Le 15 février 2022 fut lourd de conséquences.
Alors que le chancelier allemand Olaf Scholz était à Moscou le 15 février 2022, après avoir été à Kiev la veille, le parlement russe a appelé le président russe Vladimir Poutine à reconnaître les « républiques populaires » de Donetzk et de Louhansk comme États indépendants. Cet appel direct au président permet de contourner diverses navettes entre différentes instances, notamment le ministère des affaires étrangères.
Vladimir Poutine a réagi de la manière suivante :
« La majorité des députés ont soutenu la résolution, qui a été présentée, en fait, par le parti d’opposition – le Parti Communiste de la Fédération de Russie. Je partirai du fait que nous devons tout faire pour résoudre les problèmes du Donbass, en premier lieu, sur la base des opportunités non pleinement réalisées pour la mise en œuvre des accords de Minsk. »
Il faut se rappeler que normalement, les accords de Minsk (signés par l’Ukraine et la Russie, la France et l’Allemagne) prévoient une réintégration progressive dans l’Ukraine du Donbass séparatiste, dans un cadre fédéral. Jusqu’à présent la Russie s’est toujours refusée à abandonner les accords de Minsk qu’elle a réussi à mettre en place en 2014 et qui forment un levier sur l’Ukraine.
Or, on voit ici avec ce que dit Vladimir Poutine que le discours de plus en plus officiel du côté russe est que l’Ukraine ne réalisera pas les accords de Minsk – il faut dire aussi que l’Ukraine ne s’en cache pas, sachant que la reconnaissance d’une nature fédérale à l’État ukrainien empêcherait le régime d’aller vers l’OTAN et l’Union européenne. Ce qui implique du côté russe qu’une reconnaissance du Donbass séparatiste doit, « logiquement », s’accompagner d’une intervention militaire de protection.
La seule autre possibilité est que la France et l’Allemagne aient assez de poids pour amener l’Ukraine à suivre les accords de Minsk – mais l’Ukraine est principalement un satellite américain, et les États-Unis veulent se servir de ce pays comme tête de pont dans sa conquête de l’Est allant jusqu’au bout, jusqu’à Moscou.
La Russie a d’ailleurs mené une vaste campagne de piratage informatique en Ukraine le 15 février 2022. Cela n’a bien entendu pas été revendiqué en tant que tel, mais c’est très clair. On parle ainsi de l’effondrement des sites ministériels (dont l’armée et les services secrets), ainsi que ceux des deux principales banques (Privatbank et Ochtchadbank) dont les activités ont été bloquées. Commencée au tout début d’après-midi, l’attaque de type DDOS (déni de service) s’est prolongée pendant au moins une dizaine d’heures.
Pour l’anecdote, un stream de l’agence Reuters montrant une place de Kharkiv [en fait de Kiev] a également vu plusieurs fois l’hymne russe émerger en fond sonore… On est là bien entendu dans une vaste opération à la fois technique et psychologique. D’ailleurs, officiellement, la Russie a annoncé qu’elle commençait à retirer des troupes de la frontière avec l’Ukraine, en raison de la fin des exercices. Le quotidien Le Monde indique ainsi que :
« La Russie a envoyé, mardi 15 février, les premiers signaux d’une détente dans la crise autour de l’Ukraine qui dure depuis la fin de l’année 2021. »
L’article précise bien que les occidentaux sont sceptiques, mais cela ne change rien au fait que l’ensemble des médias internationaux ont repris telle quelle cette information d’une désescalade russe n’ayant strictement aucune réalité.
Tout cela est très calculé du côté russe, tout comme le sont les différentes positions américaines et britanniques. Il y a toute une mise en place militaire et une narration orchestrée pour la justifier. Comme en 1914, chaque camp accusera l’autre d’avoir commencé.