L’horizon s’arrête à un petit « moi » délavé par la société de consommation.
La France est un pays de petits-bourgeois tournés sur eux-mêmes, présomptueux, s’imaginant gérer avec distance une réalité qui pour eux a la même substance qu’une série télévisée. Et il y a une facture à payer pour cela.
Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle 2022, cela va être un jeu de massacre. Soit les choses continuent comme avant en s’empirant, en raison d’une légitimité accrue, soit les choses changent en renforçant l’apolitisme, le repli, l’absence d’implication personnelle, le dédain pour tout ce qui a de l’envergure, l’infantilisme émotionnel – sentimental – intellectuel.
Dans tous les cas, il ne se passera rien de bon. Il n’y aura pas de transformation profonde, réelle, tant des choses que des gens. La course à l’abîme, au vide de la société de consommation, continue.
Il est évident que le monde pourrait s’effondrer que cela ne choquerait d’ailleurs pas les Français. D’ailleurs, le monde s’effondre. La France aussi s’effondre. Les mentalités deviennent toujours plus pourries, l’esprit de trafiquant se répand, le repli individualiste se généralise, l’absence d’engagement est complet, tous les tissus sociaux se déchirent. Tout cela, les Français le cachent, avec des fictions sur la France et ses traditions, ses valeurs, son art de vivre, et tous les discours artificiels d’une société satisfaite d’elle-même parce qu’elle n’est plus une société, mais une accumulation d’individus.
Et pourtant, ici et là, le cynisme s’efface devant les accidents de la vie qui alors brisent les gens qui ne voulaient pas y croire, et c’est l’écroulement personnel, le ciel qui tombe sur la tête. Le divorce, le licenciement, le déclassement, l’isolement, les problèmes psychologiques, les troubles psychiatriques… Car le capitalisme c’est marche ou crève et malheur à qui ne tient pas le rythme exigé.
Les Français, menteurs et présomptueux, vont payer cher la présidentielle 2022. Ils ont trop contourné les exigences de la réalité afin de satisfaire leurs misérables petites ambitions individualistes pour ne pas payer la facture. Ce qui les attend, c’est la désolation. La désolation des choses qui ne changent pas ou, pire, des choses qui changent en s’empirant.
L’avenir a pourtant lancé des appels. La question animale a été posée, les Français auraient pu être à la hauteur d’un changement concret de leurs pratiques, par souci moral et culturel, en se tournant vers la vie. Ils en ont un peu parlé, disant oui ou on va changer, puis rien, bien sûr, car modifier une vie fournie par le capitalisme, pourquoi le faire ? Si les choses doivent changer, elles le feront d’elles-mêmes, etc.
Il y a également le mouvement Je suis Charlie. Il avait ses limites, mais il était une expression sympathique d’universalisme et de culture, face à la barbarie et à la division. Tout cela a été immédiatement liquidé. On pourrait même peut-être dire que ce fut le dernier moment où la France cultivée s’est exprimée, avant que ne triomphe le marasme généralisé d’un capitalisme en crise, d’une civilisation à bout de souffle, avec des gens dont le comportement est en adéquation avec cette catastrophe historique.
L’avenir va porter un jugement impitoyable sur des Français du passé. La condamnation morale et culturelle sera totale. Ne pas être à la hauteur d’une époque avec tellement d’exigences, c’est criminel. Et chaque jour qui passe augmente la gravité de la chose. Le 10 avril 2022 ne fait qu’entériner la chose.