Cela permet une grille de lecture des rapports diplomatiques.
La Russie a déjà plusieurs fois réalisé une telle initiative, qui il est vrai est révélatrice. Elle propose à l’ONU un vote contre le nazisme par l’intermédiaire de la « Troisième Commission » des Nations-Unies, qui est chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles. Puis elle s’appuie sur les résultats pour affirmer sa propre position et dénoncer.
Cette année avec la séance du 4 novembre 2022, la polarisation est d’autant plus marquée étant donné que le régime ukrainien se revendique ouvertement de nationalistes ukrainiens s’étant alliés avec le nazisme ou ayant convergé avec lui. En Ukraine aujourd’hui tout ce qui relève de la Gauche historique est interdit ; publier Rosa Luxembourg est illégal, pour donner un exemple. Glorifier les collaborateurs ukrainiens de l’armée nazie pendant la seconde guerre mondiale est par contre valorisé, étant donné que cela conforte le nationalisme ukrainien.
Les pays occidentaux, opposés à la Russie et soutenant le régime ukrainien (qui est même leur marionnette, en particulier de la superpuissance américaine) ont tenté un contre-feu avec un amendement dénonçant la Russie comme utilisant un vote pour justifier son conflit avec l’Ukraine.
Cela permet un panorama diplomatique de la situation actuelle. Ce n’est guère fascinant en soi, mais utile pour savoir les positionnements de chaque pays dans la période actuelle.
SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME SESSION 45E SÉANCE – MATIN
4 NOVEMBRE 2022
La Troisième Commission entérine par consensus sept textes, mais voit la lutte contre le néonazisme cristalliser les tensions nées de la guerre en Ukraine
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a commencé, ce matin, à se prononcer sur ses projets de résolution en faisant siens huit textes, dont sept par consensus. Un vote a cependant été requis pour entériner celui relatif à la « lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ».
En vertu de ce projet de résolution présenté par la Fédération de Russie, et adopté par 105 voix pour, 52 voix contre et 15 abstentions, l’Assemblée générale se déclarerait profondément préoccupée par la glorification, quelle qu’en soit la forme, du mouvement nazi, du néonazisme et des anciens membres de l’organisation Waffen-SS.
Mais la pomme de discorde est née de l’adoption, par 63 voix pour, 23 voix contre et 65 abstentions, d’un amendement présenté par l’Australie, lequel stipule que la Fédération de Russie a cherché à justifier son agression territoriale contre l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme, et souligne qu’invoquer le néonazisme comme prétexte pour justifier une agression territoriale compromet sérieusement les mesures prises pour combattre réellement ce fléau.
Au nom de l’Union européenne (UE), la République tchèque a estimé que le projet de texte dans son ensemble s’inscrit « en contrepied » dans la mesure où la Fédération de Russie a supprimé le paragraphe qui prend note du rapport de la Rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l’homme sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, libellé réintroduit par la délégation russe lors d’un amendement oral.
L’Australie a précisé pour sa part que son amendement est tiré du rapport de ladite Rapporteuse spéciale. Il s’agit d’une réaction à l’instrumentalisation grave et évidente des droits humains par la Russie, et c’est pourquoi « nous reprenons mot pour mot » le passage du rapport, a souligné la délégation.
La Macédoine du Nord et le Libéria ont estimé que cet amendement permet de corriger l’interprétation de la résolution selon laquelle l’auteur a souhaité officiellement justifier son invasion pour procéder à ce qu’il appelle une « dénazification » de l’Ukraine. Une telle position mine gravement les efforts de lutte contre le nazisme et le néonazisme, ont estimé ces délégations, l’Ukraine décriant de son côté « le comble de l’hypocrisie ».
Pour la Fédération de Russie, l’amendement, dont elle s’est dissociée, visait tout simplement à empêcher l’adoption de la résolution. Il ne s’agit pas d’une approche constructive, a-t-elle regretté. La République arabe syrienne et la Chine, ainsi que par le Burundi et l’Égypte, entre autres, ont regretté pour leur part que l’incorporation de l’amendement vienne « politiser » une résolution thématique.
