La rupture n’est pas loin.
C’est un événement qui révèle bien l’ampleur de la crise interne à l’Ukraine. Début août 2022, Amnesty International a publié un rapport intitulé « Ukraine. Les tactiques de combat ukrainiennes mettent en danger la population civile ». L’accusation faite par Amnesty International est la suivante :
« Les forces ukrainiennes mettent en danger la population civile en établissant des bases et en utilisant des systèmes d’armement dans des zones résidentielles habitées, notamment des écoles et des hôpitaux, lors des opérations visant à repousser l’invasion russe qui a débuté en février, a déclaré Amnesty International le 4 août.
Ces tactiques de combat violent le droit international humanitaire et mettent gravement en danger la population civile, car elles transforment des biens de caractère civil en cibles militaires. Les frappes russes qui en ont résulté dans des zones habitées ont tué des civil·e·s et détruit des infrastructures civiles. »
Le régime ukrainien a alors rué dans les brancards. Car il ne connaît pas le fonctionnement d’Amnesty International, de Greenpeace et de toutes les ONG de grande ampleur. Ces ONG accompagnent les événements, avec une critique de faible mesure servant à neutraliser une critique réelle. Les ONG servent de zones tampons pour empêcher que les choses partent trop dans le mauvais sens niveau contestation.
Donner le champ libre aux ONG est une pratique américaine qui s’est généralisée à l’ensemble des pays occidentaux, qui savent que de toute façon dans le libéralisme et le relativisme général, cela ne peut que servir.
Le régime ukrainien ne connaît rien à tout cela et il a alors accusé de manière violente Amnesty International de faire le jeu de la Russie. La responsable d’Amnesty International en Ukraine, Oksana Pokaltchouk, a démissionné au nom des mêmes motifs. C’est totalement furieux et c’est représentatif du tournant que connaît l’Ukraine.
C’est un peu comme si avait pris les commandes la Femen Inna Shevchenko, qui sur le réseau social Twitter est devenue une fanatique pro-OTAN et pro-guerre, totalement anti-russe, depuis le début de la guerre (elle qui ne parlait auparavant jamais de l’Ukraine). Pour donner un exemple concret, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé la population dans la partie sous contrôle ukrainien du Donbass à entièrement quitter la zone. L’idée est de passer à un affrontement généralisé en mode particulièrement brutal.
Le régime ukrainien prétend même que la région de Kherson, prise par la Russie dès le début de son « opération spéciale », sera reprise avant septembre ! C’est le discours rabâché depuis deux semaines, y compris et notamment par les médias occidentaux, et là à la fin de la première semaine d’août on s’aperçoit qu’il n’y a pas d’offensive ukrainienne réelle mise en place, mais par contre que l’armée russe a amassé de nombreuses troupes et matérielles dans la région.
Pour comprendre la question, voici la carte de situation établie par l’armée française. Elle date du tout début d’août mais cela ne change rien au fond.
Il y a trois zones d’affrontement sévère sur une ligne de front immense. La principale zone, c’est la zone de Donetzk, le point (2). C’est dans cette zone que la Russie a pris environ 165 km2 au mois de juillet 2022. Cela semble peu, mais c’est une zone où depuis 2014 l’Ukraine a établi de véritables forteresses, profitant notamment que ce soit une zone minière.
Rien qu’avec cela et le fait que l’armée ukrainienne soit numériquement immense, l’idée d’une Russie qui aurait voulu gagner en trois jours ne tient pas debout. Le Donbass est ultra militarisé et l’armée ukrainienne sur-développée. Mais cette armée est en déconfiture depuis plusieurs semaines et perd même chaque jour du terrain dans cette zone forteresse. Si elle tombe, c’est toute la ligne de front qui va céder, en coûtant la vie à des milliers de soldats ukrainiens.
L’armée ukrainienne tente pour cette raison de grignoter du terrain dans la zone (3), à côté de la région de Kherson et juste avant Odessa. Elle déplace même des troupes depuis la zone (2), au risque majeur de faire tomber le Donbass. Mais ce déplacement n’obéit pas réellement à une possibilité de contre-offensive. Il correspond à une manœuvre pour dire aux pays occidentaux qu’une contre-offensive est possible… et qu’il faut donc fournir des armes, du matériel, etc.
Sur le site Euromaidan press, qui reflète le point de vue du régime ukrainien, il est ainsi demandé… 1 400 tanks, 4 200 véhicules blindés d’infanterie et de transports de troupes, 1 100 canons automoteurs de type M109 et 400 canons automoteurs d’artillerie lourde de type CAESAr – Krab – Panzerhaubitze 2000, 50-60 systèmes de lance-roquettes multiples à haute précision et à longue distance.
C’est totalement fou. Pour donner un exemple, la France dispose de 58 canons CAESAr, après en avoir donné 18 à l’Ukraine. Ce que demande l’Ukraine impliquerait que tous les pays de l’OTAN fournissent pratiquement directement leur matériel.
Et la raison de cela est très simple. Le régime ukrainien a compris que la superpuissance américaine ne visait pas une victoire ukrainienne, mais une défaite russe. L’Ukraine est là pour saigner à blanc la Russie, pas pour simplement vaincre. Il y a donc une divergence d’intérêts et le seul moyen pour le régime ukrainien de modifier les choses en sa faveur est de partir dans une logique de guerre totale, pour forcer la main des pays occidentaux.
Le régime ukrainien est en fait devenu un régime zombie.