2021, la municipalité n’affiche que… 123 verbalisations pour excès de vitesse, alors qu’il y aurait encore selon l’aveu même d’un adjoint, 15 % des voitures roulant au-dessus de la limite. Précisons ici que l’adjoint dit « seulement 15% », sous-entendant que ce n’est pas beaucoup, alors que c’est en fait énorme.
C’est d’ailleurs la même chose que sur l’ensemble des routes. Les politiques de contrôle, notamment les radars automatiques, mais aussi l’évolution des mentalités, a fait qu’il y a une grande majorité des conducteurs respectant les limites et les règles de circulation. Mais la minorité ne le faisant pas est par contre très à l’aise, et ne rencontre que très peu de répression.
Les moyens GPS pour contourner les contrôles sont très efficaces et accessibles, et l’état n’envisage aucunement de les interdire (ce qui est pourtant très simple). Les voitures anonymes avec radars embarqués (qui seraient un moyen très efficace contre les chauffards) ne sont que 385 en France, dont seulement 83 pilotées par des sociétés privées dédiées à cela, qui le font 6 heures par jour.
De la même manière en ce qui concerne Paris, il n’y a que 5 radars fixes de détection de la vitesse dans toute la ville. Alors il faut mettre des moyens, et surtout combattre culturellement toute l’idéologie beauf, arriéré, qui va avec la défense absolue de l’automobile et des motos.
Il faut ici citer les propos grotesques de Jean-Marc Belotti, le président de la Fédération française des motards en colère, dont la mauvaise foi est assez incroyable : «C’est n’importe quoi, en moto, quand on est à 30 km/h, nous sommes en première, et c’est un régime qui est tout sauf écolo!»
Les motards ont dans le même ordre d’idée réussi à stopper la mise en place d’un contrôle technique des motos. C’est conforme à l’époque : il y a les exigences de cesser le règne fou de la voiture (et des motos), mais de l’autre il y a les automobilistes (et les motards qui font obstacle…