(…)
Préalablement au vote sur le projet de résolution dans son ensemble, l’Australie a présenté le projet d’amendement A/C.3/77/L.52, par lequel l’Assemblée générale constaterait avec inquiétude que la Fédération de Russie a cherché à justifier son agression territoriale contre l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme, et soulignerait qu’invoquer le néonazisme comme prétexte pour justifier une agression territoriale compromet sérieusement les mesures prises pour combattre réellement ce fléau.
Le projet d’amendement a été adopté par 63 voix pour, 23 voix contre et 65 abstentions.
Déclarations et explications de vote sur le projet d’amendement
Avant le vote, l’Australie, qui avait initialement soumis deux projets d’amendement aux côtés du Japon, du Libéria et de la Macédoine du Nord, a tout d’abord indiqué qu’à la suite de la révision annoncée par la Fédération de Russie, le premier avait été retiré car il était devenu « redondant ».
Elle a par ailleurs précisé que le libellé de l’amendement maintenu est tiré du rapport de la Rapporteuse spéciale, lequel note avec inquiétude que la Fédération de Russie a essayé de justifier son invasion militaire de l’Ukraine en avançant l’élimination du néonazisme. Il s’agit d’une réaction à l’instrumentalisation grave et évidente des droits humains par la Russie, a souligné la délégation. C’est pourquoi, a-t-elle déclaré, « nous reprenons mot pour mot » le passage du rapport.
Au nom de l’Union européenne (UE), la République tchèque a rappelé que la lutte contre le racisme est un principe fondateur de l’UE qui, depuis 10 ans, prend une part active et constructive à cette résolution. Le projet de texte présenté cette année s’inscrit, selon elle, « en contrepied » dans la mesure où la Fédération de Russie a supprimé le paragraphe qui prend note du rapport de la Rapporteuse spéciale. La raison de la suppression de ce paragraphe est évidente et ne peut être justifiée par des raisons techniques, a-t-elle fait valoir.
En effet, le rapport prend note avec inquiétude que la Russie a justifié son invasion militaire de l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme. Il s’agit pour la délégation d’une « instrumentalisation de préoccupations vives concernant les droits humains ».
L’utilisation sous forme de prétexte du néonazisme pour justifier une agression territoriale compromet sérieusement les mesures prises pour combattre réellement ce fléau, a déploré la délégation, qui a expliqué que pour toutes ces raisons, l’UE votera en faveur de l’amendement.
À sa suite, la Macédoine du Nord et le Libéria ont estimé que cet amendement corrige l’interprétation de la résolution selon laquelle l’auteur a souhaité officiellement justifier son invasion pour procéder à ce qu’il appelle une « dénazification » de Ukraine.
Une telle position mine gravement les efforts de lutte contre le nazisme et le néonazisme, ont estimé les délégations, qui ont appelé à la mobilisation pour ne pas faire du projet de résolution une « arme de propagande » aux mains de l’agresseur.
Hostile à ce projet d’amendement, la Fédération de Russie a appelé à voter contre. Rappelant qu’elle mène, d’année en année, des négociations ouvertes sur ce texte, elle a estimé que le but de l’amendement est de « politiser le sujet ». Nous avons toujours été disposés à mener un dialogue et à aborder toute proposition constructive, a assuré la délégation.
Néanmoins, nous rejetons toute proposition visant à modifier l’essence ou la finalité de la résolution, dont l’objectif n’est pas de pointer du doigt, a-t-elle ajouté, relevant qu’il s’agit d’un texte thématique qui évoque des problèmes « transfrontières » concernant de nombreux pays du monde. Cette position a également été soutenue par l’Azerbaïdjan.
Avant le vote sur le projet de résolution dans son ensemble, tel que révisé oralement et amendé, l’Arménie, qui s’exprimait au nom de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), a indiqué que ce texte jouit d’un large soutien parmi les États membres de cette organisation, qui font front commun contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Ils le font grâce à la bravoure de leurs citoyens, qui, au prix de leurs vies, ont libéré les peuples d’Europe du nazisme, a-t-elle souligné, en s’élevant contre les « campagnes politiques » de certains pays qui visent à « réécrire l’histoire ».
Le Canada et les États-Unis ont, de leur côté, exprimé leur opposition à ce projet de résolution qui vise, selon eux, à légitimer un discours basé sur la désinformation. Ils ont été appuyés par le Japon et le Royaume-Uni, ce dernier constatant que le « régime de Putin » est en train de se livrer aux actes les plus dévastateurs, semblables à ceux de certains des pires régimes du XXe siècle.
