La France s’accroche tant bien que mal à sa puissance.
« Le monde ne nous attend pas, car les rivalités aiguisent les appétits et les stratégies, car nous devons tenir notre rang », voilà les propos on ne peut plus clairs d’Emmanuel Macron pour ses vœux aux armées à la base aérienne de Mont-de-Marsan lors desquels il a présenté les contours de la future loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM).
La LPM 2024-2030 vise un budget visant à répondre à hauteur de 413 milliards d’euros de besoins militaires, soit environ 57 milliards par an, contre 44 milliards pour l’année 2023 qui est déjà marquée par une rallonge substantielle dans le cadre de la dernière LPM.
Entre les deux LPM, on a une hausse de près de 36 % du budget militaire !
Après avoir remis à niveau l’armée française, la puissance capitaliste française vise dorénavant à la mettre à niveau des conditions de la grande bataille pour le repartage du monde.
Les choses sont claires et actées devant la société française : le monde va vers la guerre et il s’agit de la préparer pour défendre la puissance française, le capitalisme français.
Comme la France est devenue une puissance de second ordre, elle ne peut compter uniquement sur la masse, passant ici par l’annonce du doublement de la réserve opérationnelle et un nouvel horizon pour la SNU : elle vise surtout le renforcement de « l’épaisseur » de sa cuirasse militaire.
Ce sont les « quatre pivots » énoncés par Emmanuel Macron, à savoir la souveraineté, passant tout à la fois par le renforcement des moyens du renseignement militaire et la réforme de la Direction générale de l’armement en vu de fluidifier le fonctionnement du complexe militaro-industriel et de le faire entrer dans l’ « économie de guerre » annoncée en juin 2022 au salon de l’armement Eurosatory.
A ce titre, il a été opté par la mise à niveau complète de l’armée de l’air avec un passage au « tout Rafale », ce qui exige une certain niveau de production.
Il y a également l’augmentation des moyens pour la cyberdéfense, la haute intensité, c’est-à-dire la hausse de la production de munitions mais aussi le maintien en condition opérationnelle des équipement avec l’augmentation des exercices de grande envergure – comme le sera l’exercice Orion cette année dans l’est du pays.
Enfin, on retrouve ce qui est appelé l’engagement dans les « espaces communs », comme l’Espace ou les espaces marins mais aussi l’Europe et les alliances en vue de conserver une autonomie d’action, et surtout de commandement.
L’insistance sur les « espaces communs » est cruciale. Les océans et les mers, notamment et surtout les grands fonds marins sont devenus un nouvel espace pour l’accumulation capitaliste pour la décennie à venir et il s’agit de les défendre coûte que coûte pour une puissance française qui a la seconde zone économique exclusive du monde.
C’est le sens de la construction d’un nouveau porte-avion nouvelle génération qui devra succéder à l’actuel Charles de Gaulle. Cela doit permettre à la France de se positionner « correctement » dans la très chaude région indo-pacifique et ainsi défendre ses pré-carrés en relative autonomie d’avec la superpuissance américaine.
Tout comme d’ailleurs Emmanuel Macron a bien fait mention, à propos des zones de tensions maritime, de « la Méditerranée orientale » du fait de la forte implication de la France auprès de la Grèce contre la Turquie.
Dans ce panorama marquée par la crise, on peut et doit comprendre la réforme des retraites comme le côté pile de la pièce de la restructuration capitaliste, la hausse du budget militaire en étant le côté face.
Non pas de manière réformiste-populiste comme quoi il y aurait de l’argent pour l’armée et pas pour les retraites, mais en ce que ces choses sont l’expression d’un capitalisme français pourrissant qui tente de se maintenir coûte que coûte…et qu’il s’agit donc de renverser et non pas d’aménager par d’autres « orientations budgétaires ».
Car cette hausse du budget militaire vise non plus qu’à conserver les positions de la France capitaliste dans un monde toujours plus en proie aux antagonismes économiques, politiques, militaires. Ni plus, ni moins.
Quant à la réforme des retraites, elle n’est là que pour assurer la capacité de l’État à continuer à emprunter sur les marchés financiers à des taux qu’il juge soutenables alors que l’endettement du pays a flambé pendant la pandémie de Covid-19. Donc à lui assurer son train de vie, sa puissance économique, sa capacité à conserver sa place dans le monde là aussi.
Dans tous les cas, ce sont les masses qui en paient le prix fort par la dégradation progressive de leurs conditions de vie sur fond de militarisation de la société au dépends de la démocratie elle-même.
Mais entend-on une telle analyse chez les forces qui dirigent le mouvement ? Nullement. Au contraire, on a le niveau zéro de la conscience, le pur populisme comme avec la leader d’EELV Marine Tondelier qui voudrait une « France sans milliardaire ». Mais pas sans capitalisme ! Pas sans le militarisme français et l’OTAN !
Les députés d’une NUPES ont choisi de suivre la tendance, celle d’une France capitaliste forte pour mieux grappiller quelques concessions sociales, ou plutôt conserver quelques miettes sociales. Jamais il n’est question de crise, donc de capitalisme et de militarisme car tout tomberait du ciel, ou plutôt de la tête d’une « oligarchie » qui voudrait le mal des gens…
Mais le problème, c’est bien que les masses veulent elles-aussi conserver leur mode de vie dans une France stable, prospère, à l’écart des troubles du monde… sans aucune implication réelle pour renverser le vieux ordre.
De fait, on aura encore malheureusement bien de la peine à voir se former une opposition politique aux orientations de cette LPM qui sera bientôt débattue au parlement. Pour cela, il faut raisonner en termes de crise…et de révolution.
Et malheureusement, il semble bien que c’est la troisième guerre mondiale qui va précipiter les choses.