La tendance à la guerre renforce l’OTAN, et inversement.
Pendant cinq ans, le président Emmanuel Macron a mis sur la table l’idée d’une force armée européenne, et en tous cas de grande coopération et intégration industrielle-militaire en Europe. C’est là une sorte de gaullisme light, voulant garder pour la France un statut de relative grande puissance relativement indépendante, mais via l’Union européenne et son moteur franco-allemand.
Le projet d’armée européenne n’a jamais pris concrètement, puis il a été balayé par la guerre en Ukraine qui a vu le retour au premier plan de l’OTAN, pourtant donnée « en état de mort cérébrale » il y a très peu de temps encore par Emmanuel Macron.
Une nouvelle étape de l’échec de ce « gaullisme light » d’Emmanuel Macron via l’Union européenne vient d’être franchie, avec l’annonce par l’armée allemande de se tourner vers les États-Unis pour l’achat d’avions de guerre de type chasseurs-bombardiers. En l’occurrence, c’est une trentaine de F-35 de Lockheed Martin qui doit être commandée.
C’est un grand chamboulement, car l’Allemagne est censée intégrer depuis 2017 un programme de développement spécifiquement européen, nommé Système de combat aérien du futur ou SCAF. Plusieurs contrats et commandes spécifiques ont été passées auprès Dassault Aviation et Airbus Defence and Space, avec plusieurs millions d’euros de budget déjà engagés, des lettres d’intentions signées entre les ministres allemands et français de la Défense, etc.
Seulement, tout cela est pour dans longtemps, pas avant 2040. Et c’est maintenant que se dessine la tendance à la guerre. Et c’est maintenant que la superpuissance américaine met la pression pour une intégration totale à l’OTAN dans le sens d’un alignement militaire sur sa superpuissance.
Concrètement, l’Allemagne se positionne comme étant dans le sillage immédiat et direct des États-Unis, balayant toute la perspective franco-allemande sur le plan militaire. Voici comment l’agence de presse allemande Deutsche Presse-Agentur résume la chose :
« Les inquiétudes antérieures du gouvernement fédéral selon lesquelles l’achat du F-35 pourrait contrecarrer les projets conjoints avec la France de construire un ‘avion de combat du futur’ européen sont désormais passées au second plan et semblent largement invalidées du point de vue de Berlin ».
La pression américaine est en effet trop forte, et l’Allemagne ne misera pas sur la France. Car qui dit F-35, dit en fait et surtout intégration au programme militaire nucléaire de l’OTAN, c’est-à-dire américain. L’Allemagne dispose, sur la base de Büchel, de bombes nucléaires dite tactiques de type B-61, activables sur décision américaine. Mais pour rester intégrée à ce programme nucléaire, l’Allemagne est obligée d’acquérir les F-35 américains, car plus aucun nouvel appareil européen n’est certifié par les États-Unis pour cela.
L’Allemagne rejoint ainsi le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas et l’Italie, qui ont déjà acheté des F-35. Elle fait un immense pas de côté par rapport au moteur franco-allemand.
La grande bataille pour le repartage du monde est concrètement d’actualité, et ce que cela induit principalement, c’est une tendance au renforcement des deux principaux blocs. L’un américain, l’autre chinois. L’Allemagne renforce son intégration dans le premier, aux dépens d’une relative indépendance avec la France dans le cadre européen.