Quant à l’Ukraine, elle a estimé que ce projet de texte n’a rien à voir avec l’intitulé de la résolution, mais est, au contraire, un prétexte utilisé par la Russie pour justifier sa guerre brutale contre son pays et les crimes abjects commis contre l’humanité. La délégation y a vu le « comble de l’hypocrisie ».
Après le vote du projet de résolution, le Mali s’est déclaré en faveur du texte, tout comme Singapour qui a cependant estimé qu’une question aussi importante ne doit pas être politisée, « ce qui est malheureusement le cas aujourd’hui ».
Le Venezuela, en tant que co-auteur de ce projet « opportun », a regretté l’amendement, qui, selon lui, ne contribue pas à l’objectif final. Il s’est donc dissocié de ce passage, à l’instar du Nicaragua qui a regretté les tentatives visant à détourner l’attention de la lutte pour l’éradication de toutes ces idéologies néfastes et extrémistes.
La Croatie a dit avoir voté contre ce texte « pour la première fois en 10 ans ». Même remarque de l’Australie, qui a appelé à une approche plus inclusive pour lutter contre les formes contemporaines du racisme et de la xénophobie. La Russie doit nouer un dialogue transparent autour de cette résolution, a-t-elle plaidé.
À son tour, la Slovénie a exprimé son rejet de l’approche défendue par le texte, de même que l’Islande, qui, au nom d’un groupe de pays, a rejeté une « instrumentalisation » destinée à justifier une agression contre un pays souverain. Quant à la Suisse, qui s’est abstenue, elle a estimé que le projet de résolution ne reflète pas les formes les plus contemporaines de ces fléaux.
Le Guatemala a ensuite dit avoir voté en faveur du projet de texte, tout comme Cuba, qui s’est dite pleinement engagée dans la lutte contre toutes les formes de nazisme et du néonazisme, y voyant « les manifestations les plus extrémistes de théories visant à mettre en place la suprématie d’une race ». Abondant dans le même sens, Sri Lanka a regretté l’amendement au texte, avant de rejeter une approche ciblant un pays en particulier.
La Fédération de Russie a remercié tous les États Membres qui ont voté en faveur d’une résolution « fondamentale pour le système des Nations Unies ».
Elle a ensuite condamné les manifestations les plus graves de glorification du nazisme, notamment la destruction de monuments érigés à la mémoire de ceux qui ont lutté contre le nazisme. Pour la délégation, l’issue du scrutin n’a fait que confirmer que l’objectif de l’amendement était tout simplement d’empêcher l’adoption de la résolution.
Il ne s’agit pas d’une approche constructive, a-t-elle dénoncé, avant de se dissocier de l’ajout fait au texte. À son tour, le Bélarus a rendu hommage à ceux qui ont permis au monde de « ne pas sombrer dans les abysses de la haine sous l’étendard du nazisme » et s’est également dissocié du paragraphe ajouté, tout comme le Vietnam, la Malaisie et l’Afrique du Sud, celle-ci estimant en outre que la Troisième Commission n’est pas le « forum idoine » pour examiner les droits humains dans des pays spécifiques.
Favorables au texte soumis par la Fédération de Russie, ces pays ont été rejoints par la République arabe syrienne et la Chine, également hostiles à l’amendement, ainsi que par le Burundi et l’Égypte. Ces délégations, qui se sont portées co-auteurs du projet de texte, ont regretté que l’incorporation de l’amendement vienne « politiser » une résolution thématique.
L’Algérie a, pour sa part, indiqué avoir voté en faveur du texte dans son ensemble, mais s’être abstenue sur le projet d’amendement.
Pour finir, Israël est revenu sur l’Holocauste, jugeant que la « plus sombre période de l’histoire du peuple juif » a démontré à quel point l’être humain peut être « vil au plan moral ». C’est, hélas, un phénomène contemporain dont il est impératif d’identifier les racines profondes, a-t-il affirmé, appelant à la mobilisation des gouvernements et de la communauté internationale ainsi que des plateformes de réseaux sociaux. La délégation a ajouté que, si elle s’est prononcée en faveur du texte, son vote ne doit pas être considéré comme un « feu vert » donné à un pays qui envahit un État souverain.