Les antifascistes allemands ne se laissent pas distancer.
A rebours d’une ultra-gauche française ayant choisi de manifester avec les anti-pass, la gauche radicale allemande maintient des fondamentaux en termes de contenu. Il est vrai que la situation est différente puisqu’il y a eu en Allemagne un mouvement anti-mesures et anti-vax multipliant dès le début de la pandémie les initiatives, porté par l’extrême-Droite (comme en France par la suite), la scène antifasciste organisant des contre-rassemblements, par exemple à vélo.
Il y a également une extrême-Droite activiste bien plus virulente et c’est ce qui a amené la manifestation antifasciste du 18 septembre 2021, à Leipzig. A la suite de la chute du mur de Berlin, cette ville s’est ajouté à Berlin et Hambourg comme bastion de la gauche radicale. La manifestation s’est d’ailleurs terminé dans le quartier de Connewitz, bastion de ce qu’on peut appeler la scène post « autonome » allemande.
On trouve à l’origine de la manifestation l’extrême-agressivité policière contre la gauche radicale à Leipzig, avec même une « soko linx », commission spéciale pour la gauche (qui se dit « links » en allemand et s’écrit parfois de manière argotique « linx » à l’extrême-Gauche) multipliant les arrestations, perquisitions, surveillances, etc. Ces enquêteurs anti-gauche radicale sont directement liés à l’extrême-Droite, qui leur fournit même des dossiers sur des militants de la Gauche. Cela rend la situation particulièrement explosive à Leipzig, avec d’importantes confrontations de part et d’autre.
C’est dans ce cadre qu’a été arrêtée Lina, une étudiante accusée d’attaques violente contre des activistes d’extrême-Droite. La manifestation, dont voici la vidéo (on voit bien le cortège à partir de la 22e minute), était en solidarité avec elle. Elle a rassemblé 4 000 personnes.
L’initiative se déroule avant le procès de Lina et les élections parlementaires. La manifestation exige la dénazification des services de sécurité allemand, la dissolution de la commission spéciale de Leipzig et la liberté pour les antifascistes.
Les allusions au marteau dans le cortège font référence au nom qu’aurait eu le groupe auquel appartenait Lina (le « groupe au marteau »). Le groupe aurait utilisé cet outil pour agresser treize activistes d’extrême-Droite entre 2018 et 2020. Lina est considérée comme la dirigeante du groupe et est en prison depuis novembre 2020, trois autres personnes étant également accusées (mais pas emprisonnées en préventive). Tous sont considérés comme ayant formé un groupe criminel (l’équivalent français de l’association de malfaiteurs). La mère de Lina était présente à la manifestation et a pris la parole.
On peut remarquer aussi des blocs assez distincts lors de la manifestation ; cela tient à des options très différentes pour la ligne antifasciste, même si l’ensemble relève de la gauche radicale allemande formant une seule scène. On peut par exemple voir sur la fin les tenants d’une ligne « dure », se cachant avec des parapluies pour se masquer et dont la banderole annonce que le responsable de la commission spéciale va terminer dans le coffre d’une voiture (allusion au chef du patronat allemand et ex nazi Hanns Martin Schleyer terminant ainsi après son enlèvement par la RAF en 1977).
La manifestation se terminant dans le quartier de Connewitz a d’ailleurs culminé avec des barricades, la police intervenant alors très brutalement, ayant été resté à l’écart jusque-là, même si un hélicoptère survolait en permanence la manifestation.
La scène allemande étant conséquente en termes numérique et culturel, il y a évidemment toute une série de produits lifestyle qui sont réalisés en soutien et pour obtenir des fonds, avec le symbole du marteau (« hammer » en allemand qui s’emploie également pour signifier « génial »).
Les différences avec la France sont flagrantes. Tout d’abord le niveau de violence est bien plus élevé en Allemagne de la part de l’extrême-Droite et les institutions penchent clairement vers celle-ci. Le niveau de tension est élevé et la répression réelle, régulière. L’Etat allemand n’hésite pas à arrêter des « politiques » et à la présenter tel quel.
C’est tout à fait différent de la France où l’Etat pratique une « désescalade » symbolique permanente, comme à Nantes où l’ultra-gauche démolit le centre-ville à chaque grande manifestation sans aucune criminalisation ni arrestation.
Il est vrai que la Gauche radicale allemande forme un bloc à part, est ainsi relativement isolée socialement, propose du contenu « sécessionniste », alors que l’ultra-gauche française a un écho réel dans la société mais se limite à « suivre » de manière violemment anti-intellectuelle les protestations en s’imaginant son aile radicale.
Autrement dit, l’ultra-gauche française est petite-bourgeoise populiste et se limite à une approche relevant des ultras du football, alors que la gauche radicale allemande est petite-bourgeoise culturelle et a un patrimoine alternatif issu des autonomes.
L’antifascisme de l’ultra-gauche française est une escroquerie jouant sur les mots (antifascisme étant ici « anti-autoritaire » en mode libéral libertaire), l’antifascisme de la gauche radicale allemande réel, pour des raisons historiques évidemment.
Ce qui est plutôt rassurant en 2021 car cela montre que les antifascistes allemands sont là, qu’ils vont tenir dans la tourmente des prochaines années. Et qu’ils vont apporter des choses dont on pourra apprendre.