Aucun camp ne lâche prise.
La Biélorussie et la Russie devaient terminer leurs manœuvres militaires en Biélorussie le 20 février et c’est finalement repoussé en raison de l’importante tension dans le Donbass qui sert ici de prétexte prévu ou calculé, et jouant dans tous les cas un rôle utile alors que la Russie continue d’amener troupes et matériel aux frontières ukrainiennes, rapprochant celles en place des frontières en tant que tel. Il y a ainsi près de Belgorod, à quelques kilomètres de l’Ukraine, des chars T-72 équipés de charrues anti-mines, de réservoirs supplémentaires, de protections latérales réactives… L’une des questions qui se posent ici au sujet de ces troupes se rapprochant de l’Ukraine est l’application de la lettre Z sur certaines unités, la principale théorie étant d’éviter de confondre celles-ci avec l’armée ukrainienne utilisant le même matériel.
A la menace plus que concrète, totalement réelle et formant même un processus déjà en cours, de l’invasion russe de l’Ukraine, s’associe en tout cas avec les manœuvres prolongées la menace de la participation de la Biélorussie, qui est située très proche de Kiev. Cela impliquerait une occupation d’une large partie du pays dans un tel cas de figure, ainsi qu’un possible passage par la zone d’exclusion mise en place à la suite de la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl.
On sait comment cette zone est désormais également un lieu de passage pathétique pour des touristes occidentaux écervelés, se mettant en scène de manière morbide surtout dans la ville abandonnée de Pripiat. On est là dans l’exemple même de la stupidité de gens façonnés par le 24 heures sur 24 du capitalisme et se retrouvant dans ce qui est glauque, malsain, et d’ailleurs célébré par des jeux vidéos, des films, des séries, etc. D’ailleurs, si rester sur la zone n’est pas dangereux, elle est fatale aux guides qui ne peuvent mener leur activité que 10-15 ans avant de succomber. On imagine l’impact qu’aurait des dizaines de milliers de soldats et surtout de véhicules militaires très lourds, libérant la poussière radioactive de manière massive.
De manière étrange, le président français Emmanuel Macron a eu le 20 février 2022, pendant presque deux heures, le président russe Vladimir Poutine au téléphone, qui lui a garanti que la Russie quitterait bien la Biélorussie à la fin des manœuvres. Cela ne colle pas avec la continuation des manœuvres. Il ne faut cependant pas chercher de la cohérence et il est vrai cependant que l’Élysée lui-même a présenté cet appel comme celui « de la dernière chance ». Les promesses n’engagent que ceux qui y croient et tout est dit tout le temps, y compris son contraire. C’est le sauve-qui-peut et d’ailleurs, à la suite de son appel à Vladimir Poutine, Emmanuel Macron a appelé le président américain Joe Biden, le chancelier allemand Olaf Scholz, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, puis de nouveau Vladimir Poutine!
Autre exemple d’incohérence apparente, propre à cette situation dramatique, à la conférence de Munich sur la sécurité le 19 février 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a expliqué qu’il fallait de la résolution contre la Russie et le risque d’invasion, qu’il fallait soutenir l’Ukraine contre la menace russe, qu’il fallait des sanctions préventives contre la Russie… Alors qu’en même temps lui et l’ensemble du gouvernement ukrainien expliquent qu’il n’y a aucune menace d’invasion russe à court terme, que l’armée russe n’a rien mis en place indiquant une offensive.
Le régime ukrainien dit également être sur la défensive, alors que dans les faits il y a eu les 19 et 20 février de violents et toujours plus nombreux bombardements au moyen de l’artillerie et de mortiers contre le Donbass séparatiste, qui réplique de manière acharnée bien sûr. Le régime ukrainien explique cela en disant que le Donbass séparatiste fait lui-même dynamiter des bâtiments pour ensuite l’accuser. Le Donbass séparatiste explique de son côté qu’il a repoussé une tentative de pénétration de la 79e brigade d’assaut ukrainienne et que l’Ukraine prévoit de l’attaquer la nuit du 21 février.
La Russie ne dit étrangement rien au sujet de cette escalade, alors qu’en plus elle doit accueillir à Rostov-sur-le-Don un million de réfugiés et qu’elle a commencé à en recevoir plu de 50 000. Ce silence est expliqué par l’intervention publique prévue de Vladimir Poutine le 22 février, où il abordera la question du Donbass de manière très franche, est-il dit, notamment parce que le parlement russe a demandé la reconnaissance comme souveraine des « républiques populaires » de Donetzk et Louhansk.
En même temps, la Russie a fermé militairement, pour des manœuvres, une large partie de la mer d’Azov tant au transport aérien que maritime.
Et qu’a-t-on de nouveau en France à ce sujet ? L’ouverture de la représentation officielle de la « république populaire » de Donetsk en France ! Le compte Twitter du représentant a été ouvert le 13 février, en mode totalement pro-Eric Zemmour naturellement, mais officialisé le 19 février. En fait, il s’agit d’une initiative de Hubert Fayard, ancien premier adjoint de Bruno Mégret à la mairie de Vitrolles et déjà « représentant » depuis 2017, avant que l’État n’interdise cela en mars 2021.
L’adresse de la représentation était la même qu’une « agence de rencontres », dénommée « Amour de Russie », ce qui a valu à Hubert Fayard 18 mois avec sursis et mise à l’épreuve pour « proxénétisme aggravé ».
Une association parallèle avait été montée et la « représentation » compte désormais ouvrir plusieurs succursales, dan chaque région, au premier mars. Il va de soi qu’il s’agit là d’une initiative s’inscrivant dans la mise en perspective « hybride » de la guerre par la Russie. C’est là un dispositif « conservateur révolutionnaire » tout à fait en phase avec Eric Zemmour, qui est extrêmement prudent dans ses formulations pro-Russie, mais qui relève forcément du même phénomène : si Marion Maréchal le rejoint, alors il est très clair qu’il y a aussi la Russie à la manœuvre.
La France devient le terrain de bataille du camp pro-américain et pro-turbocapitaliste et du camp pro-russe conservateur révolutionnaire. Mais la France est suffisamment un pays de lutte de classe pour que ce sinistre conflit ne devienne pas l’actualité… A condition que la Gauche historique soit à la hauteur !