L’État installe tout ce qu’il faut pour aller à l’affrontement généralisé.
La Revue nationale stratégique date de 2017 et a été actualisé en 2021, elle indique les principaux axes stratégiques de l’Etat français sur le plan militaire. Il y a cependant une nouvelle version en 2022, en raison du conflit en Ukraine, et c’est à Toulon, à bord du porte-hélicoptères amphibie Dixmude, que le Président de la République Emmanuel Macron l’a officialisée.
Si d’un côté il s’est positionné comme force de proposition, avec la France jouant un rôle dans l’organisation d’un système de sécurité européen et mondial, en filigrane il y a un appel très clair à la transformation de l’armée française dans le sens de la guerre de haute intensité. Autrement dit, Emmanuel Macron pose que la guerre aura lieu aux alentours de 2030 – et qu’il faut commencer la grande réorganisation dans cette direction, en accélérant à chaque fois que l’opinion publique, marquée par la crise, le permettra.
Il n’a ainsi pas hésité à affirmer que :
« Nous devons faire pivoter notre économie, nous adapter au nouveau contexte, pousser avec notre industrie de défense vers de nouveaux efforts et nous mettre en posture d’économie de guerre. »
Voici la vidéo du discours d’Emmanuel Macron, qui insiste bien sur le fait que « l’armée de 2030 » doit être désormais résolument nouvelle.
Le problème dans tout ça pour Emmanuel Macron, c’est qu’il faut assumer d’être désormais entièrement à la remorque de la superpuissance américaine, sans pour autant le dire. D’où deux parties totalement en incohérence l’une avec l’autre : « La France, allié exemplaire dans l’espace euro-atlantique » et « La France, un des moteurs de l’autonomie stratégique européenne ». Il faut lire en filigrane pour comprendre qu’au-delà des apparences, tout passe par l’Union européenne et donc l’OTAN et donc la superpuissance américaine.
En apparence, la France et l’Europe font leurs choix en toute indépendance, c’est revendiqué… Puis quand on voit en quoi consistent ces choix, on comprend qu’il s’agit de « choisir » d’être un satellite américain. Les phrases essentielles sont ici, et elles sont littéralement hallucinantes de franchise :
« Le recentrage américain sur la compétition stratégique avec la RPC s’accompagne d’une recomposition des rapports de force entre puissances régionales. »
« À travers la guerre en Ukraine, les États-Unis sont à nouveau apparus comme le principal pourvoyeur de la sécurité européenne, par l’ampleur des efforts de réassurance et de soutien militaire à l’Ukraine.
Un potentiel affaiblissement de l’investissement américain dans les zones d’intérêt européen (Afrique, Moyen-Orient), par ailleurs plus exposées aux visées unilatérales de puissances intermédiaires et à la montée d’opinions anti-occidentales, pourrait affecter notre capacité à contribuer durablement à la sécurité et la stabilité de ces régions. »
Ce qui va, naturellement, de pair avec une grande inquiétude sur une opposition intérieure à la guerre, qui est ici criminalisée par avance au moyen d’explications sans aucun sens : il y aurait des armes, on ne sait pas lesquelles, qui seraient « trouvées » sur le champ de bataille en Ukraine, et là les Russes auraient l’idée de les envoyer, celles-là et pas d’autres !, par la Poste à 2500 km afin qu’il y ait des attentats à Paris. C’est irréel.
« La guerre en Ukraine fait également peser le risque d’un retour au terrorisme d’État. La
désinhibition des comportements de la Russie rend crédible la possibilité d’une récupération
d’armes de tout type sur le théâtre ukrainien pour servir des groupes affidés (proxies) ou
terroristes. Celles-ci pourraient être utilisées contre nos intérêts, en complément d’une
campagne de désinformation. »
L’armée française est trop intelligente pour que ces lignes ne relèvent pas de la narration toujours plus forte comme quoi critiquer le soutien au régime ukrainien, c’est être un agent de Moscou. Dans son discours, Emmanuel Macron a d’ailleurs souligné que désormais « l’influence » serait érigée au rang de « fonction stratégique » de l’armée française, ce qui accorde à la propagande étatique supervisée par les militaires une dimension nouvelle, fondamentale.
Et pour l’instant, tout cela est accepté sans aucune protestation par la société française ! D’où l’importance de Rosa, la gazette bimensuelle contre la guerre, dont le nouveau numéro vient de paraître.
Voici ici également la Revue nationale stratégique de 2022.
revue-nationale-strategique-07112022