La déstabilisation est massive.
C’est la première fois qu’en Europe un drone est employé dans un conflit armé. Le grand précédent a eu lieu dans le Caucase, dans le cadre de la guerre indirecte entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie en 2020, avec la seconde guerre du Haut-Karabagh entre l’Azerbaïdjan et l’Artsakh, la rébublique séparatiste arménienne. Les drones ont été décisifs pour la victoire de l’Azerbaïdjan. Par la suite ils ont été employés en Afrique du Nord, en Libye, pareillement de manière décisive pour les forces pro-turques.
Dans le cas du Donbass, il faut penser que la ligne de front ressemble à un mélange de la zone interdite autour de Tchernobyl et les tranchées de la guerre de 1914-1918. Il y a un statu quo marqué par des tirs de snipers, des tirs d’artillerie, le déploiement de mines et des opérations de déminages, le tout dans un décor plus ou moins post-apocalyptique.
L’affrontement est limité par ce qu’on appelle le protocole de Minsk du 19 septembre 2014, d’ailleurs renforcé en juillet 2020. L’emploi de certaines armes est interdit et elles sont censées se trouver à au moins 30 kilomètres. Ce n’est évidemment pas vraiment respecté. L’Ukraine a cependant franchi un cap en employant le 26 octobre 2021 un drone d’un haut niveau de technicité, un Bayraktar TB2 acheté à la Turquie, afin de bombarder un parc de chars, un obusier et un dépôt pétrolier.
L’utilisation du drone a été confirmée par le chef d’état-major de l’armée ukrainienne, Valery Zalujny, alors que le facebook de l’armée ukrainienne a même publié une vidéo de l’opération. Il n’est parlé que de l’opération contre des obusiers, à la suite de bombardements (où un soldat ukrainien a été tué et un autre blessé), le drone n’ayant officiellement « pas franchi la ligne de contact ».
La nuit précédente avait également eu lieu une démonstration de force avec des tirs de mortiers, d’artillerie, de lance-grenades sur toute la ligne de front. Il y a même eu une offensive dans la « zone grise » entre l’Ukraine et les « républiques populaires » du Donbass, l’Ukraine récupérant le village de Staromaryevka. L’OSCE qui surveille le « cessez-le-feu » depuis des années parle de 205 violations en 24 heures.
C’est là ainsi une offensive ukrainienne, avec un processus d’escalade. Pour donner l’ambiance en Ukraine, on peut penser aux propos d’Alexeï Arestovitch, représentant ukrainien au sein du groupe trilatéral sur le Donbass, expliquant que son pays travaillait à des missiles pour être en mesure d’atteindre Moscou, ou bien le décapitation d’une statut de soldat soviétique à Lviv, une ville à l’ouest du pays qui relève du bastion nationaliste ukrainien.
Il y a également, voire surtout, l’annonce prochaine de l’établissement d’une commission dédiée partenariat stratégique américano-ukrainien. C’est le ministre des affaires étrangères Dmytro Kuleba qui l’a annoncé le 27 octobre 2021, le lendemain de l’emploi du drone. Le nationalisme ukrainien et la superpuissance américaine cherchent l’escalade.
La Russie a de son côté dénoncé une violation de l’accord de Minsk, épaulée par l’Allemagne qui a fait la même accusation. C’est que la mise en place du gazoduc germano-russe Nord-Stream 2 doit bientôt entrer en fonctionnement et il s’agit de tout faire pour qu’il n’y ait pas d’obstacle à ce niveau.
C’est tout à fait une situation comme avant 1914, avec un jeu des puissances et des nationalismes, du militarisme et des vélléités impérialistes.