Elle est en phase avec le libéralisme.
Alors que l’Union européenne vient d’autoriser l’utilisation du criquet migrateur comme aliment pour les humains, il y a lieu de saisir la stratégie de l’industrie de la viande, qui a su parfaitement s’adapter à l’émergence de la contestation de la condition animale. En effet, alors que le véganisme était initialement portée par une frange marginale, isolée et contestatrice, une nouvelle génération vegan façonnée par le capitalisme a émergé, emportant tout sur son passage.
L’industrie de la viande a alors réagi conformément à la capacité du capitalisme de tout intégrer du moment qu’il y a des bénéfices possibles. Des grandes marques de viande ont commencé à produire des aliments végétaliens simili-carnés, arguant du fait qu’il faut de tout pour faire un monde et également pour neutraliser toute contestation en l’intégrant sous le grand drapeau du flexitarisme.
Le site ID a décidé d’interviewer à ce sujet Marc Pagès, directeur général d’Interbev (association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes), n’hésitant pas à dire que, tout de même, le flexitarisme consistait à l’origine en du végétarisme libéral par rapport à la viande, et non un consommateur de viande libéral consommant parfois du végétarien, voire du vegan. Mais Marc Pagès assume:
« Interbev est une interprofession qui réunit l’ensemble de la filière bovine et ovine française, qui va des éleveurs jusqu’à la boucherie artisanale et la grande distribution (…).
Actuellement, nous sommes à 300 grammes de viande hebdomadaire par personne, ce qui veut dire que les Français en consomment 2 à 3 fois par semaine. Notre objectif est justement de pousser l’information sur la viande pour faire en sorte que les citoyens soient informés sur cet équilibre alimentaire par rapport à leurs évolutions récentes de consommation, qu’ils fassent les bons choix dans leurs actes d’achat (…).
[Sur le flexitarisme] Pour nous, il s’agit de l’omnivore du XXIème siècle. C’est un consommateur éclairé et libre de manger de tout, en toute conscience. C’est vraiment cette notion de manger de manière raisonnable sur laquelle nous voulons insister. »
C’est là on ne peut plus intelligent et tout à fait en phase avec l’esprit général du véganisme commercial qui s’est totalement imposé. Non seulement il y a une sorte de tolérance générale dans les consommations, mais même au sein de celles-ci, il y a une absence de règles et de frontières. Le turbocapitalisme a permis l’affirmation d’un capitalisme vegan et, comme prolongement logique, il y a interpénétration des consommations. Ce qui est vrai ici pour le véganisme est d’ailleurs vrai pour toute « communauté », chacune influençant l’autre, tout en restant distincte, dans une sorte de gigantesque fourre-tout où le seul dénominateur commun est la consommation capitaliste.
L’industrie de la viande, un pilier du capitalisme, l’a très bien compris et a donc accompagné l’émergence du capitalisme vegan et est en train de refermer le cercueil. Un vegan, aujourd’hui, est un consommateur comme un autre, qui agit comme les autres, mais avec une variante, tout comme en religion il y a des variantes catholique romaine, catholique orthodoxe, juive, musulmane, etc.
Cela se reflète dans cette obsession simili-carnée totalement incohérente puisqu’il y a une reproduction d’un goût et d’une texture qui devraient faire naturellement horreur (mangerait-on du simili-carné d’humain?). En fait, le vegan du début des années 2020 est juste un consommateur trop traumatisé par la condition animale et se mettant de côté, mais il ne porte rien lui-même comme valeur. C’est un sous-produit du capitalisme tout comme peut l’être le zadiste ou le punk à chien, le hardcore gamer ou le petit épicier bio. En apparence, il y a quelque chose de différent, mais en pratique tout est une composante du capitalisme aux mille facettes, aux dizaines de milliers de facettes, conformément à la nature d’un système fondé sur l’accumulation ininterrompue de marchandises.
Dans un tel cadre, il faut être un consommateur strict et en même temps un citoyen libéral, surtout pas un producteur démocratique et un camarade déterminé. Et dans ce panorama sinistre, les animaux sont en première ligne dans cette défaite du véganisme, puisque leur espoir de voir leur condition modifiée s’évapore parallèlement à l’expansion des restaurants vegans et des associations intégrées dans l’opinion publique consommatrice.
C’est un drame mondial qui se joue là. Les animaux ont besoin de rigueur pour les défendre, et le capitalisme fait en sorte d’empêcher cela, en corrompant avec succès les valeurs. Cela doit changer, fondamentalement changer !