Les forces à droite qui proclament cela font de la démagogie.
En France, le gaullisme a été une force de frappe idéologique et politique de très grande importance. Cela a permis à toute une fraction de la haute bourgeoisie de conserver une légitimité patriotique dans les années 1940 tout en étant anticommuniste, pour mieux revenir sur le devant de la scène dans les années 1950.
Le gaullisme c’est une grande synthèse idéologique pour la haute bourgeoisie française, combinant tout à la fois le corporatisme fasciste et le monarchisme dans une Ve République présidentialiste et le côté impérial du « cavalier seul » propre au bonapartisme.
C’est pour cela que les États-Unis se sont toujours méfiés du « mauvais élève » français, notamment lorsque le gaullisme a atteint son apogée dans les années 1960. C’est lorsque les États-Unis étaient engagés en pleine guerre du Vietnam que de Gaulle estime que la France doit sortir du commandement intégré de l’OTAN.
Mais cette politique d’indépendance nationale n’a été possible que parce que le gaullisme avait réussi le virage de la « décolonisation », en fait la transformation de l’empire colonial en zones néocoloniales, et que le capitalisme français connaissait un élan général, marqué par 6 % de croissance annuelle. De cette manière, le gaullisme a pu mettre en place un vaste complexe militaro-industriel notamment fondé sur une dissuasion nucléaire permise par les essais loin de la métropole.
Cet héritage gaulliste qui est devenu ensuite un néo-gaullisme a fourni un corpus politique et idéologique stratégique toujours plus porté par l’extrême droite dans les années 2000.
Le grand tournant a notamment été la réintégration en 2007 de la France dans le commandement intégré de l’OTAN décrétée par Nicolas Sarkozy, mettant fin au néo-gaullisme qui était encore assumé par la Droite comme lors du refus de l’intervention américaine en Irak en 2003.
Depuis la pandémie de Covid-19 qui a miné tous les capitalismes nationaux les faisant se dresser les uns contre les autres dans le cadre d’une nouvelle guerre de repartage impérialiste, l’idée d’une indépendance nationale française en dehors de l’OTAN (et de l’UE qui est une excroissance) est une illusion.
Les fractions minoritaires de la Droite nationaliste qui promeuvent cette stratégie ne font qu’user d’un héritage qui a un écho populaire mais qui restera lettre morte tant le capitalisme français n’a plus les moyens d’une telle orientation.
Car le capitalisme français des années 1960 ce n’est pas celui de 2022 ! Avec 0,5 % de croissance annuelle et un endettement de près de 130 % de son PIB, une société minée par les comportements individualistes-consommateurs, l’appel au retour à la France gaulliste est un mirage qui chante simplement aux esprits nostalgiques.
Comment feront les Philippot, Asselineau et autre Dupont-Aignan pour assurer à la France sa base capitaliste face à la concurrence russe, chinoise et indienne sans l’appui des milliards américains, et surtout de son immense parapluie militaire dans le monde ? Avec le contexte d’inflation généralisé et les ruptures d’approvisionnements en matières premières, que feront ces patriotes pour assurer l’économie capitaliste française ? De quelle illusion se bercent-ils ?
En Italie, Georgia Meloni, supposée être pour la sortie de l’UE, négocie avec Mario Draghi pour constituer un gouvernement technique. Sans les subventions européennes, l’Italie capitaliste s’effondre, de même que sans les 770 milliards de dollars que les États-Unis injectent chaque année dans leur force militaire, l’Italie n’aurait pas les moyens de sa « défense » nationale, et donc de ses parts de marché.
Mais il faut voir aussi comment tous les députés du RN ont applaudi l’ambassadeur ukrainien le 3 octobre à l’assemblée nationale pour se convaincre que ces gens ne sont bel et bien qu’au service de la bourgeoisie et du capitalisme français, qui ne pourra se relancer sans l’appui militaire des États-Unis.
Il ne faut donc pas croire un instant les néo-gaullistes français qui s’imaginent revenir aux années 1960. Le basculement du monde dans la guerre de repartage impérialiste depuis la pandémie de Covid-19, puis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, rend à la Droite nationaliste ce mot d’ordre concrètement impossible, ou si ce n’est par démagogie pour attirer les faveurs d’une partie des gens.
Car dorénavant l’idée d’une sortie de l’OTAN (et de l’UE) n’est plus une simple option de politique internationale sur le mode d’un « choix géopolitique », mais une perspective antagonique avec l’appareil d’État lui-même et tout le mode de vie à l’américaine qui s’est réellement implanté en France à partir des années 1990.
La sortie de l’OTAN, c’est la remise en cause de la superpuissance américaine dans sa capacité à avoir orienté toute l’accumulation capitaliste au sortir de la seconde guerre mondiale, réimpulsée au tournant des années 1980-1990. En 2022, dans les puissances de second ordre comme la France, on ne peut plus vouloir un capitalisme national en dehors des positions fortifiées par les États-Unis.
Et comme on ne peut plus dissocier les deux, alors la sortie de l’OTAN exige en réalité une Gauche historique fidèle au mouvement ouvrier capable d’aller à la rupture pour réorganiser l’ensemble de la base productive. Bref, on ne peut assumer la sortie de l’OTAN si l’on assume pas également le Socialisme : le temps du néo-gaullisme est fini, place à la classe ouvrière et au socialisme.